VÉRAN PARMENTIER MÊME COMBAT ?ou Comment l’épopée de la patate inspira un ministre de la Santé
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VÉRAN PARMENTIER MÊME COMBAT ?ou Comment l’épopée de la patate inspira un ministre de la Santé
Parmentier, vous connaissez ? Oui, Antoine-Augustin Parmentier, celui dont le hachis porte le nom car c’est l’homme qui popularisa la pomme de terre au XVIIIe siècle ? Je vais vous retracer son œuvre, ou plutôt sa légende, et tenter de voir si notre ministre de la Santé ne s’en serait pas inspiré pour vendre son vaccin aux Français.
Et si la piqûre donnait la patate…
Un petit tubercule pour contrer disettes et famines
De l’origine en Amérique du Sud…
C’est l’espèce Solanum tuberosum, qui donne la pomme de terre (ou la patate). Apparue sur le territoire de l’actuel Pérou, la « papa », devenue patata, commença à être cultivée il y près de 8 000 ans, notamment en Amérique du Sud. Il fallut cependant attendre le XVIe siècle pour qu’elle débarque en Europe, au gré des voyages des conquistadors. Si certains se risquent alors à la consommer durant des périodes difficiles, elle est toutefois principalement réservée à une nourriture animale ; elle sera même interdite à la consommation et à la culture durant quelques années, soupçonnée d’apporter la peste, la lèpre, voire d’être la créature du diable (est-ce de là que vient la recette de la pomme de terre à la diable ?) !
Venons-en à notre héros du jour : Auguste-Antoine Parmentier. Né dans une famille bourgeoise en 1737, il est apothicaire (l’ancêtre des pharmaciens), mais aussi chercheur, agronome, nutritionniste et de surcroît pharmacien militaire. C’est à ce titre que, engagé durant guerre de Sept Ans, il est fait prisonnier en Prusse et découvre les vertus de la bouillie de Kartoffel et observe sa culture à Hanovre.
… à son introduction en Europe
De retour en France, c’est à la suite d’une énième famine que Parmentier publie un premier Mémoire dans lequel souligne l’intérêt du tubercule pour lutter contre les disettes. Rappelons qu’à l’époque, la pomme de terre est toujours interdite sur une grande partie du territoire national. Pourtant, la Faculté de médecine de Paris finit par affirmer que sa consommation est sans danger pour l’homme.
Et c’est là que Parmentier construit sa légende.
Interdire pour mieux susciter l’envie !
Il poursuit ses études sur la solanée, et tente de la promouvoir en organisant des agapes auxquelles il invite le Tout-Paris et même au-delà, puisque Benjamin Franklin lui fit l’honneur d’assister à la préparation d’un pain à base de farine de pomme de terre.
Mais on ne combat pas si facilement des réticences ancestrales, a fortiori lorsqu’elles reposent partiellement sur des croyances religieuses. C’est alors que Parmentier eut une idée de génie.
Si les pains cuits devant ses invités prestigieux n’avaient pas une saveur légendaire, la presse de l’époque en parla comme de la « découverte la plus importante du siècle ». C’est le début de l’épopée de la patate. Parmentier réussit à obtenir des terres au sud de Paris, dans la plaine des Sablons. Une terre peu fertile qui se situe sur l’actuel territoire de Neuilly-sur-Seine. Il décide d’y planter des tubercules en vue de leur culture. Le roi lui-même visitera ce jardin et l’apothicaire lui offrira une plante, ou sa fleur. Utiliser Louis XVI dans le rôle d’un influenceur, pas banal, non ? Mais surtout, le coup de génie est ailleurs. Ce qui est rare est cher. Ce qui est interdit est désirable. Parmentier clôt son terrain d’une palissade en bois et décide de le faire garder par des hommes en armes. Le faire garder, oui, mais le jour seulement. Le peuple de Paris, intrigué, pense que si ces cultures sont gardées, c’est qu’elles vont servir à confectionner des mets délicieux pour le Roi et la noblesse. Et vu que les gardes cessent leurs rondes dès la nuit tombée, il sera aisé de venir en subtiliser quelques pieds la nuit. C’est ainsi que, grâce à l’effet combiné de la curiosité et de l’interdit, la culture et la consommation des pommes de terre se sont répandues dans tout le royaume.
Je me contenterai ici de la légende que je viens de vous conter, qui illustre bien mon propos du moment. Légende qui remonte aux premiers jours qui ont suivi la mort du pharmacien militaire, que l’on retrouve dans les mots de son biographe Joseph Ottavi, qui décrivit « l’épopée des Sablons » en des termes quasi religieux : « Depuis Adam, il est malheureusement certain que l’homme aime le fruit défendu par-dessus tout. Si Parmentier eût laissé le terrain de la plaine des Sablons accessible à tous les passants, il eût donné une médiocre idée du précieux aliment. Dès qu’il fut difficile de se le procurer, tout le monde voulut en avoir. Aussi, comme la nuit le champ n’était pas gardé, il s’y commettait les vols les plus considérables. On vint, tout consterné, en prévenir Parmentier. Mais celui-ci, au comble de la joie, donna une récompense à celui qui lui apporta cette heureuse nouvelle. Entrée, pour ainsi dire, par la contrebande dans l’économie domestique, la solanée devint rapidement un des aliments les plus habituels. »
Pour retrouver une version plus historique, je vous recommande la lecture de l’interview de Pierre Leclerc par l’Université de Liège. C’est beaucoup moins chevaleresque, mais certainement plus conforme à la réalité.
De la patate à la piqûre
Alors, que vient faire notre bon ministre au milieu de ce champ de patates (et ne me faites pas dire ce que je n’ai pas écrit) ? On est loin de la pandémie de la Covid-19 et de son vaccin salvateur (à deux mots) ! À bien y regarder, peut-être pas tant que cela.
Un vaccin banni par les apprentis médecins fraîchement diplômés de l’école de GoogleLand
Souvenons-nous. La pomme de terre n’avait pas bonne presse : instrument du diable, donnant la peste, la lèpre…
Et le vaccin ? Combien d’internautes fraîchement diplômés de l’Université de médecine de GoogleLand ont asséné qu’il n’était pas possible de concevoir un vaccin en moins d’un an, puis qu’il serait dangereux, qu’il aurait certainement des effets indésirables, que l’on n’avait pas assez de recul, que les tests n’étaient pas suffisants, qu’il ne servirait qu’à engraisser les odieux groupes pharmaceutiques sur notre dos, j’en passe et des meilleurs… Toutes les craintes de ces disciples de l’ultracrépidarianisme (comportement théorisé par le philosophe Étienne Klein dont je vous propose de regarder l’interview sur Brut) furent largement reprises dans les médias nationaux jusqu’à entraîner qu’à peine 42 % des Français envisageaient de se faire vacciner début décembre 2020*.
==> Verdict : vaccin/patate même sanction : au ban de la société
Les premières vaccinations dans certains pays précurseurs
En Europe, certains pays ont commencé à… manger des patates avant les autres. En France même, des habitants des provinces du Sud s’en échangeaient un peu sous le manteau alors qu’elles étaient encore interdites par Paris. L’occasion pour quelques scientifiques de les étudier et d’en apprécier l’impact sur les populations qui ingéraient ce tubercule.
La stratégie vaccinale s’est aussi développée différemment selon les pays. D’abord il y eut la Chine (en même temps, c’est elle aussi qui a connu les premiers malades) puis la Russie, le Royaume-Uni, les États-Unis, etc. Cet étalement dans le temps a permis d’observer les éventuels effets secondaires.
Une pénurie savamment organisée ?
Tous ces pays, mais toujours pas la France. Notre esprit de bon gaulois râleur en alerte, quelques voix se sont élevées pour demander quand cela commencerait chez nous.
Pour une fois, la cavalerie arriva à l’heure
Puis vint le 26 décembre. Le ministre de la Santé, paré de son habit rouge et blanc (plutôt Croix-Rouge que père Noël en fait) annonça l’arrivée du Graal dans les souliers des Français sages. Ce samedi, lendemain de Noël, la ménagère de plus de 50 ans (et surtout celle de plus de 75 ans) a pu voir arriver le vaccin au journal télévisé, dans une mise en scène d’un suspense haletant. Gendarmes en embuscade aux péages comme dans un scénario à la SWAT, motards prêts à encadrer le précieux chargement, entrepôt secret dans lequel était installé un magnifique super-congélateur… On aurait cru un convoi de déchets atomique à destination de La Hague aux grandes heures de la lutte contre le nucléaire. Puis on a vu arriver une simple Kangoo banalisée, escorté par une Dacia de la Gendarmerie, d’un côté, et de l'autre un énorme camion frigorifique au fond duquel se trouvait un tout petit colis avec quelques dosettes plongées dans l'azote liquide… déjà la superproduction en prenait un coup. Mais le discours se voulait encore volontaire. On allait voir ce que l’on allait voir. Et là, chacun (oui je sais, pas tout le monde, mais bon, de plus en plus…) devant son poste commença à se dire que ce devait être important. Que tout ce barouf pour des petites ampoules voulait peut-être dire que ce vaccin était peut-être utile ; finalement, j’en veux peut-être (seuls plus perspicaces se seront demandés si, vu la petite traille des colis, il y en aurait pour tout le monde).
Vous voyez la similitude avec notre bonne pomme de terre ? C’est précieux, c’est gardé, la presse en parle…
Mauricette, première Française vaccinée
Le lendemain, les journaux ouvrent sur Mauricette, 78 ans. La première Française vaccinée. Champagne et cotillons !
Et puis ? Et puis on attend. On dénombre les personnes lentement, très lentement, trop lentement. La France compte sur les doigts de la main le nombre de vaccinés lorsque nos voisins utilisent des supercalculateurs pour incrémenter le compteur des citoyens enfin protégés !
Commence alors dans les jours qui suivent l’affaire de la fin 2020 début 2021. Mais bon sang, pourquoi cela ne va pas plus vite ? Et pourquoi seulement les aînés ?
Et pourquoi pas les soignants de plus de 50 ans ? Et aussi ceux de moins de 50 ans ? Et pourquoi pas tout le monde ? Et moi aussi j’en veux ! Mais enfin quoi, le gouvernement ne veut pas nous – me, surtout – soigner ou quoi ? Questionnement renforcé par le fait que les premières injections n’ont pas semblé faire pousser de corne de licorne, ni transformer de vieux rois en crapauds… Le Président lui-même, dans son message de vœux au coin du feu, y va de sa pique (ûre) contre « une lenteur injustifiée » rappelant son souhait que « chaque Français qui le souhaite puisse être vacciné. » Il aurait, en privé, selon Le Point, fustigé le « rythme de promenade de familles » de la vaccination.
La presse écrite, parlée et télévisée, qui ouvrait largement ses colonnes aux réticents et autres antivax à la fin de l’automne, privilégie dès la fin décembre les témoignages de personnes qui, hésitantes au début, ont réfléchi et se disent que finalement elles se feraient bien piquer.
Le ministre s’inspire du pharmacien-militaire
Et si Olivier Véran s’était vraiment inspiré de la légende de Parmentier ?
Et s’il avait ainsi retourné l’opinion pour susciter l’envie plutôt que la défiance ?
Sale coup porté aux contempteurs de la vaccination (à qui je rappelle au passage que s’ils peuvent assener leurs abjurations avec tant de véhémence sur les réseaux sociaux, c’est grâce à leurs parents. Leurs parents qui, tels des moutons, les ont fait vacciner contre la variole, le tétanos, la poliomyélite et autres diphtéries, les protégeant ainsi de maladies qui en aurait assurément tué ou handicapé un grand nombre). Du reste, le même institut de sondage * indique que 56 % des Français veulent maintenant se faire vacciner.
Depuis, même si tout n’est pas parfait, on constate une belle montée en puissance. Les élus locaux (régions, départements, communes), souvent peu avares de critiques, se démènent pour apporter leur pierre à l’édifice et organiser localement la vaccination avec les instances de santé, tandis que les médecins et infirmiers de ville et des hôpitaux se mobilisent pour effectuer les précieuses piqûres.
Alors tout cela n’est-il que l’effet Parmentier appliqué à la médecine par Olivier Véran ? Sans doute pas seulement, mais un peu peut-être.
Quant à moi, il est midi, et je vais aller déguster un bon hachis… parmentier, en attendant de pouvoir enfin réserver mon créneau de vaccination sur l’appli TousAntiCovid.
Rédigé le 15 janvier 2021
Photos Polina Tankilevitch provenant de Pexels / Louis XVI et parmentier sur la plaine des Sablons peinture d'Henri Gervex