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Les racines du mal

Les racines du mal

Publié le 24 mars 2025 Mis à jour le 24 mars 2025 Fantaisie
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Les racines du mal

Les rayons du soleil venaient chatouiller mon nez depuis quelques minutes lorsque je me décidai enfin à ouvrir les yeux. Les nuances de vert qui m’entouraient m’hypnotisèrent un moment, puis une chyfine vint se poser sur mon bras. Je regardai quelques instant ce petit insecte aux trois paires d’ailes irisées, puis je soufflai doucement sur elle pour la faire partir. Je me levai de mon nid en m’étirant. Je fis un brin de toilette en utilisant la rosée que mon ardonale avait récupéré, puis j’éparpillai les feuilles et branches qui m’avaient servi de nid. En cherchant un peu, je trouvai quelques baies pour me faire un repas, frugal mais suffisant.


Ma routine matinale terminée, je pliai bagage, ce qui consistait à envelopper mon ardonale dans un tissu, en prenant garde à ne pas froisser ses feuilles bleues et ne surtout pas écraser sa grosse fleur verte. Si cela arrivait, je n’aurais plus d’eau jusqu’à ce qu’une nouvelle pousse, et avec les températures, cela pourrait prendre une bonne dizaine de jours.

L’ardonale avait une place centrale sur mon chariot, et j’organisais le tour suivant les saisons. Ce matin-là, je posai différentes baies que j’avais pu trouver autour de mon campement. Je roulai ma tunique sale et la fourrai dans un sac qui en contenait déjà deux, et j’en passais une nouvelle. C’était ma dernière tunique propre, il faudrait que je trouve un court d’eau dans la journée ou le lendemain au plus tard.


Mon chariot plein, j’attrapai sa poignée polie par ma main, et je me mis en route. Le chemin était propre, il n’avait pas plu depuis presque une semaine, ce qui me permettait d’avancer sans encombre. Je regardai autour de moi, toujours subjuguée par la forêt verte qui m’entourait. Divers insectes colorés volaient au-dessus de moi, des oiseaux volaient entre les branches, il me sembla même apercevoir les oreilles pointues d’un lavo, s’enfuyant sur ma gauche.


Soudain, un bruissement plus important se fit entendre. Un énorme sourchin surgit à quelques mètres de moi. Je m’arrêtai, regardant l’animal haletant, son long poil taupe luisant de sueur. Il avait la langue pendante, et ses yeux jaunes me fixaient, craintifs. J’avais discrètement posé la main sur le coutelas que je cachai dans mon chariot, et j’attendais. Un bruit fit frémir le sourchin, il dressa ses oreilles poilues, huma l’air, feula en ma direction puis s’élança dans la forêt à la vitesse de l’éclair, propulsé par ses immenses pattes. Je soufflai de soulagement.


Les sourchins étaient puissants et carnivores. Ils faisaient presque deux mètres de long, et je pouvais aisément passer sous son ventre sans le toucher. J’étais une proie facile, bien qu’ils sachent qu’attaquer une mandrise était une mauvaise idée. Les mandrises étaient agiles et rapides au combat rapproché. Cela n’avait qu’un seul but : éviter d’être blessé. Une mandrise blessée étant une mandrise perdue.


Je me remis en route en me demandant ce qui avait pu faire peur à un sourchin, lorsque les buissons craquèrent devant moi, révélant cette fois un homme. Il tenait une arme sommaire, faite de bois et de pierre. Rudimentaire, mais capable d’infliger des dégâts. Il s’arrêta pour me regarder, se demandant s’il devait m’assommer, mais jugeant sans doute qu’il n’y avait pas de risque, il rangea son arme dans sa ceinture.


« Qui es-tu ? demanda l’homme.

-Je suis Chimène. Et toi ?

-Je m’appelle Ourq. Tu es quoi ?

-Et bien… hésitais-je, éberluée par sa question, je suis une mandrise. »


Ourq me regarda en silence, puis il regarda dans la direction où était parti le sourchin.


« A sa vitesse, tu ne pourras pas le rattraper » lui dis-je gentiment.


Il soupira, et s’assit lourdement sur le chemin, soulevant un nuage de poussière. Je m’approchai pour le regarder de plus près. Mes yeux étaient à la hauteur des siens, et je pus observer ce que l’on me disait depuis plusieurs années : les hommes avaient vraiment l’air bête. Ils étaient violents entre eux, à se disputer du terrain ou de la nourriture, et c’était visiblement parce qu’ils ne pouvaient pas résoudre les conflits par la discussion et la réflexion. Il fallait se méfier d’eux comme d’un sanglier sauvage. Bêtes, mais imprévisibles.


« Tu sais où il y a une rivière ? » lui demandais-je au bout d’un moment.


Il me regarda, puis leva les yeux comme pour réfléchir, et me fit signe de le suivre. Il se leva et avança doucement, pour me laisser le temps de le suivre avec mon chariot. Au bout d’une quinzaine de minutes de marche, nous arrivâmes près d’un ruisseau. Il courrait au milieu des mousses rose pâle, et les cailloux orange au fond de son lit lui donnaient une couleur amusante.


J’attrapai mon sac de linge sale et commençai à nettoyer mes tuniques. L’homme s’était assis et me regardait faire en silence. Lorsque j’eus terminé, je montai quatre bouts de bois sur mon chariot, que je reliai entre eux avec des cordes, puis j’étendis mes tuniques pour qu’elles sèchent. Je grignotai quelques baies en allant m’assoir avec Ourq.


« Où sont tes parents ? me demanda-t-il doucement.

-Je suis une mandrise, je n’ai pas vraiment de parents.

- Pourquoi ?

- Parce que les mandrises se reproduisent lorsqu’il y a un orage et que la foudre les touche. Donc ma maman est morte quand je suis née. »


Ourq me regardait en fronçant les yeux, sans comprendre.


« Pourquoi tu n’as pas de maison ?

-Les mandrises sont nomades. Si nous restons au même endroit plus d’une journée, nous prenons racine et nous nous transformons en une sorte d’arbre. Nous devenons folles et nous tuons tout ce qui passe à proximité, car nous voulons récupérer la chair qui nous permettait de voyager. J’étais ailleurs hier, je serai ailleurs demain : des mandrises, c’est le destin. »


Il semblait toujours plus interloqué, mais il haussa les épaules et sembla lâcher l’affaire. Son ventre gronda et il le massa en faisant une tête peinée. Je lui fis signe de ne pas bouger et je m’enfonçai dans un buisson. J’en ressortis quelques minutes plus tard en tenant un petit rongeur. Je le lui tendis en souriant, et il me répondit de la même façon.


Il prépara sa viande et démarra un feu près de moi. La viande était presque cuite, lorsqu’un autre homme surgit en hurlant. Il se jeta sur Ourq et ils roulèrent à terre. Ils se griffaient, se cognaient, se bousculaient, en se rapprochant de mon chariot. Mon ardonale ! Je courus vers le chariot, réussis à attraper le paquetage sensible, et le soulevai rapidement. Je fis demi-tour pour m’éloigner de ces deux brutes, lorsque j’entendis un craquement. Ourq avait réussi à repousser l’homme contre mon chariot, brisant mon étendage sous leur poids. Il tenait bien haut son arme, prêt à frapper l’importun qui venait contrarier son dîner, mais lorsqu’il l’abaissa, l’autre brandit un coutelas qui fit lâcher son arme à Ourq. Je l’évitai de justesse, empêtrée dans le tissu qui entourait l’ardonale et qui avait glissé. Je la posai rapidement à terre pour ne prendre qu’elle et laisser le tissu, lorsqu’une ombre me couvrit. J’eus le temps de voir le dos d’Ourq, je me jetais sur le côté pour l’éviter, mais sa jambe rebondit et il me donna un coup qui m’envoya contre une pierre. Je sentis une chaleur irradier ma cuisse et en baissant les yeux je vis du sang couler de ma cuisse. Je me mis à gémir, terrifiée.


Le deuxième homme avait filé en boitant, et en emportant le repas d’Ourq. Celui-ci se redressa, sonné et se dirigea vers moi pour m’aider à me relever. Il se pencha au-dessus de moi et essaya de toucher ma cuisse. Je pleurais, sans cesser de gémir.


« C’est grave ? » me demanda-t-il doucement.


Je hochai la tête en reniflant. Mon chariot était en miette, mon ardonale avait été totalement écrasée par Ourq, mais pire que tout, j’étais blessée.


« Je vais me transformer, murmurai-je à Ourq, tu ferais mieux de t’en aller.

-Non, ne t’inquiète pas, je vais te déplacer, comme ça tu ne prendras pas racine ! Si je te porte, tu pourras faire de plus grandes distances en plus ! affirma le grand homme d’un air candide.

-Ca ne marche pas comme ça », soupirai-je entre deux sanglots.


Je lui montrai alors ma cuisse ensanglantée. Les rigoles qui avaient coulé de la plaie avait touché la terre et s’étaient solidifiée. Les fils formés ainsi verdissaient à vue d’œil, et le tour de la plaie commençait aussi à changer de couleur.

Ourq me regardai sans comprendre.


« Lorsque nous sommes blessés et saignons, le processus d’enracinement devient presque instantané. D’ici le coucher du soleil, je serai un petit arbre. »

Ourq était peiné, et me caressa les cheveux, une grosse larme coulant sur sa joue sale.

« Je vais rester avec toi jusqu’à ce que tu te transformes alors, murmura-t-il, je sais que tu voudras me tuer lorsque tu seras un arbre, mais je m’éloignerai lorsque ce sera terminé », ajouta-t-il en me voyant froncer les sourcils. Il me souriait. « J’attendrai un orage, et puis j’accompagnerai ton enfant dans son prochain voyage ! » me promit-il.


Les larmes emplissaient mes yeux tandis que je sentais mes membres se raidir. Nous demeurâmes silencieux tout le temps de ma transformation, un dernier rayon de soleil vint effleurer mon petit nez, une chyfine passa devant mes yeux, et dans un dernier frémissement, ma transformation fut achevée. Ourq se leva et s’éloigna de moi, et en passant devant les restes de mon ardonale, il la ramassa. Il se tourna vers moi, la fleur dans les mains et je vis son sourire triste une dernière fois. Mes branches frétillèrent à la présence de cette chair fraîche, et je les tendis vers lui tandis qu’il s’éloignait.

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