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Épisode 1 – Jour de grâce

Épisode 1 – Jour de grâce

Publié le 10 mai 2025 Mis à jour le 10 mai 2025 Drame
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Épisode 1 – Jour de grâce


Samedi 14 avril 2000

Quand nous rentrons de l’église, cette nuit-là, il est tard.

Ma petite sœur dort dans les bras de papa. Il la couche dans sa petite chambre aux murs rose pastel, puis nous rejoint dans le salon.

— Allez, Guillaume ! Il est temps d’aller dormir. Demain, c’est jour de fête ! Les Duval viendront manger à la maison, avec Jérôme et leurs filles.

J’enlève mon manteau, mes chaussures, fais une bise à Sandra, ma belle-mère, qui ébouriffe mes cheveux châtains, puis je me tourne vers mon père.

Il se penche vers moi, et je lui saute au cou.

— Merci pour cette journée, papa !

Il me porte, comme quand j’étais plus petit, et j’entoure son cou, encore ivre du feu que cette nuit a allumé dans mon âme.

— C’était très beau, et émouvant, dit-il.

— Oui, c’est vrai…, je réponds, en pensant à ma profession de foi publique devant l’assemblée, à l’eau bénite qui m’a fait naître une seconde fois.

Il rit devant mon enthousiasme, me repose au sol, et je grimpe l’escalier qui mène à ma chambre, voisine de celle de Stéphanie.

Il est un peu plus d’une heure trente du matin. Mais je suis surexcité.

Empli d’une joie que je ne pensais pas possible de ressentir.

Je retire mon aube blanche de nouveau baptisé, enfile mon pyjama. Je grimpe dans mon lit et m’allonge après avoir éteint la lumière.

Là, dans le silence de la nuit, je repense aux cloches qui sonnaient à toute volée, à l’odeur de l’encens, aux chants qui remplissaient la nef de l’église.

À mes propres mots, quand le prêtre m’a demandé : « Que demandez-vous à l’Église de Dieu ? »

Le baptême…

Et puis l’eau sur mon front, l’aube blanche que m’a passée Mme Duval, ma marraine.

Le cierge blanc allumé par Alexandre, son mari, mon nouveau parrain.

Les Alléluias qui ont empli la voûte de l’église, semblant s’envoler jusqu’au ciel.

Je me sens heureux, comblé, avec ce feu qui brûle au fond de mon cœur.

Je suis sûr que ma maman, qui est là-haut, était heureuse pour moi ce soir.

Peut-être même qu’elle a pleuré de joie, comme les mamans dans l’assistance, fières de leurs petits garçons. Fière de son petit Guillaume.

J’ai dix ans et demi. Plus tout à fait un petit, pas encore un grand.

Mais mon baptême est ma première décision « adulte ».

Je finis par m’endormir, épuisé par cette belle nuit pleine d’émotions.

La tête déjà dans le ciel…


Dimanche 15 avril 2000


Un coup frappé à ma porte me réveille en sursaut. Un petit visage joufflu, deux billes bleues qui me scrutent dans l’entrebâillement, et des boucles blondes en désordre : c’est ma petite Stéphanie.

— Guigui ! dit-elle avec un large sourire. Tu es réveillé ?

Je souris avec indulgence.

— Oui, depuis que tu m’as fait sursauter en frappant à la porte ! dis-je en lui faisant signe d’entrer.

Elle court, saute sur mon lit et s’accroupit face à moi.

— Maman dit qu’on va faire une grande fête pour ton baptême et que papa a prévu un beau cadeau. Et des dragées ! T’en as, de la chance…

Je ris devant sa petite bouille de maligne qui semble cogiter à toute vitesse. Je la fixe, attendant la suite.

— Moi aussi, je veux me faire baptiser ! dit-elle soudain avec un grand sourire.

Je ris de bon cœur.

— Pour les cadeaux ?

— Oui, et pour la fête, les dragées !

— Stéphie, tu es déjà baptisée. Tu l’as été quand tu étais bébé, toi !

— Mais c’est pas juste, je m’en rappelle plus !

Cette fois, j’éclate de rire. Puis, reprenant mon sérieux, je lui dis :

— Tu sais, Stéphie, le plus important, ce n’est pas la fête. C’est le baptême. La fête, c’est chouette, mais ça ne dure qu’une journée.

Elle soupire dramatiquement, puis une lueur espiègle traverse soudain ses yeux bleus :

— En attendant, on pourrait quand même goûter un tout petit peu aux dragées, elles ont l’air tellement bonnes…

— Stéphie ! je chuchote, à moitié amusé, à moitié inquiet. Papa et Sandra vont être furieux !

Elle prend un air très sérieux et pose sa petite main sur son cœur :

— Juste une toute petite dragée chacun, promis ! Ils ne verront même pas !

Je soupire en souriant, incapable de résister à ses joues roses et à son sourire angélique. À peine Sandra décroche-t-elle le téléphone dans le salon que Stéphanie se glisse hors de ma chambre comme un mini-ninja en chaussettes rose bonbon. Je cours derrière elle jusqu’à la cuisine, le cœur battant.

Stéphanie a déjà grimpé sur une chaise, le doigt plongé dans la crème fouettée destinée à décorer la pièce montée.

— Stéphie ! T’as dit une dragée, pas la crème fouettée !

Elle se retourne vers moi, du blanc plein la bouche et les yeux pétillants de malice.

— C’est meilleur ! dit-elle en pouffant, laissant échapper quelques gouttes sur son pyjama rose.

Je ris malgré moi, attrapant vite une serviette pour essuyer ses joues avant que Sandra ne revienne.

— Allez, on file avant de se faire prendre !

Elle hoche vigoureusement la tête, mais au lieu de descendre, elle saisit brusquement une poignée de dragées dans la coupelle posée à côté.

— Pour la route ! explique-t-elle en riant.

Nous regagnons ma chambre en courant et nous nous cachons sous ma couette, étouffant nos éclats de rire, complices d’un délicieux secret.

Une heure plus tard, nous sommes lavés et habillés. Moi, j’ai revêtu un petit costume blanc qui rappelle mon nouveau statut de baptisé. Sandra a habillé ma petite Stéphanie d’une robe blanche pailletée de rose, avec une grosse ceinture en satin d’un rose tendre.

Les Duval arrivent vers midi avec leurs trois enfants. Papa a tout préparé : la grande table est dressée, recouverte d’une nappe blanche. Sandra a cuisiné toute la matinée. Ça sent bon dans toute la maison : poulet aux herbes, pommes de terre dorées, plateau de fromages, et la magnifique pièce montée recouverte de fraises et de chantilly. Il y a des fleurs, des bougies, des rires d’enfants.

Jérôme fonce me rejoindre dans la cuisine, tout excité. Alexandre et Aurore embrassent mon père, offrent des fleurs à Sandra et disent qu’ils sont honorés d’être là pour moi.

Moi, je suis un peu au milieu de tout ça. Et je ne sais pas trop où me mettre.

Nous nous réunissons tous dans la salle à manger pour l’apéritif des grands. Des jus de fruits pour les enfants. Mon père sert un whisky à Alexandre. Ils parlent boulot pendant que Jérôme et moi faisons la « razzia » sur les gâteaux apéritifs.

Les mamans discutent de leurs petites filles respectives. Aurore a un bébé de deux ans, joliment prénommé Madeleine, un bébé tout souriant, tout joufflu, qu’elle serre contre son cœur.

Je suis fasciné malgré moi par cette chaleur maternelle. Je suis le seul enfant ici qui n’a jamais eu de maman pour me cajoler, me consoler, et je souffre de cette différence dans le secret de mon cœur. Même si papa et moi, c’est fusionnel. Je me demande ce que c’est d’avoir la tendresse d’une mère. Je ne connais que le manque de cet amour-là.

Alexandre lève son verre, détournant mon attention de son épouse.

— Aujourd’hui, Guillaume, tu es entré dans la grande famille des enfants de Dieu. Et moi, j’ai reçu l’honneur d’être ton parrain. Je veux que tu saches qu’Aurore et moi serons toujours là pour toi, quoi qu’il arrive.

Il sort un petit écrin de sa veste et me le tend. Ses yeux doux m’encouragent à l’ouvrir. Dedans, il y a une médaille en or, simple, mais belle, avec le visage du Christ. Derrière, c’est gravé : « Guillaume – 14 avril 2000 ».

Elle brille doucement dans ma main, si belle.

— Merci…, murmuré-je, la gorge serrée.

Il pose sa main sur mon épaule et m’embrasse sur la joue. Je l’embrasse en retour. Avec lui, je ne suis pas gêné.

Puis Aurore s’approche. Sa robe claire flotte un peu quand elle marche, et ses cheveux sentent bon. Elle m’embrasse sur le front, doucement.

— Bienvenue dans la famille, Guillaume. Tu veux que je t’aide à accrocher ta chaîne autour de ton cou ?

Ses bras sont doux, sa voix aussi. J’ai envie de rester là… mais je fais un pas en arrière, presque malgré moi.

Je ne sais pas comment me comporter avec elle. Sa tendresse me fait peur. Ou peut-être… que ma maman me manque trop. Je ne sais pas recevoir l’affection d’une femme, si chaleureuse et belle.

Elle me sourit, passe la chaîne autour de mon cou et l’accroche avec le petit fermoir doré. Je suis ému et murmure un merci timide. Elle ébouriffe mes cheveux d’un geste tendre et retourne aider Sandra avec les petites.

Je m’assois entre papa et Jérôme. Marie-Élisabeth, qu’on appelle Lisa, joue avec Stéphanie sous la table. Madeleine babille sur les genoux d’Aurore. Ça rit, ça chante presque. On dirait une vraie fête de famille.

Mais moi, au fond, je pense à autre chose.

Je n’ai jamais eu de maman. Papa m’a dit un jour qu’elle était « au ciel », qu’elle était morte en me donnant la vie. Il en parlait doucement, avec un regard que je n’oublierai jamais. Il n’a jamais dit de mal d’elle. Mais il n’en parle pas souvent. Je crois que ça lui fait mal. À moi aussi.

Sandra est gentille, elle s’est mariée avec papa quand j’avais presque cinq ans. Elle m’a adopté à leur mariage, elle essaie d’être « ma mère », mais ce n’est pas pareil. Je n’arrive pas à l’appeler « maman ». C’est « Sandra »… Peut-être qu’avec le temps, j’y parviendrai ?

Et même si elle m’a offert un cadeau aujourd’hui — un livre sur les pompiers —, je reste un peu sur la réserve, malgré moi. Elle est plus proche de Stéphanie. Elle la cajole, l’embrasse tout le temps. C’est normal. C’est sa fille, à elle et à papa. Moi, je ne suis pas sorti de son ventre.

Après le délicieux repas, le gâteau est enfin servi, au plus grand émerveillement des enfants.

Stéphanie me saute au cou pour me quémander un bout de fraise, elle n’en a jamais assez. Je ris. Elle, au moins, elle ne me fait jamais me sentir bizarre. Elle m’aime. Moi aussi, je l’aime. C’est la seule, après papa, qui me serre fort sans que je me sente gêné.

À un moment, Aurore repasse près de moi. Elle ajuste mon col, me dit : « Tu es très beau, Guillaume. » Je rougis, je baisse les yeux. Mon cœur bat très fort. Je marmonne « merci » sans la regarder. Elle sourit, encore. Elle ne dit rien quand elle voit que je suis maladroit.

Jérôme voit ma tête.

— Eh ! T’es amoureux ou quoi ? chuchote-t-il en me poussant du coude.

— N’importe quoi ! je grogne en riant.

Mais il me connaît par cœur, ce frère-là.

Après le gâteau, on sort jouer dans le jardin. Lisa court après Stéphanie en criant, Madeleine rit dans les bras d’Aurore. Papa sort mon cadeau du garage : un VTT flambant neuf. Je reste scotché avant de lui sauter dans les bras. Je fais un tour de jardin, les adultes me regardent en souriant, et Jérôme court à mes côtés.

Plus tard, on s’assoit à l’ombre du chêne du jardin, et Jérôme me rejoint avec deux cornets de dragées.

— T’es le roi aujourd’hui, frère ! dit-il en me tendant le cornet.

On s’assoit dans l’herbe. Je sors la médaille de ma chemise. Elle brille au soleil. Je la serre fort.

Je pense à tout ce que j’ai eu aujourd’hui. La lumière, l’eau, les chants. Les bras d’Aurore. Le regard de papa. Le rire de Stéphanie, les cadeaux…

Je suis heureux. Vraiment.

Mais, au fond de moi, il y a une toute petite peur. Comme une ombre qui s’approche doucement.

Je ferme les yeux. Je veux garder tout ça dans mon cœur. Pour toujours.

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Betty-B Romancia verif

Betty-B Romancia il y a 1 jour

Guillaume Vaillant a dix ans lorsqu’il choisit d’être baptisé, porté par la foi joyeuse de son meilleur ami Jérôme Duval. Ce jour de Pâques, entouré de ceux qu’il aime, marque le dernier vrai moment de paix de son enfance.

Six mois plus tard, sa petite sœur Stéphanie meurt brutalement d’une méningite. Deux ans après, son père William, pompier, perd la vie dans une explosion en sauvant une enfant.

Guillaume reste alors seul avec Sandra, sa belle-mère, anéantie par le chagrin. Incapable de faire face à ses pertes, elle sombre peu à peu dans l’alcool et l’effacement. Guillaume, livré à lui-même, tente de grandir dans un monde devenu froid, incompréhensible.

Entre feu et cendres est un roman sur la perte, l’abandon, la quête d’amour et de sens. C’est le chemin d’un garçon vers l’âge adulte, entre blessures muettes et lueurs d’espérance.

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