Lettre que tu aurais dû m'écrire.
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Lettre que tu aurais dû m'écrire.
Mon cher fils.
Je ne sais pas comment j’en suis arrivé là. Les tentations, la vie m’ont fait défaut. J’ai pris trop tard conscience de mes responsabilités.
Je suis père d’un jeune garçon. Mignon. La chair de ma chair. À ta naissance, j’ai d’abord eu peur. Affolé de ne pas pouvoir assumer. J’étais jeune quand ta mère m’avait annoncé qu’elle était enceinte. Une foule d’idées m’étaient passées par la tête. Avais-je profité de la vie avant que tu n’arrives ? Je ne sais pas. Avais-je assez vécu pour moi ? Et pour nous, avec ta mère ? Je ne le saurais jamais. Tu es là, c’est tout ce que je sais. Les débuts ont été difficiles, fastidieux même. J’avais fini par croire que « père » n’était pas un métier pour moi. Je rentrais le soir du garage, exténué, mais mes journées de labeur n’étaient pas à son terme. Tu as dû entendre de bien nombreuses disputes. Ta mère me reprochait de ne pas assez l’épauler. De ne pas assez m’occuper de mon fils, toi.
J’avoue, me sentant de plus en plus seul, désemparé, fatigué, j’ai déconné. Je n’avais pas demandé cette vie. Perdant tour à tour mes frères et sœurs, on avait tué ma famille. Mon goût d’en avoir une, avec. Je sais que tu vas m’en vouloir. À vie. Ta mère aussi. Mais elle m’en veut déjà, ça ne changera rien. Toi, tu es encore naïf, vierge de l'amertume de la vie, vierge de toutes blessures morales ou physiques. Je sais que, à cause de moi, cela ne sera plus cas.
Mais, je suis à bout. Je ne tiens plus. J’ai fait trop conneries pour revenir en arrière. Je ne peux pas rester. Pas tel que je le suis devenu. Ton père s’est transformé en monstre. Celui que personne ne veut voir. Celui que personne ne veut comprendre. Celui qu’on laisse sur le bas-côté une fois que l’on a compris son énormité. Actuellement, il n’y a que ta mère et ta grand-mère qui connaissent mes plus graves erreurs. Le jour où tu les entendras, il se peut que tu refuses d’y croire.
Je ne sais pas si la vie te forgera un fort caractère, mais je l’espère. Il le faut. Tu dois l’être. Plus que je n’ai pu l’être. Cette lettre n’est peut-être que dans ma tête, mais un jour, tu devineras mes pensées de ce moment, celui où tu as perdu ton père, à jamais. Tu comprendras par toi-même que je ne pouvais faire autrement. Refusant de vivre avec toute cette culpabilité. Refusant de voir ta haine grandissante dans tes yeux.
Je pars, car je n’ai plus d’autre choix. La seule personne qui m’apporta un poil de réconfort m’a précipité à ma perte. J’ai dilapidé notre argent pour elle. J’ai mis notre famille en péril, par dépit. Il se peut même que j’aie fait pire que cela. Quand j’ai vu ces deux traits rouges sur ce bout de plastique, qui traînait dans ces chiottes, j’ai paniqué. Pas encore ? Je pourrais partir loin, très loin de tout ça, mais comment vivre sans avoir un problème de conscience ? Tu prendras cela certainement comme un geste de faiblesse, mais il faut que je quitte ce monde. Ton monde. Tu ne le croiras sûrement pas, pas quand tu sauras que j’ai fini par me mettre enfin du plomb dans la cervelle, dans tous les sens du terme, mais je t’aime, mon fils.
Bernard Ducosson il y a 9 mois
Tu causes bien mais pas de la cause. J'aurai pu mieux te comprendre... !