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Gros plan sur une vie qui ne tient qu'à un film

Gros plan sur une vie qui ne tient qu'à un film

Publié le 18 avr. 2022 Mis à jour le 26 avr. 2022 Culture
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Gros plan sur une vie qui ne tient qu'à un film

Silence!

Autour de moi, je ne vois plus rien,
plus rien sauf l’obscurité palpébrale
de cette minuscule salle de cinéma
dans laquelle je m’isole crânement,
l’île du naufrage qui interdit l’accès
tant à l'ouïe qu’à l'auguste lumière.

Je broie du noir (ô milieu dérangé!)
jusqu'à ce que le préposé du phare
au chevet de son satané projecteur
daigne enfin me diffuser le contenu
des épaves refoulées sur la surface
interne de mes paupières fermées.

Je visite à rebours les décors d’hier
captés par la caméra de mes yeux,
des fragments précieux de pellicule
censurés par la guillotine du temps
ou par l’érème d’un cœur de pierre
noyé sous une vague de poussière.

Caméra!

Au plus vert de mes vertes années,
mon esquif naïf voguait sur l’océan
en essayant d’échapper à ces ports
maquillant les mirages en miracles.
C’est le cas de l’étreinte maternelle
et de ses deux membres fantômes!

La gorge clampée, le souffle coupé,
sans voix à l’image du septième art
dès son premier tour de manivelle,
je cherchais le fil d’Ariane ombilical
qui me mettrait à l’abri du rosebud
responsable de ma brusque dérive.

Le monstre avunculaire et vulgaire,
prêt à larguer l’ancre dans l’abîme,
était à une goutte près du bonheur
en cognant sur ma porte hyménale
et en faisant fi de ces gonds chétifs
incapables de crier le moindre non.

Un arrêt sur image impose de force
le plus hideux des photogrammes :
l’arroseur qu’aucun juge n’arrosera
m’entend sans vraiment m’écouter,
tandis que moi, en contre-plongée,
je n’immortalise que des grimaces.

Action!

J’écarquille les yeux entre les murs
de cette chambre noire hospitalière
où se côtoient l’horreur et l’aurore,
ce qui me laisse loin de ma famille,
des figurants qui forment l’arantèle
d’un bien triste saule généalogique.

Je pleure face au miroir qui renvoie
le ressac des aléas d’un scénariste.
Je m’écrie : « Que ce hors-d’œuvre
sait à la fois abhorrer et ostraciser,
à mille lieues de ces chefs-d’œuvre
bons à adorer et oscariser autrui! »

Le cliquetis hâtif de mes phalanges
agressant chaque touche du clavier
(ô larmes de ma peine diluvienne!)
exorcise ces cinq cents mots/maux
faisant de ma vie ce brouillon bâclé
qui ne sera jamais copié au propre.

Coupez!

Je mets de côté la machine à écrire
pour écarter les rideaux de velours
et admirer l’infini du canevas étoilé
où pêche seul un hameçon de lune.
Ce rôle principal, hélas, je l’ai signé
dans l’ignorance de devoir saigner!

Imitant Jésus, je marche sur les os
dans la nécropole de mon cerveau,
puisque nul n’a eu recours au fouet
qui m’aiderait à nager vers demain
et tous ont voulu incarner le boulet
qui ralentit la cadence de mes pas.

Sur le lac déchaîné de ma mémoire
ricoche le galet de ces cauchemars
qui m’obligent aujourd’hui à lancer,
le temps d’un ultime fondu au noir,
mon boulet défenestré dans le vide
et le générique de fin de mon film…

C’est dans la boîte!

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Commentaires (2)

avatar

Bernard Ducosson il y a 2 ans

Tu me rends jaloux. D'abord parce que j'ai appris des mots inconnus (et j'ai 74 ans) ;, ensuite parce que tu nous sers une poésie pleine de sensibilité et farcie à l'humour, comme je tente moi de le faire, mais avec moins de brio. Persévères, le terrain n'est pas défriché et il y a bien du boulot pour deux... Attention cependant à ces mots québécois inconnus (et ignorés du dictionnaire) de la vieille France (clampé, arantèle, rosebud...) !
Bravo.

Merci beaucoup! Arantèle et rosebud ne sont pas des mots québécois : rosebud vient de Citizen Kane le film américain d'Orson Welles :)

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