Créer un antagoniste
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Créer un antagoniste
Le joker, Lex Luthor, le bouffon vert, Magneto, Maléfique, Moriarty, Blofeld, Darth Vader, le Capitaine Crochet, Psycho Mantis. A la lecture de ces noms, votre œil a pétillé, pour certains bien plus que si nous avions listé les « défenseurs du bien » qui les combattent.
Votre cerveau vous a remémoré la première fois que vous les avez vu entrer en scène, ou ce que vous considérez comme leur plus grand coup d’éclat.
Pourquoi eux et pas Calendar-Man, Toy-Man, l’homme aux échasses, Mesmero, Radcliff (Pocahontas) ?
Qu’est ce qui fait qu’un méchant soit réussi ? Qu’est ce qui nous attire ?
Sur cette dernière question ,la réponse est aisée. Exception faite de très rares cas, où le héros, au bord de la crise de nerf, prends l’initiative d’agir préventivement contre le mal, C’est le méchant qui fait l’histoire. Lé héros n’est que dans une posture de réaction. Iron Man construit son armure car il est retenu prisonnier, Sherlock Holmes enquête sur des crimes déjà commis, Snake part libérer des otages. On donne une nouvelle mission à James Bond.
Pas de méchant, pas d’histoire et plus le méchant sera bon, plus l’histoire sera bonne. Parfois il excellera tellement, qu’il occultera complément les chevaliers du bien (inglorious basterds ?)
On peut aisément imaginer une œuvre sans gentil (à peu près tous les films nous immergeant dans la vie d’une mafia, d’un gang) mais sans méchant ? Sans personnage défini plus par ses défauts que par ses qualités ?
Dans ses livres, Joseph Campbell avance l'idée que tous les mythes du monde racontent essentiellement la même histoire. Un de ses élèves, Christopher Vogler alors embauché chez Disney pour sélectionner les scénarios viables qu’ils reçoivent par centaines chaque jour, écrira un guide du scénariste qui reprendra son idée générale : l’aventure d’un héros se décompose en cinq grandes phases :
Un appel à l'aventure, que le héros doit accepter ou décliner.
Une suite d'épreuves, où le héros réussit ou échoue.
La réalisation du but qui lui apporte souvent une meilleure connaissance de lui-même.
Un retour vers le monde ordinaire, où le héros réussit ou échoue.
L'utilisation du gain, qui peut permettre d'améliorer son environnement
Plus les épreuves seront épiques, plus l’adversité sera forte, et plus notre méchant, vecteur de cette adversité, sera badass, et réussira à créer un lien intime et complexe avec notre héros, plus l’histoire sera passionnante.
Et donc : qu’est ce qui fait un méchant réussi ?
Pourquoi réussir un vilain ? Le héros ne se suffit pas à lui-même ?
De toute évidence non, déjà car c’est le méchant qui fait l’aventure, ensuite, hormis l’antihéros (Deadpool, Gaston Lagaff, Docteur House) le héros est lisse, sage, simple et donc assez inintéressant en lui-même. Son adversaire se doit d’être complexe, torturé, tragique même.
Si nous analysons nos sauveurs de l’humanité, il semble se dégager trois grands axes (et un bonus)
Le vilain doit avoir une bonne raison de se prendre au héros ou à la cause que celui-ci défend.
Si Magneto est l’antagoniste récurrent des Xmen, c’est en raison du combat idéologique qui l’oppose à Charles Xavier. Là où ce dernier prône une vie pacifique et en harmonie entre humains et mutants, Magneto veut s’imposer par la force.
Batman est le gardien de l’ordre, Joker ne veut que le chaos
Les siths veulent régner sur l’univers, ce que n’acceptent ni les rebelles ni les jedis.
Crochet veut le trésor de l’ile aux enfants qui est aussi son âme.
Le vilain doit être puissant et démoniaque
Si notre méchant n’a que peu de pouvoirs et/ou ne concocte pas de plans machiavéliques, il sera assez peu intéressant et n’opposera pas un résistance bien grande. Imaginez Superman passer son temps à combattre des pickpockets …
Lex Luthor a les moyens de ses plans.
Darth Vader à les moyens et les pouvoirs de régner sur la galaxie.
Avec sa bande de pirate, Crochet ne doit faire qu’une bouchée des enfants perdus
Et le combat contre Psycho Mantis dans Metal Gear allume toujours une lueur particulière dans les yeux des joueurs l’ayant affronté.
Enfin le lien d’ordre personnel doit être fort
Nous pourrions à nouveau citer Magneto/Xavier ou nous interesser au Bouffon Vert/Spiderman mais il est bien plus évident de citer la famille Skywalker, peut être trop évident même
Les 4 Fantastiques et le docteur Fatalis ont aussi des liens très forts. Fatalis et Richards ont fait leurs études ensembles. Fatalis estime qu’il doit sa défiguration à Richards, plus tard, alors que Richards est entouré de sa famille, Fatalis, seul en son royaume accuse les Fantastiques de tous ses échecs, qu’ils soient politiques ou scientifiques.
Enfin dans le dernier James bond, les scénariste ont tenté de nous présenter 007 et Blofeld comme « demi-frères »
Quid de Batman ?
Le joker et lui n’ont, à priori, pas de lien personnel fort, et pourtant, ils possèdent peut être le lien le plus complexe, le plus intime de tous nos couples . Batman ne combat pas le crime, il combat l’idée même du mal, il le sait en chacun de nous et prévoit même que ses alliés d’aujourd’hui soient les ennemis de l’humanité demain. Le Joker est cette personnification du mal, il est l’idée que la chauve-souris combat. Le Joker quant à lui ne vit que pour et par Batman, son obsession est telle qu’il se moque bien de savoir qui se cache derrière le masque. Il en aurait l’occasion (et il l’a déjà eu à maintes reprises) qu’il laisserait le chevalier noir s’échapper. Ce qui intéresse le Joker c’est d’anéantir la psyché de Batman pour qu’il devienne comme lui. En un certain sens, le Joker voue un véritable amour à Batman.
Un héros combattant son clone maléfique peut être intéressant, mais pour un vilain redondant, l’histoire ne le sera-t-elle pas aussi ?
Ne vaut-il pas mieux que les deux protagonistes soient opposés en tout ou presque ?
Xavier agit sur l’esprit, Magneto sur une force physique.
Le bouffon vert, bien que disposant de pouvoirs, utilise surtout une multitudes d’armes, Spiderman lui est tout en agilité, malice et force physique (avec un gadget tout de même dans le comic)
Lex luthor est un humain à l’intelligence prodigieuse mais un simple humain comparé à Superman qui est le plus puissant des surhommes .
Crochet est un adulte cupide opposé à des enfants.
Là ou Batman vit une double vie et est reconnu comme le plus grand des détectives usant donc de son intelligence, sa culture et son argent, le joker lui n’est que le joker. Personne, et même pas lui peut-être ne connait sa véritable identité. Le joker est chaotique, imprévisible, impulsif et à la différence des autres gangsters l’argent n’est pas un but, peut être même pas un moyen.
Enfin finissons par un contre exemple que le cinéma semble avoir corrigé : The Avengers
La série en comic n’a pas connu le succès d’un Spiderman, des Xmen voire même de certains héros composant l’équipe. L’équipe, comme celle de Charles Xavier, a souvent muté, subissant un turnover important, mais il y avait toujours quelque-chose qui liaient les Xmen, leur conditions de mutant. Pour les vengeurs le lien était les vengeurs …
A mesure que l’équipe accueillait de nouveaux membres, les méchants changeaient eux-aussi, mais les grands axes précédents n’ont jamais réellement convergés. Le but même des vengeur étant trop flou (création purement commerciale pour contrer la Justice League de DC Comis).
D’ailleurs la série cinématographique ne montre pas un vilain qui s’en prends à nos héros (à l’inverse des Star Wars ou de la série Sherlock), ni même réellement l’évolution de ceux-ci (à l’inverse des Dark Knight) mais servent juste à expliquer ce que sont Tessaract et joyaux de l’infini pour introduire Thanos.
Plus que quiconque, la valeur d’un héros se mesure à la qualité de ses ennemis.