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Camillo Sitte, Emmanuel Kant: une vision actuelle de l'urbanisme?

Camillo Sitte, Emmanuel Kant: une vision actuelle de l'urbanisme?

Publié le 9 avr. 2025 Mis à jour le 9 avr. 2025 Culture
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Camillo Sitte, Emmanuel Kant: une vision actuelle de l'urbanisme?

I. Camillo Sitte: une personnalité singulière dans l'Europe du XIXe siècle

Né à Vienne en 1843, Camillo Sitte y meurt en 1903. Architecte et historien, il devient surtout célèbre pour son ouvrage L'Art de bâtir les villes : l'urbanisme selon ses fondements artistiques (ed. Points, 256p, 1996), publié une première fois en 1889. Sa jeunesse est marquée par les transformations profondes de Vienne, notamment la construction du Ring, la grande promenade qui encercle la vieille ville. Sitte réagit violemment contre ce modèle d’urbanisme moderne, inspiré par les travaux de Haussmann qui remodela Paris sous Napoléon III. Selon lui, ces aménagements, bien que remarquables sur le plan esthétique, manquent de considération pour l'histoire et la culture locale. Il estime qu'un espace urbain doit avant tout prendre en compte la dimension humaine. Pour lui, l'urbanisme n'est pas une science dure, mais un art façonné par l'histoire, la culture et les besoins de ses habitants.


Comme il le souligne dans son ouvrage : « Il est remarquable que lorsqu'en jouant, les enfants donnent libre cours à leur instinct artistique, ce qu'ils produisent ressemble toujours à l'art encore fruste des peuples primitifs. La disposition des monuments, par exemple, fait le même constat. Les bonshommes de neige que les enfants bâtissent en hiver s’installent exactement là où, dans un aménagement plus classique, des monuments ou des fontaines auraient été placés. » (L'Art de bâtir les villes : l'urbanisme selon ses fondements artistiques, p. 23-24).


II. La beauté : une notion humaine, personnelle basée sur une pensée collective ?

La pensée de Camillo Sitte met l’accent sur un urbanisme où la beauté joue un rôle essentiel. S’appuyant sur les principes des architectes antiques comme Vitruve et Alberti, qui prônaient un triptyque de solidité, d’utilité et de beauté, Sitte déplore que les urbanistes du XIXe siècle aient négligé l’aspect esthétique au profit de la solidité et de l’utilité.


Selon lui, cela prive les villes de leur âme. Car qu’est-ce que la beauté, si ce n’est le reflet de l'âme d'un peuple ? La pensée d’Emmanuel Kant (1724-1804), dans son livre « L’analytique du beau » (ed. Flammarion, p.160, 2008) en 1764, reprend la pensée de Camillo Sitte.

Ainsi, selon Emmanuel Kant et Camillo Sitte, pour décider si quelque chose est beau ou non, l’individu se réfère à sa sensation de plaisir ou de douleur, en utilisant son imagination et ses références culturelles. Le jugement de goût ne peut donc pas être un jugement de connaissance contrairement à ce que pensaient les Grecs ou les Romains ; il n'est pas logique, mais esthétique, personnel et culturel. Le principe qui guide la notion de beauté est purement subjectif. Le jugement du beau et du plaisir dans la vision d’une ville se caractérise ainsi sur le ressenti commun, sur la culture commune d’un peuple et de ses références.


Pour Sitte, au regard de sa culture, la beauté n’est pas froide ou universelle. Elle naît de l'individu

et s’exprime à travers ses imperfections. Ce n’est pas une question de règles ou de proportions, mais de petites maladresses qui la rendent humaine et accessible. Une place, par exemple, ne sera belle et attachante que si elle est tortueuse, surprenante et en constante découverte. Ainsi, l’urbanisme doit se dévoiler petit à petit, tout en s’adaptant à l’histoire et à la culture locale. C’est cette diversité et cette prise en compte de l'histoire qui engendrent la beauté de l’espace. Comme il le démontre dans un article du Figaro du 23 août 1874 sur Rennes :

« Ce n’est pas que Rennes ait une antipathie pour le Maréchal (Mac Mahon). Mais c’est une ville que jamais l’enthousiasme ne touche. J’ai remarqué, lors de mes voyages, que dans les villes aux rues tracées de manière trop régulière, l’enthousiasme ne naît jamais. L’alignement géométrique est incompatible avec l’effervescence populaire. »


III. Les principes d’aménagement de Camillo Sitte

Pour Sitte, l’aménagement urbain doit reposer sur une connaissance approfondie du lieu et de son histoire. Il est essentiel de comprendre l’évolution de la population, ses habitudes et la culture qui la caractérise afin de concevoir des aménagements urbains et des architectures belles et adaptées aux besoins des personnes. Un espace urbain ne peut pas être conçu sans cette prise en compte des spécificités locales.


Il faut aussi déterminer le type d'espace vécu que l'on souhaite créer, en tenant compte des orientations politiques et des besoins en équipements. L'urbanisme de Sitte défend l'idée de surprendre l'individu qui parcourt la ville. Les jardins doivent être « cachés », créant des moments de respiration et d'étonnement, tout en offrant une ville qui se vit à pied. L’important est que chaque place ait un caractère unique, qu’elle réponde à son contexte local.


Sitte prône également la conservation des irrégularités visuelles et des accidents du site, car ces imperfections font partie de l’histoire de spatiale. Enfin, il insiste sur l’importance du « vide » dans l’espace urbain, soulignant que ce sont ces vides qui permettent aux individus de se déplacer et d'interagir dans l'environnement.


IV. L’urbanisme de Camillo Sitte : une réponse aux enjeux du développement durable ?

L’approche de Sitte semble aujourd’hui pertinente face aux défis contemporains de l’aménagement du territoire et du développement durable. Alors que l’urbanisme du XIXe siècle, à l’instar de l’Haussmannisation, a rationalisé l’espace, créant des rues larges, des places dédiées à la voiture et des zones uniformes, Camillo Sitte prône une approche plus humaine et plus en phase avec l’histoire et la culture locale en s’appuyant notamment sur les travaux d’Emmanuel Kant.


On constate qu’au XXIe siècle, l’homme revient au centre des projets d’aménagement du territoire. La pandémie du COVID amène les pouvoirs publics français à repenser l’espace en favorisant un urbanisme favorable à la santé (UFS1) .

Car l’homme, dans sa diversité, n'est-il pas une équation complexe ? le projet urbain ne doit-il pas prendre en compte cette diversité et l’aspect humain de l’individu ? Sitte aurait sans doute approuvé l'idée qu'un aménagement doit tenir compte de cette diversité. L’urbanisme ne doit pas être un modèle universel (contrairement à ce que prône Haussmann ou le mouvement moderne 2 ) mais une réponse adaptée aux spécificités locales. Comme il le souligne dans son ouvrage, la société moderne pourrait bien ressembler à celle de « harengs en caques », confinés dans des blocs, mais la beauté de la ville réside justement dans la prise en compte de l’individu et de ses besoins.


  1. Fondée sur l’approche de la santé dans toutes les politiques, promue par l’OMS depuis la charte d’Ottawa (1986) et plus explicitement depuis la déclaration d’Adélaïde (2010) et la déclaration de Shanghai (2016), l’UFS vise à tenir compte systématiquement et simultanément des conséquences sur la santé et l’environnement de tout projet d’urbanisme (planification et urbanisme opérationnel). Cet urbanisme a pris de l’essor depuis la pandémie du COVID en 2020 et 2021.
  2. « Le XXe siècle : comment le mouvement moderne et les politiques publiques ont façonné le paysage français d’aujourd’hui ? » - Fanny Azan-Brulhet, 2025 – www.panodyssey.com


Fanny Azan-Brulhet

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