Le tunnel
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Le tunnel
Tous les jours, je participe à un jeu de micronouvelles. Le but est d'écrire une courte histoire (taille d'un tweet) sur une photo proposée par un auteur nommé KeoT. Mon histoire d'origine se composait donc des 3 premières lignes de ce texte. Puisque certains ont aimé ces 3 lignes, il me semblait intéressant de développer cette mini histoire. Voici donc l'intégralité du texte. Vous ne verrez peut-être plus le métro de la même façon ! Crédit photo : Pxhere.com
C'est là qu'il traînait ses victimes à moitié vivantes. Leurs cris se perdaient dans les profondeurs du tunnel. Elles s'agrippaient quelquefois aux bords en béton jusqu'à en casser leurs ongles. Elles finissaient leur vie dans la puanteur des corps en décomposition et l'humidité.
Célia n'échappait pas à la règle. Elle ne sentait plus ses douleurs qui au début lui arrachaient des cris. Elle glissait en silence sur le sol râpeux, lui déchirant la peau de son corps dénudé.
À force de lui tirer les cheveux, des touffes se détachaient de son crâne endolori.
De temps à autre, il s'arrêtait pour reprendre son souffle. Elle regardait alors les rats défiler sur les côtés qui la regardaient avec incompréhension. Pourquoi était-elle là dans leur monde souterrain ?
Puis ses yeux se fixèrent sur le nom de la rue sous laquelle elle passait. Il n'y avait que le bruit du métro qui s'intercalait entre deux respirations. Ce métro où elle se trouvait quelques heures auparavant.
Elle était nue et avait froid. L'humidité entrait dans ses os si peu revêtus de chair.
Le sang continuait de couler de son bas ventre jusqu'à son entrecuisse. Elle avait du mal à réfléchir. Fallait-il qu'elle se batte ou qu'elle se résigne ?
Son corps arriva au milieu d'autres corps en décomposition. L'odeur était insupportable. Elle eut un haut de cœur qui lui pinça l'estomac. "Ce type est complètement fou", se disait-elle. Il dépeçait ses victimes comme on dépèce une bête.
Elle décida de se rebeller en vain, car la force lui manquait.
Elle pensait à son époux et à ses enfants. Ils devaient s'inquiéter. Comment pourrait-il voir sa femme dans cet état? Et s'il apparaissait maintenant en preux chevalier venu pour la sauver?
Non ! tout cela était impossible ! il ne savait même pas où elle se trouvait.
Soudain, l'homme la lâcha et elle entendit une voix parler sans distinguer les mots suivis d'un bruit sourd et d'un sifflement.
Le fou s'écroula devant elle. Elle n'arrivait plus à tourner la tête. Elle pouvait juste regarder le plafond suinter de l'eau froide et nauséabonde sur son corps tout entier.
Elle vit alors sur son champ de vision un visage qui lui parlait doucement. Un visage qui avait l'air amical. Elle sentit à peine quelque chose la couvrir qui lui fit l'effet d'un duvet.
Des gens s'agglutinaient autour d'elle comme un essaim d'abeilles. Ils parlaient, la touchaient, la tirait de droite à gauche et vis versa dans un brouhaha de mots puis elle ferma les yeux pour s'endormir sous l'effet des calmants.
Lorsqu'elle avait pris le métro au milieu de toute cette foule, elle ne se doutait pas que des yeux l'épiaient depuis des jours, des semaines. Pourquoi se serait-elle inquiétée ? Il y avait tellement de monde autour d'elle.
Mais aujourd'hui, elle voyage en épiant le moindre geste, cherchant le moindre signe d'hostilité. Comme une sorte de cauchemar permanent, une boucle infernale qui ne la laisse pas sortir de la terreur.