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Publié le 5 févr. 2021 Mis à jour le 5 févr. 2021 Culture
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Voici les premières pages  de ce roman

CHAPITRE I

Je ressemble à une bête en cage dans mon petit deux-pièces. Je marche sans but. Je tourne en rond. Je ne sais que faire de mes dix doigts au travers desquels le temps s’écoule inutilement. Je suis un animal qui va et vient continuellement, se cognant aux barreaux de sa cage. Je marche le long du mur. À ma gauche, la porte d’entrée puis une passerelle suivie d’un escalier de pierre qui descend d’un étage pour finir dans le hall pavé menant à la rue. À ma droite, une cloison. Je fais demi-tour : en face de moi, une cheminée. Au milieu de la pièce, sur ma droite, la fenêtre et le puits de jour du vieil immeuble. Après, une ouverture sans battant donnant sur une mini-cuisine d’à peine un mètre sur deux avec simplement un évier et un petit plan de travail. Au bout, la porte des WC. Il n’y a ni douche ni eau chaude. J’habite au 21 rue Gratiolet, près de la place de la Victoire, à Bordeaux.

Je vis dans cette grande ville depuis un peu plus de trois ans. Obligé de quitter ma verte vallée de l’Isle pour venir travailler dans la Cité parce qu’à la campagne, le travail ne court pas les chemins. Mais elles me manquent, la campagne, la verdure. Me manquent aussi les jeux de gosses dans les champs,avec mon frère et mon cousin. On avait fabriqué dans la grange des grands-parents une cabane avec des bottes de paille ; on avait déclenché un incendie en l’éclairant avec une bougie ! J’ai des souvenirs nostalgiques de longues balades au milieu des bois, de parties de pêche à la ligne, fructueuses et ensoleillées, du braconnage des anguilles durant les chaudes nuits d’été.

Elles mordent comme des folles, ces bestioles, lorsque le temps est orageux. Et elles sont tellement meilleures, parce que pêchées dans la plus stricte illégalité ! Le goût de l’interdit, c’est quelque chose ! Maintenant, je foule le goudron et le béton cerne l’horizon. Il est pourtant chouette, cet appartement, décoré à mon goût. Quand je le prends, il est dans un état lamentable. La première fois qu’elle y vient, Gisèle dit :

« C’est triste ! »

C’est Pierre qui l’habitait avant moi, avec une demi-douzaine de chats. Ce qui explique le modeste loyer de deux cent cinquante francs. En raison del’état des lieux, les propriétaires ne peuvent exiger plus. Je retape tout avec l’aide de mon père, peintre en bâtiment. Alors que je sors à peine d’une adolescence qui s’est très, très mal passée avec mes parents. Mais cette génération qui, toute jeune, connaît l’exode depuis le fin fond de l’Italie, pour ma mère,et l’occupation allemande durant l’enfance suivie de la guerre d’Algérie à l’âge du service national pour mon père, ne produit pas des pédagogues capables de faire s’épanouir leur progéniture mais des « éleveurs » d’enfants. Ils me dressent depuis tout petit. Surtout ma mère, qui gère le foyer, mon père étant chef d’entreprise. Elle me dresse à grand renfort de baffes et de coups de martinet avec son manche et ses lanières de cuir pour fouetter les mollets des culottes courtes, et de toilettes à l’eau bouillante. Grâce à elle, je sais depuis longtemps que mon petit frère et moi ne sommes pas des enfants désirés, que ma naissance a été longue, qu’elle a beaucoup souffert. Pire, je suis né avec un « bec-de-lièvre » qu’il faut opérer par la suite. Pauvres parents ! Je comprends leur détresse : mettre au monde un enfant non voulu, difficile à expulser (quatre kilos cinq cents !!!) et en plus moche ! il y a de quoi avoir une piètre opinion de sa descendance.

Durant mon enfance, à l’âge de l’école primaire, impossible de sortir de la maison, et difficile de faire venir ou d’aller chez des camarades de classe. C’est plus fort qu’elle, il faut qu’elle fouille dans mes affaires, qu’elle en dispose et parfois découvre certains petits secrets de gosse. Pas étonnant que je fasse une fugue à l’âge de douze ans ! Un jeudi matin, au lieu daller au catéchisme, je me rends à vélo de chez mes parents jusque chez mon cousin à Bordeaux, soixante-dix kilomètres à pédaler avec mes mollets de coq ! Arrivé à « la ville », je ne me débrouille pastrop mal pour un gamin de mon âge, douze ans. Je connais le nom de la rue où je veux me rendre, je m’adresse aux gens et leur demande mon chemin. Deux jeunes femmes, très aimablement, me l’expliquent et même me le montrent sur un plan. Après quelques errements supplémentaires, je finis par atteindre mon but. Chez mon cousin, oui, chez mon oncle et ma tante !

À mon arrivée, branle-bas de combat : on l’a retrouvé ! Dans mon patelin, c’était la panique. Alerte à la gendarmerie, interrogation de mon frérot et grosse inquiétude générale : ma mère a peur que j’aie été kidnappé et s’inquiète plus du montant de la rançon à payer que du risque que j’ai couru de m’être fait aplatir par un camion ou égorgé par un détraqué. C’est ce qui m’a le plus marqué... Un enfant, c’est de l’argile : dès qu’on le touche, on le marque, et souvent à vie !

Pour m’aider à rénover et décorer mon petit nid, mon paternel n’hésite pas à venir les samedis et dimanches pour refaire le sol et poser la tapisserie. Il a pourtant bien assez de ses chantiers pendant la semaine ! Mais c’est un homme en constante activité, il travaille tout le temps !!! Il prend juste quinze jours de vacances par an sur le bassin d’Arcachon. Dans un camping à Claouey, très exactement.Dans mon logement, je prépare les murs et fais les peintures. Le soir, après le boulot, jusqu’à parfois une ou même deux heures du matin. La première pièce a deux murs peints en rose pâle et les deux autres couverts d’une tapisserie mauve. Le plafond est peint en bleu foncé, les menuiseries en bleu roi, les ferrures en noir brillant. Le sol est recouvert d’un linoléum de première qualité, cadeau de papa comme tout le reste des fournitures : papier peint, peintures, etc. Comble de bonheur, une cheminée en parfait état de marche, surmontée d’un immense miroir, orne le mur du fond. La seconde pièce, ma chambre, est tapissée, moitié bleu frais pour l’été, moitié orange bien chaud pour l’hiver. Le plafond est revêtu du même papier orange. Malheureusement, il n’y a pas de fenêtre pour éclairer cette seconde pièce. Un minuscule coin cuisine prolongé de WC complète ma garçonnière. Ce qui me manque le plus, à part une douche, c’est un coin atelier pour m’occuper en bricolant. J’aime travailler le bois, le sculpter, le scier, le clouer, le transformer. Avec un couteau de poche et un morceau de bois tendre, je crée des statuettes d’animaux ou de personnages. Je suis doué de mes mains. Je ne réalise rien d’exceptionnel, seulement des petites choses simples. Mais pendant que je suis en train de créer une « œuvre », l’existence a meilleur goût. Je plane au paradis de la création. C’est une sorte d’extase. L’activité manuelle et artistique est idéale pour passer le temps.

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