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60 ANS DE CULTURE : Hervé Corriges

60 ANS DE CULTURE : Hervé Corriges

Publié le 30 juin 2020 Mis à jour le 30 juin 2020 Culture
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60 ANS DE CULTURE : Hervé Corriges

Hervé Corriges et Alexandre Leforestier. Photo par Mathieu Bach

Hervé Corriges travaille au Ministère de la Culture. Il est l'homme en charge des 60 ans de celui-ci. L'homme, passionné de danse, a accepté de nous parler du programme de l'anniversaire.

ATTENTION, cher lecteur : cet article a été réalisé en juin 2019. Les réponses aux questions sont donc à replacer dans leur contexte : le programme des 60 ans du Ministère de la Culture a été effectif en 2019.

Pourquoi avoir choisi de travailler dans la culture ?
Je n'ai pas choisi de travailler dans la culture. Je suis tombé dedans tout petit. J'ai commencé par étudier la danse classique à 10 ans. Je voulais être danseur, mais je suis né à Mandes, en Lozère, il n'y avait pas vraiment de bonne école de danse. Je suis allé un peu au conservatoire d'Avignon, mais j'étais vraiment très mauvais. J'ai compris qu'il fallait que je fasse quelque chose d'autre, donc je suis rentré à l'Institut d'études politiques d'Aix-en-Provence en parallèle. Après Sciences Po, je suis allé à Paris et j'ai voulu continuer mes études de danse dans une école privée qui se situait au premier étage de la Salle Pleyel. J'ai fait traîner mes études, j'ai accumulé ce qui s'appelait à l'époque des DESS. J'en ai eu trois, un DEA et deux DESS, ce qui correspond aujourd'hui au master. J'ai fait quelques petits remplacements de danseur classique dans des ballets de maisons d'opéra à Reims, à Toulon. Ensuite, il a fallu que je travaille. J'ai commencé par être directeur des affaires culturelles à Millau sans avoir rien fait avant de concret. C'est comme ça que j'ai débuté ma carrière dans la culture.
Vous avez donc quand même baigné dans l'art.
 
Oui, mais mon milieu familial était très populaire. Mon père était ouvrier d'État dans l'administration. Donc c'est vraiment par la pratique que j'ai commencé ce bain culturel. D'où l'importance que j'attache aujourd'hui aux questions liées aux pratiques.
 
Comment définir la culture française en quelques mots ?
 
Déjà, tout dépend de la définition qu'on apporte à la culture. Cette définition varie beaucoup selon les expériences personnelles de la vie. Je définirais cette culture comme le fruit d'une histoire. D'abord l'histoire de ce pays, de ses diversités, de ses creusets. Du cinéma jusqu'aux livres. C'est cet ensemble-là qui constitue la culture française. Et évidemment avec ce que l'on appelle l'exception culturelle.
 
Comment le numérique peut-il apporter au développement de la culture française ?
 
C'était justement le sujet d'un colloque qui a ouvert les 60 ans du Ministère de la Culture il y a trois ou quatre semaines à Sciences Po. Le sujet était le numérique à l'heure des territoires, c'est la question que vous soulevez finalement. Je crois que le numérique est d'abord un formidable outil de pratiques culturelles et d'invention. Mais tout dépend comment on regarde les choses. Est-ce que le numérique peut se mettre au service des arts et de la culture dans des domaines qui existent déjà ? Ou est-ce que le numérique est lui-même vecteur d'inventions et de pratiques culturelles ? Je pense que c'est les deux à la fois. En même temps, le numérique montre aujourd'hui ses limites et ses dangers. Il faut savoir les appréhender.
 
Tout le monde a-t-il le même accès à la culture, peut être notamment grâce à Internet ?
 
Je crois que tout dépend comment on définit la culture. Ce serait très présomptueux de la part du Ministère de la Culture de la définir comme limitée à son champ d'intervention. Aujourd'hui, on voit que l'on peut ne pas aller au théâtre ni au cinéma ou ne pas être un grand lecteur et pourtant avoir via les outils numériques des pratiques culturelles très riches, au contact d'autres formes qui n'existaient pas il y a quelques années. C'est là où il peut y avoir un décalage entre ce que fait le Ministère de la Culture, son secteur d'intervention, et la réalité de chacun qui est très différente.
 
Quelles mesures sont prises aujourd'hui par le Ministère de la Culture ?
 
La question est immense, parce qu'il y a autant d'initiatives qu'il y a de secteurs d'intervention, du patrimoine à la communication. Le sujet qui tient à cœur l'actuel ministre c'est le pass Culture. C'est une évolution importante dans l'histoire des politiques du ministère. Longtemps, le ministère s'est focalisé sur ce que l'on appelle les politiques de l'offre, c'est-à-dire développer l'offre culturelle, développer les musées, développer des compagnies. Le mot l'exprime lui-même : offrir une grande diversité de propositions aux Français et faciliter leur accès. Aujourd'hui, il y a une petite évolution qui est en cours d'expérimentation pour permettre aux jeunes un premier accès facilité à la culture. C'est un sujet que je connais bien. Quand j'étais chef du bureau de la culture en région Rhône-Alpes il y a une vingtaine d'années, il existait dans cette région ce qu'on a appelé le chèque culture. C'est le premier dispositif intégré de ce type qui a existé, offert à tous les lycéens de la région Rhône-Alpes. Il était possible de bénéficier d'un chéquier de quatre chèques, dont le chèque livre et le chèque cinéma. Aujourd'hui, c'est presque une reprise par le ministère de la culture. C'est une politique qui a été beaucoup pratiquée par les collectivités territoriales, en facilitant l'accès par la demande.
 
Où se situe la culture française par rapport à celle des autres pays ?
 
En se penchant sur les 60 ans, on se demande ce qui nous distingue, ce qui fait cette fameuse exception culturelle. La France l'a défendue lors des accords du GATT en 1995 (ndlr : année où le GATT est devenu l'OMC), puis au moment de la Convention de l'UNESCO il y a une dizaine d'années. Cette différence, c'est chacun des domaines qui n'est pas au même point en France que dans les autres pays. Dans la chanson par exemple, on a une chanson nationale qui est très développée -- même si on ne remporte pas le concours de l'Eurovision. Le cinéma français est connu dans le monde entier comme un cinéma à la fois populaire et d'auteur. La littérature également, il y a cette structure française qui se distingue nettement en Europe. On peut décliner tous les domaines et même le domaine du numérique où il y a aussi une scène française assez singulière et dont le talent est reconnu. Ce que je vous dis là est assez général. Si on rentrait dans les détails de ce qu'est l'aventure du cinéma, l'aventure du spectacle vivant, on verrait que parler de culture française ce n'est pas dire n'importe quoi.
 
On retourne en France. Est-ce seulement à l'État de promouvoir la culture française ou les acteurs privés doivent intervenir ?
 
La question est plutôt pour moi de définir quel rôle peut jouer l'État dans un contexte où un certain nombre de paramètres lui échappent de plus en plus. On voit la montée en puissance des industries culturelles, qui impactent fortement le paysage des pratiques. Le rôle de l'État est sans doute de contribuer. C'est ce qui est renouvelé à travers les 60 ans du ministère, en soulignant le caractère contemporain du message d'André Malraux : il faut être là où le secteur privé ne peut pas à lui seul permettre un développement des arts et de la culture. Néanmoins, on voit bien qu'il y a une modification du modèle français de soutien aux arts et à la culture par le développement du mécénat à des initiatives privées. À titre personnel, je suis assez réservé sur ces sujets-là. J'ai souvent été dans des contextes dans les conseils d'administration. On disait d'aller chercher du mécénat, trouver des partenariats. Je me pose toujours la question : d'où vient cet argent ? Quand une société privée met beaucoup d'argent dans la culture, cela vient d'un choix de répartition de ces bénéfices. Tout cela est très voisin de l'économie capitaliste internationale.
 
Quels sont les projets pour les 60 ans du Ministère de la Culture ? (RAPPEL : article réalisé en juin 2019)
 
Tout commence à partir du 24 juillet. Cela correspond à la date du décret fondateur du ministère, fondé le 24 juillet 1959. Il y aura tout d'abord une grande exposition photographique au Palais Royal, qui retracera 60 ans d'activité du ministère. Celle-ci sera ensuite itinérante dans le pays. Ensuite, plusieurs colloques sont prévus. L'un d'entre eux clôturera l'anniversaire et se tiendra au Centre Pompidou. Il interrogera les 60 ans et son "après". Un autre sera organisé par le comité d'histoire du Ministère de la Culture, sur les droits culturels. Un autre intitulé "Les mystères de la culture". Ces temps forts seront des occasions pour le ministre d'intervenir sur la politique du ministère dans les différents champs d'action. Les initiatives tournent autour des priorités comme celles de l'environnement et de la diversité. Elles feront l'objet de forums, de moments de réflexion entre plusieurs institutions. Il y a évidemment des moments plus festifs, notamment lors des journées européennes du patrimoine. Enfin, ce qui va apporter une différence à l'événement c'est l'édition d'un "Que sais-je ?" sur le Ministère la Culture.
 
 
 
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