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La légende d'YS : les murmures de la mer

La légende d'YS : les murmures de la mer

Publié le 20 oct. 2024 Mis à jour le 15 déc. 2024 Culture
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La légende d'YS : les murmures de la mer

 

Par Juliette Norel

Quand Éléonore décida un soir d’automne de faire crépiter sa première flambée dans la cheminée centenaire de sa maison récemment acquise en lisière de forêt, elle s’aperçut qu’une des pierres sous l’âtre bougeait dangereusement. Elle leva d’abord les yeux au ciel, agacée d’avance de ce menu bricolage à programmer, avant de décider de la desceller complètement pour pouvoir la refixer plus facilement. La pierre poussiéreuse laissa apparaître une cache sous le parement, dans laquelle se trouvait un livre hors d’âge, noué de cuir et enveloppé dans une étoffe vieillie par le temps. Elle abandonna là ses espoirs de feu réconfortant, prit délicatement l’ouvrage, et s’installa confortablement avec un thé à la bergamote pour étudier ce trésor caché. Son cœur s’emballa tandis qu’elle ouvrait le livre. Le parfum d'antan éveilla ses sens, la sensualité du cuir tanné par les ans, le contact du papier rendu vulnérable par le temps, et—elle aurait pu le jurer—le murmure de l’océan sifflant à ses oreilles, la plongèrent dans un récit perdu, celui de la légendaire ville d'Ys. 

Les pages jaunies narraient l'histoire de cette cité enchantée, construite par le roi de Cornouailles, Gradlon, pour Dahut, sa fille adorée au regard d’émeraude et au rire cristallin, qui vouait une passion à l’océan. Ys fut érigée sous le niveau de la mer à marée haute, les flots retenus par une haute digue forgée par les Korrigans pour protéger la cité de l’engloutissement. Seul le roi Gradlon détenait la clef permettant d’ouvrir et de fermer l’écluse. Mais Dahut s’ennuyait cruellement et transforma la cité en un lieu de débauche et de luxure. À chaque crépuscule, elle se faisait présenter de beaux jeunes gens masqués avec lesquels elle passait des nuits d’orgie. Chaque matin, au lever du soleil, les jeunes éphèbes étaient jetés du haut d’une falaise dans l’océan. Craignant le courroux divin, Saint Guénolé tenta d’avertir le roi des dangers de ces excès, mais sans succès. Une nuit, un prince tout de rouge vêtu—probablement le diable en personne—fut introduit auprès de Dahut qui en tomba instantanément et éperdument amoureuse. Sur son ordre, elle déroba la clef de l’écluse que son père gardait en permanence autour du cou, et le beau prince ouvrit les vannes de l’écluse. L’océan submergea la cité en quelques instants. Le roi parvint à s’enfuir avec l’assistance de Saint Guénolé, mais il ne réussit pas à sauver sa fille des flots tourbillonnants... 

Selon la légende, Dahut se serait changée en sirène et la ville, toujours engloutie par son tombeau marin, se laisserait parfois deviner à travers les reflets lorsque la mer est basse. Les mains tremblantes, Éléonore serra quelques instants cet incroyable livre qui avait voyagé jusqu’à elle en une facétie du destin. Elle réfléchit une poignée de minutes et se décida à téléphoner à son cher Gabriel pour lui proposer une visite de la baie de Douarnenez. Peut-être qu’avec un peu de chance, ils pourraient apercevoir les cheveux dorés de Dahut rayonner entre les rochers... 

 

 

Par Jean-Christophe Mojard

De ce cadeau de roi, en baie de Douarnenez,
Dahut règne en beauté, festoyant chaque soir,
Séduisant des amants voués à trépasser,
Jusqu’à ce prince rouge au funeste pouvoir.

Il manœuvre en coulisse, en masquant ses intrigues,
Il séduit la princesse en stupre et par sa ruse
S’empare de la clef, déverrouille la digue,
Déchaînant l’océan, en ouvrant grand l’écluse.

Tandis que, derrière eux, Ys sombre dans l’abîme,
Gradlon fuit à cheval, sa fille en croupe, hagard,
Saint Guénolé l'adjure : « Abandonne ton crime ! »
Le roi jette Dahut aux flots sans un regard.

Depuis lorsque le temps au calme le permet,
On entend de la mer monter des sons de cloches.
Ces murmures nous disent : « souviens-toi, Douarnenez,
Quand l’opprobre survient, le diable est en approche.

Sous les flots de Bretagne, engloutie, tu sommeilles,
Éternelle cité, Ys, cher est ton tribut.
Toi qui fus de Gradlon une pure merveille, 
Le vice et l’ennui t’ont par trop corrompue.

 

 

 

Note

L'illustration est un prompt IA Seelab, puis le résultat est retravaillé avec Affinity.

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Commentaires (12)

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Jackie H il y a 2 mois

Belle collaboration et beau résultat 👍🏻

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