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Le Virus et le Blob

Le Virus et le Blob

Publié le 15 mai 2020 Mis à jour le 25 sept. 2020 Culture
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Le Virus et le Blob

 

Regarder la diversité de la Nature et s'émerveiller. Regarder par le microscope cette même Nature et avoir peur. Déjà une bonne partie de la population (féminine) a peur de la Nature à l'échelle du centimètre; mais c'est au nanomètre qu'il faut vraiment prendre conscience de sa contre-intuitive petitesse. Oui, aux toutes petites échelles, il y a un monde en guerre en permanence. Une guerre essentiellement chimique, avec des armes folles, des protections, des infiltrés, des agents nettoyeurs. Le monde d'en bas est beaucoup plus riche que notre monde d'en haut.

 

Ce serait juste amusant si ce monde inconnu de la plupart des gens n'était pas, en fait, l'échafaudage sur lequel nous sommes assis. Pour ne plus avoir peur, il faut savoir. Descendre dans ce monde, c'est avant tout se souvenir qu'à l'échelle des molécules, tout est histoire d'énergie, de forme et d'une mystérieuse force qui pousse les organismes à grandir, se diviser et se reproduire. Sans aucune forme de conscience, il y a le désir sans fin de la vie. Une pression permanente pour survivre, d'abord, et pour conquérir ensuite.

 

Les champions de la conquête sont les virus, les champignons et les bactéries, suivi par les insectes; l'homme n'a conquis que partiellement les mers et les terres, vaguement l'espace. Toutes les autres nano formes de vie nous explosent au jeu de la conquête, n'en déplaise à notre égo. Elles ont pris largement de l'avance dans l'histoire de la Terre et ont des formes adaptées à quasi tous les environnements. Ce qui rassure le scientifique humain, perché sur sa superbe, c'est de se dire que toutes ces espèces sont unicellulaires, très simples, voir même pas vivante du tout. C'est le cas de la spore ou du virose qui sont les formes inertes, version sans métabolisme du champignon ou du virus. Le cas du virus est encore plus singulier puisqu'il n'a pas de forme métabolique au sens propre. Il infecte et se sert de la machinerie de la cellule pour se répliquer et muter.

 

Nous sommes les dignes représentants des organismes multi-cellulaires avec noyau (dans la cellule). Cela nous met au rang des organismes complexes, capables de se reproduire, de créer tout un tas de cellules différenciées à partir d’une même cellule. Nous sommes si complexes, que nous avons incorporé dans nos « plans », notre ADN, le génome de tas d’autres virus ou bactéries. Par exemple, la centrale à énergie de la cellule est la mitochondrie, une bactérie à l’origine, récupérée opportunément par bon nombre de cellules eucaryotes, dont les nôtres,  et intégrée définitivement en une symbiose. Cette richesse et cette complexité font que nous sommes aussi résistant, notre corps peut se défendre des agressions et protéger les cellules ET les bactéries que nous intégrons dans notre biotope, dans l’intestin par exemple.

 

Les organismes plus simples, unicellulaires, avec ou sans noyau, sont pour autant encore plus résistant que nous, on le voit en ce moment, et nous battent aisément par le fait d’être plus simple, individuels et très nombreux. En étant simple et minuscules, ils sont individuellement plus fragiles, une mutation peut les faire disparaitre, mais leur nombre et leur capacité d’adaptation à de nouveaux  milieux (par mutation positive cette fois) font qu’une espèce est difficile à éradiquer complètement. Pour le coup, on constate aujourd’hui qu’il est plus facile d’éliminer un organisme complexe, ayant besoin de plus de ressources, ouvert à un piratage biologique en règle, et ne pouvant muter en une génération pour s’adapter aux nouvelles conditions de vie. Les dinosaures peuvent en témoigner.

 

Entre les organismes unicellulaires et multicellulaires, il y a un être étrange, le Blob. Physarum polycephalum est un organisme inclassable par bien des aspects. Il est unicellulaire dans le sens où il ne se différencie pas en cellules autonomes ayant chacune une fonction particulière. Il est multi-cellulaire dans le sens qu’il produit une organisation complexe et réalise des prouesses incroyables. Il faut aller voir le documentaire d’Arte  (Le blob, un génie sans cerveau https://www.arte.tv/fr/videos/082726-000-A/le-blob-un-genie-sans-cerveau/) pour se rendre compte à vitesse accélérée des prouesses cognitives dont le blob est capable. Il réagit avec logique, explore son environnement, est capable d’être coupé en morceau et de continuer des vies indépendantes. Capable aussi d’être de nouveau regroupé et de continuer la vie comme l’enfant des deux individus ! Plus fort encore, il y a une capacité de transmission de savoir lorsque l’on fait vivre deux expériences à des individus, puis qu’on les réunit.

 

Longtemps délaissé dans un coin de la phylogénie où les scientifiques l’avaient ranger, incapable de le définir, il n’est ni bactérie (il a un noyau), ni virus (il a un métabolisme), ni champignon (il se déplace). Il a été classé longtemps chez les champignons parce qu’il cochait le mode de reproduction. Le blob ne se divise pas en cellules mais en noyaux ce qui a pour conséquence qu’il étire son corps en un réseau de « veines » comparables à un végétal ou à un champignon. Mais il se déplace en plus pour aller chercher sa nourriture. Ou il peut rentrer dans une phase d’hibernation et libérer des spores pour changer de localisation au gré du vent. Sa sexualité réside dans ces spores qui doivent trouver un partenaire compatible parmi 720 sexes différents !

 

Découvert dans les années 1820, il est depuis 15 ans une attraction scientifique depuis que l’on a expérimenté ses capacités d’analyse, de mémorisation, de transmission. Un minuscule organisme qui vit depuis 500 millions d’années et est totalement capable de s’adapter à n’importe qu’elle situation tout en consommant le strict nécéssaire pour sa survie.

 

A méditer pour les êtres complexes que nous sommes…

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