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La légende des lavandières de la nuit

La légende des lavandières de la nuit

Publié le 28 oct. 2024 Mis à jour le 8 nov. 2024 Culture
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La légende des lavandières de la nuit

La légende des lavandières de la nuit, par Juliette Norel

Parmi toutes les pages de ce qu’Elle appelait maintenant son grimoire mystique, une troublante légende convoquait sa présence en la ville de Châteaulin, à l'Est du Finistère. 

En arrivant à Châteaulin, une petite ville nichée au cœur du Finistère, elle sentit une présence étrange, une aura grise, particulièrement troublante qui semblait presque suinter des murs . Les ruelles pavées et les maisons à colombages semblaient chuchoter d’ancestraux secrets, trop lourds peut-être pour être racontés à voix haute. Sa curiosité la mena rapidement vers les rives de l’Aulne, là où les anciennes lavandières du village se réunissaient jadis pour nettoyer le linge. Son grimoire racontait que les soirs de pleine lune, ces femmes revenaient laver leurs péchés en suppliant les hommes égarés de les aider à tordre le linge... Jusqu’à les tuer. 

Elle choisit un poste d’observation non loin de l’ancien lavoir de la rue des Trois-Frères-Blaise , décidée à percer le mystère de ces funestes créatures.

La nuit tomba rapidement, enveloppant la ville d’un silence presque assourdissant. Le clapotis de l’eau devint le seul bruit, amplifié par l’obscurité. L’odeur humide de la rivière mélangée aux parfums de terre et de mousse enveloppa l’air. 

Au moment où a lune atteignait son zénith, un murmure éthéré se fit entendre. Des silhouettes blanches émergèrent des ombres, se matérialisant près de l’eau. Elles étaient vêtues de longues robes blanches, leurs visages marqués par des expressions de tristesse et de détermination. Elle retint son souffle, incapable de détourner le regard. 

Les lavandières fantomatiques entamèrent leur rituel, tordant et battant leurs draps invisibles avec une intensité presque furieuse. L’air était imprégné d’une mélancolie palpable. Elle sentit son cœur se serrer alors qu’elle observait cette scène surréaliste, puis, elle se rappela que, selon la légende, ces lavandières de la nuit n’étaient pas simplement des âmes en peine lavant des draps.

Elles nettoyaient aussi les linceuls de leurs enfants morts, en une rédemption éternelle pour d'impardonnables péchés. Mais le livre raconte aussi que les hommes, qui sortaient enivrés de la taverne tombaient sous le charme hypnotique de ces spectrales apparations. Si malheur leur arrivait d’aider les lavandières à tordre le linge, ils y trouvaient la mort. L’étoffe s’enroulait autour de leurs corps, les vidant de tout leur sang ou brisant leurs os sous la violence des torsions. 

Soudain, l’une des lavandières leva la tête et fixa l'intruse du regard. Ses yeux brillaient d’une lueur surnaturelle. Sans un mot, elle lui fit signe de s’approcher. Tremblante de terreur, la jeune femme obtempéra , sans même le désirer réellement, comme si ses jambes lui désobéissaient.

Lorsqu’elle fut suffisamment proche, la lavandière murmura d’une voix aussi douce que le vent : 

« Si tu cherches à comprendre notre sort, sache que nous sommes les âmes de celles qui ont été trahies et oubliées. Nous payons pour nos péchés, condamnées à laver nos regrets éternels.

Et nous amenons avec nous ; ceux qui devraient laver les leurs.

N’oublie jamais le poids des actes commis dans l’ombre, ma petite» 

Avant qu’Elle ne puisse réagir, la lavandière attrapa un drap translucide et le plaça délicatement sur son visage.

La sensation était étrangement apaisante, presque réconfortante, bien que son contact d'une tristesse infinie. Elle sentit le poids du drap devenir plus lourd, l'enveloppant complètement. Son souffle se fit plus léger, plus profond, jusqu'à ce que ses paupières se ferment doucement. 

Elle se réveilla brusquement dans son lit à l’auberge de Châteaulin, le cœur battant et la respiration saccadée. La lumière du matin filtrait à travers les rideaux, Elle ne savait pas ce qu’il s’était passé après minuit.  Avait-elle vraiment rencontré les lavandières de la nuit ou tout cela n’était-il qu’un rêve ? Son grimoire reposait sur la table de chevet, ouvert à la page de la légende.

Elle sourit en pensant que peut-être, quelque part entre rêve et réalité, elle avait touché du doigt l’essence de ces âmes tourmentées... à mi-chemin entre ombre et lumière. 

 

Sous IA un cours d'eau où des lavandières tordent du linge sous la lune. Ambiance photo bleutée.

 

La légende des lavandières de la nuit, par Jean-Christophe Mojard

Les Lavandières de la nuit

Sous la lune d’opale, aux abords des rivières, 
Elles lavent sans répit le fruit de ces péchés
Que le patriarcat a posé sans manières
Sur leurs épaules nues, les faisant se pencher.

Ce sont Les Lavandières aux linceuls blanc ivoire
Qui battent sans repos le poids de la souffrance.
Elles peuplent les cours d’eau ou hantent les lavoirs
Condamnées par les Cieux à des années d’errances.

Imprudent voyageur, innocent ou coupable,
La justice des morts est aussi implacable :
Leur chant mélancolique est un cruel appel !

Si tu leur tends la main, elles te prendront le bras
Et te broieront les os comme elles tordent les draps,
Puis le fond d’un bassin sera ton dernier ciel.

 

Notes

Illustration par un prompt IA Seelab, puis retravaillée sous Affinity.

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Commentaires (17)

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Jackie H il y a 23 jours

J'aime beaucoup vos perspectives uniques sur cette légende... la vision rédemptrice de Juliette, son écriture délicatement poétique et celle plus en puissance de Jean-Christophe, beau mélange 🙂

(très belle illustration aussi, elle fait rêver, elle emporte l'imagination 🙂... et puis elle est de saison 😉)

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Jean-Christophe Mojard il y a 23 jours

Merci énormément Jackie, c’est toujours un bonheur que de vous lire en ces commentaires. Qui plus est, c’est exactement ce que j’aime dans la plume de Juliette. C’est un ravissement que de travailler avec elle.

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Juliette Norel il y a 23 jours

merci infiniment Jackie, ce commentaire me va droit au coeur. C'est un immense privilège de revisiter toutes ces légendes avec notre si talentueux Jean-Christophe et de vous emmener dans notre danse de plumes🕊

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Gand Laetitia il y a 23 jours

Bravo !! J'ai adoré vous lire. Vraie légende ou invention totale ?

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Juliette Norel il y a 23 jours

ah c'est une vraie légende ! la dentelle autour est cousue main🤍

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Gand Laetitia il y a 23 jours

une très belle dentelle donc :) <3 merci pour la découverte de cette légende

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Jean-Christophe Mojard il y a 23 jours

Merci Lætitia. En effet, comme le dit Juliette, nous travaillons d'après de véritables légendes. C'est sur la base de ces recherches que nous lançons nos deux plumes.

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Claire Brun il y a 24 jours

Encore une fois vous nous régalez! Merci à vous deux je commence ma journée et ma semaine avec cette légende et la musique des vers dans la tête. Remarquable travail🤍

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Juliette Norel il y a 24 jours

merci infiniment Claire 🤍 c'est un réel bonheur de cheminer avec vous au cœur de ces légendes 🙏🏼

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Jean-Christophe Mojard il y a 24 jours

Merci, chère Claire, c'est un plaisir de vous accompagner au décours de votre journée. Vos réactions et commentaires emplissent nos encriers et nous enjoignent de poursuivre nos variations sur le même thème.

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Cedric Simon il y a 24 jours

J'adore le poème dont le rythme entraine le rêve.

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Jean-Christophe Mojard il y a 24 jours

Merci pour cette appréciation quant au poème. C'est l'encre qui permet de poursuivre les compositions sur le papier, qu'il soit physique ou numérique.
De mon côté, je me réjouis du texte de Juliette. Je trouve qu'elle y a distillé un adoucissant horrifique qui va laisser son empreinte pesante sur les draps des lecteurs ; tandis qu'ils se sentiront dans un semblant de sécurité sous leurs couettes.

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Juliette Norel il y a 24 jours

merci pour cette appréciation ⚘️

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