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Nancy

Nancy

Publié le 27 oct. 2024 Mis à jour le 27 oct. 2024 Policier
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Nancy

Chaque soir, entre quatre et cinq heures, le facteur passait devant la maison de Nancy. Ni grande, ni petite, sa maison donnait sur la rue principale. Nancy y vivait avec sa vieille belle-mère et sa domestique.

Depuis trois mois, elle attendait avec impatience une lettre de son mari. Bien qu'elle ait reçu plusieurs lettres au cours des trois derniers mois, il n’avait pas mentionné une seule fois sa date de retour. Nancy désirait ardemment qu'il revienne bientôt. Elle lui écrivait trois ou quatre fois par semaine, insistant pour connaître la date de son arrivée.

"Mes affaires ne sont pas bien réglées. Je n’ai plus de congés." Il trouvait des excuses de temps à autre.

"Je veux que tu rentres cette semaine," écrivait-elle dans ses lettres d'amour, adressées à son mari.

Dans sa dernière lettre, elle lui confia son chagrin :

"Ça fait maintenant trois mois. Avant, tu venais tous les deux mois. Pourquoi tu es absent depuis si longtemps ? Je passe mes journées dans la tristesse. Demande au moins deux jours de congé, s'il te plaît. Je ne peux plus vivre sans toi. Reviens au village cette semaine, je t'en supplie. Ne m’oublie pas. On dirait que je ne te manque plus."

Son mari lui écrivit après un mois :

 "Je vais essayer de rentrer au village la semaine prochaine." Dès qu'elle reçut cette lettre, elle passait ses journées, du matin au soir, à vérifier les horaires du train. Sept ou huit fois par jour, elle s'approchait de la porte pour consulter les horaires, puis rentrait en sanglotant.

Chaque fois qu'elle entendait un bruit de voiture dans la rue, elle courait vers la porte, espérant que ce soit son mari. Sa maison se trouvait à un demi-kilomètre de la gare. Lorsque son mari arrivait, il louait une voiture à la gare. Ainsi, chaque fois qu'elle entendait le bruit des cloches des taureaux tirant les voitures, elle se précipitait vers la porte.

Cela fait deux ans que Nancy est mariée, donc ce n'est pas tout récent. Elle ne désirait pas autant que son mari vienne auparavant.

"J'ai une affaire urgente le mois prochain. Si je ne restais pas, j'aurais des pertes de deux ou trois mille roupies. Alors, je viendrai sûrement à la fin du mois prochain", lui écrivit-il cette fois.

Nancy tomba en sanglotant sur la chaise après avoir lu la lettre. Son mari est un marchand au centre du pays. Avant, il rentrait chaque mois, mais cette fois, cela fait sept mois qu'il n'est pas rentré.

"Je suis coincée, plus rien n'est possible... Je suis perdue!" Elle prit sa tête entre ses mains. Apeurée, les yeux pleins de larmes, elle cherchait de temps en temps quelqu'un dans la chambre. Elle s'approcha de nouveau vers la porte et vérifia ses doutes s'il y avait quelqu'un.

"Je suis ruinée. Je n'en peux plus," dit-elle en tombant de nouveau sur le lit. "Il va tarder encore un mois. Cela fera quatre mois. Il va tout apprendre, tout! Oh mon Dieu, Je suis complètement perdue, je n'ai plus la force de continuer. »

Un jeune homme vivait près de la maison de Nancy, qu'elle connaissait depuis longtemps. Même après son mariage, il la fréquentait toujours. C'était un jeune homme costaud d'une trentaine d'années, qui ne faisait aucun métier et vivait des rentes des terrains de cocotiers de son père. Son père, un avare, ne lui donnait pas un sou pour ses dépenses, à part de le nourrir. Alors, le fils vendait les noix de coco en cachette, des terrains éloignés de son père.

Nancy ne l'aimait guère, mais elle gardait une certaine affection pour lui. Après son mariage, cette amitié s'intensifia. Lui aussi développa un fort sentiment envers elle, tant qu'elle était une femme mariée qu'une jeune femme célibataire. Il lui offrit une paire de boucles d'oreilles en perles, mais Nancy les refusa.

Pendant un an et demi, elle résista. Mais comme un microbe venimeux, Nancy développa un sentiment pour lui. Comme un poison qui se répand dans tout le corps, son amour envahissait son esprit et son corps. Enfin, elle le laissa l'embrasser.

"Nancy, Nancy, ma chérie Nancy," murmurait-il à son oreille dans ses étreintes amoureuses. "Je t'aime, mon trésor. Je n'avais jamais embrassé une autre. Je t'aime de tout mon cœur. Ma chère Nancy." Il la prit entre ses mains, embrassa son cou et ses joues plusieurs fois, éperdu d'amour.

Après deux semaines à jouer le rôle de sa femme, Nancy essayait de faire revenir son mari au village. Mais trois mois passèrent en vain. La peur l'envahissait. Après deux semaines de péchés commis, elle voulait cacher son secret à son mari et au reste du monde, mais en vain. Elle passait des journées entières à pleurer et à souffrir. Elle ne pouvait plus affronter son mari. Elle ne pouvait plus cacher son péché. Elle frissonna soudain à l'idée des insultes qu'elle allait subir.

Un mois passa encore. Elle reçut un télégramme vers 10 heures annonçant que son mari rentrerait ce soir. Nancy perdit la tête après avoir reçu la nouvelle. "Je suis ruinée, je suis au bout, c'est fini pour moi." Elle tomba de nouveau sur son lit. Une sueur apparut sur son front. Tout son corps était en feu, son cœur brûlait comme un morceau de viande sur un gril. Elle transpirait de tout son corps.

Elle imagina son mari découvrant son histoire d'adultère et venant comme le diable de l'enfer avec un couteau pour la tuer. Elle voyait ses voisins venir la sauver, et tout le monde apprendrait son histoire.

"Comment puis-je le revoir ? Je ne peux pas. Je dois disparaître de ce monde. Je n'ai plus besoin de vivre dans ce monde."

Le chemin de fer se situait à peine à 200 mètres de chez elle. Elle entendit le sifflet du train à un kilomètre. Elle pensa que son mari avait pris ce train. Elle se rendit compte qu'elle n'avait qu'une demi-heure pour tout préparer.

                                                                                                                        II

Il y avait un cadavre écrasé, tordu, sur le sol, parmi les feuilles de coco près du chemin de fer. Le crâne écrasé, couvert de sang, défigurait le visage. La tête pendait du cou, sur le point de se séparer. Les mains étaient également écrasées sous les rails ferroviaires. On devina que c'était le corps d'une femme à cause de ses vêtements féminins.

Le coroner public fit l'autopsie. Il déclara que c'était une femme enceinte de cinq mois. Lors de l'examen post-mortem, il nota les témoignages du mari de Nancy et de deux autres témoins. Le mari comprit tout de suite que sa femme était enceinte et se rappela ses tentatives de le faire revenir au village. Attristé et en colère, il se tenait devant le coroner. Il ne révéla que les lettres qu'il avait reçues. Le coroner réfléchit et comprit tout.

"Quand êtes-vous parti pour vos affaires ?" l'interrogea-t-il.

Le mari de Nancy comprit rapidement le motif derrière cette question. Il ne voulait pas que sa femme gagne une mauvaise réputation parmi les villageois. Elle avait déjà eu une punition terrible. Il ne voulait pas l'insulter de nouveau.

"Même pas trois mois," répondit-il.

"Trois mois ?"

"Oui," confirma-t-il.

Le coroner changea son avis préliminaire après ce témoignage. Il confirma que c'était un suicide pour des raisons inconnues dans son rapport post-mortem. Même si cela restait un secret pour le coroner, ce ne fut pas le cas pour le voisinage. On connaissait les dates exactes du départ de son mari pour faire du commerce. On comprit vite l'histoire.

"Magi Nona, le mari de Nancy est parti pour les affaires il y a sept mois et trois jours, n'est-ce pas ?" demanda une vieille dame à une autre femme mariée, les yeux baissés.

"Mais le mari a dit trois mois."

"Hmm, je vois. Tu comprends alors ?"

"Je comprends, Magi Nona. Alors, qui est l'homme ?"

"On dit que c'est Monsieur Cyril."

 "Quoi ?"

"Oui, c'est lui. Je t'avais dit que les choses allaient mal tourner s'il continuait ses visites."

"Ouais, je m'en souviens. Sacré bleu, M. Cyril est tellement timide, il ne tourne jamais ses yeux vers les femmes."

 "C'est comme ça... les choses se passent !"

Nancy, est une nouvelle sri lankaise, écrite en cinghalais par Martin Wickramasinghe en 1927. Voici ma traduction française de cette nouvelle. Tous droits réservés.

Référence : Wickramasinghe, Martin. මාර්ටින් වික්‍රමසිංහ කෙටි කතා එකතුව - ද්වීතීය භාගය (Œuvres complètes de Martin Wickramasinghe Vol. II) (1937–1924). Sarasa, 2017, pp. 655-660.

Photo : prise par moi, la maison familiale de Martin Wickramasinghe

 

 

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