Amour, au-delà de la mort
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Amour, au-delà de la mort
- Lettre d’Audric LeRoy à sa bien-aimée –
« Ma chère et tendre Margot…
Pourquoi ne te réveilles-tu pas ?
Je connais la réponse à cette question, et pourtant, je ne peux pas m’empêcher d’être impatient. Je t’écris cette lettre pour ne pas oublier les mots que j’aimerais te dire à ton réveil, et aussi pour me libérer, me sentir mieux en attendant ton retour. Tous les jours, je brosse tes beaux cheveux, aussi légers que des plumes… Je sais que tu m’entends, mais au cas où, je couche mes mots sur ce morceau de papier rose, papier aussi délicat que tes caresses…
Quand tu te réveilleras, nous irons pique-niquer au parc près de chez nous, ça te dit ? Endormie comme tu es, j’ai peur que les gens prennent peur si je t’amène là-bas avec moi tout de suite… Et puis, j’ai plein d’enquêtes à résoudre, tu le sais ! On me félicite souvent, à la police, je suis un véritable "Sherlock", tu peux être fière de moi ! Même si lorsque je tue tous ces malfaiteurs, je me sens plutôt comme son double maléfique, tu vois de qui je parle, n’est-ce pas ? Toi qui adores lire les livres de Sir Arthur Conan Doyle… Bref… Ta voix me manque tellement… Je crois que c’est la chose qui me fait le plus mal, de ne plus entendre tes réponses… Et tes yeux… Ah… J’ai si hâte que tu les ouvres…
Ne t’inquiète pas… À ton réveil, le monde sera plus beau. Bientôt, je débarrasserai notre pays de toutes les ordures qui y habitent - je parle de tous ces criminels, ces voleurs, ces hommes sans cœur. Tu verras, à ton retour, tout le mal que tu as connu ne seras plus qu’un mauvais souvenir, un mauvais rêve qui n’est jamais arrivé. Je sais que si tu serais là, jamais tu ne m’aurais laissé me salir les mains pour toi, tu es bien trop douce pour de pareilles atrocités… Tu aurais sûrement voulu changer ces gens, ou laisser la police s’en occuper, mais tu me connais, comment puis-je rester là sans rien faire ? Détective ne me suffit plus, et sans toi, que puis-je faire d’autre ?
La seule chose qui pourra te réveiller - je le sais - est mon amour profond et inconditionnel pour toi. Le rouge écarlate de mon cœur, le sang versé par mon amour… Quand je le trouverai enfin, je le garderai précieusement dans ce flacon en forme de cœur, que j’ai taillé dans un cristal pur et limpide - celui que nous avions trouvé lors de notre séjour à la montagne, tu t’en rappelles ? - et je te montrerai ce sang une fois que j’aurai tué tous ceux qui pourraient te nuire. Si je ne le fais pas, tu t’endormiras à nouveau, voulant fuir ce monde détruit. Tu n’es ici que pour moi, j’en suis certain… Sinon, pourquoi tu supporterais toutes ces horreurs ? Je n’en pouvais plus de te voir si triste pour les autres, comme si tu voulais quitter cet endroit, mais que ton amour pour moi t’en empêchait…
Chaque jour, je ne me lasse pas de regarder ton beau visage endormi, j’aime t’enlacer durant des heures, je sens ta chaleur et ton amour pour moi, même quand tu dors…
Je t’écris mille et un poèmes, et chaque nuit, je vais t’en lire un, jusqu’à ton réveil… Et quand nous serons enfin réunis, me feras-tu l’honneur de devenir ma muse ? Tu l’es déjà, mais je veux que ce soit officiel… Que le monde entier le sache !
Et… Si tu m’ordonnes de me rendre à la police pour mes crimes, je le ferai sans hésiter. Mais seulement si tu me promets d’attendre mon retour. Non… Même si tu ne voudras pas m’attendre, je le ferai.
Tes mots sont des lois pour moi…
Margot…
Ah… J’ai une peur bleue de te perdre… Tu me promets de te rappeler de moi à ton réveil ?
Ça me fait du bien de sentir ta présence près de moi, mais c’est ton sourire, tes yeux et ta voix que je veux voir. Et surtout… Je veux t’enlacer jusqu’à ne plus pouvoir respirer…
Demain, je t’écrirai une autre lettre, un autre poème…
Je ne m’arrêterai jamais.
Jamais.
Tu as ma parole et mon cœur pour toujours.
Ton Audric. »
***
Comment Audric arrivait-il à voir le visage de sa femme bien-aimée, alors que celle-ci ne ressemblait plus qu’à un hideux cadavre décomposé, un squelette sans vie ? Il prenait soin d’elle, la lavait et l’habillait comme si elle était vivante, sans remarquer que son corps fanait telle une fleur des champs. Son amour l’aveuglait-il à ce point ?
Certains expliquaient ce fait ainsi : son amour sincère pour l’âme de Margot lui permettait de voir son esprit. Il ne voyait plus le corps de sa femme depuis bien longtemps, avant sa mort, car il aimait son âme et ne voyait que celle-ci. Ou du moins, sentait la présence de son âme et ne croyait donc pas à sa mort.
Ceux qui croient aux fantômes disent que la belle Margot dormait vraiment près de son corps détruit, accompagnait et rassurait Audric de sa présence, le berçait lorsqu’il dormait. Elle ne pouvait pas laisser son mari désespéré tout seul, et ne l’avait jamais quitté. Toutes ces années, il vivait comme si elle était avec lui. Avait-il senti son absence ? Non. Il était bien trop amoureux pour ne pas remarquer l’esprit de Margot près de lui. Elle n’avait jamais été absente.
Être réuni avec l’âme de sa bien-aimée suffisait à le remplir de joie. Ou peut-être refusait-il de montrer sa tristesse à sa femme ? L’espoir de la voir se réveiller le faisait tenir… Il aurait attendu ce moment avec tant d’impatience si longtemps qu’il en serait devenu fou ? Quoi qu’il en soit, les rumeurs disaient qu’Audric n’avait jamais été seul, et que durant tout ce temps, il vivait avec le fantôme de Margot, et leurs habitudes de couple n’avaient presque pas changé : Audric portait sa femme morte qu’il pensait endormie et lui parlait comme si elle était encore vivante, lui servait le repas, jouait aux cartes avec elle… Et ce, sans jamais la penser morte.
Peu de gens croyaient à cette version, et pourtant, selon les hommes présents au moment du suicide d’Audric, il s’agirait de la vérité. Ils auraient vu une silhouette blanchâtre apparaître aux côtés du tueur, et celui-ci, dans ses derniers instants, a souri avant de tendre sa main vers l’apparition spectrale. Il ne semblait pas avoir peur, au contraire, son visage témoignait d’une joie intense, comme s’il avait vu un ange et non un fantôme…
Alors que l’un des agents de la police fouillait la maison en quête d’indices supplémentaires, il trouva une bibliothèque secrète où il découvrit tous les ouvrages que le tueur, poète dans l’âme, avait écrit. Au milieu des centaines de livres, il trouva une enveloppe dorée. Un poème du XVIIIème siècle y était glissé, écrit en belles lettres manuscrites sur une vieille feuille jaunie par le temps. Après l’avoir lu, il le rapporta au poste de police, les larmes aux yeux. Il ne croyait pas au surnaturel, mais cette lettre le faisait hésiter. Il en fut si ému qu’il décida de croire à l’histoire du couple, même si rien ne put jamais prouver tout ceci.
***
Voici le fameux poème :
- Les deux amants –
"Amour, au-delà de la mort"
« Deux esprits valsaient…
Deux fantômes souriaient…
Deux âmes-sœurs s’enlaçaient…
Un couple heureux d’être réuni.
Sous le clair de lune, ils s’étaient promis un amour éternel.
Pendant la vie, après la mort, la réincarnation, le paradis…
Partout ensemble, se vouant une affection profonde et inconditionnelle.
Un homme à nouveau serein d’être près de sa bien-aimée.
Une femme soulagée de le retrouver.
Comme une mère, elle avait décidé de veiller sur lui.
Tenant la promesse qu’il lui avait faite, il ne l’avait jamais quittée, jamais oubliée.
Deux amoureux transis.
Deux amants l’un contre l’autre serrés.
Deux cœurs battants à l’unisson, chantant une chanson.
Dans leur tombe, leurs corps se tenaient la main.
Dans le ciel, leurs âmes s’embrassaient sans fin.
Tous ces efforts pour se retrouver, rien n’a été fait en vain.
Et dans leur cœur froid, la chaleur brûlait toujours.
Et rien d’autre n’aurait pu leur porter secours à part leur amour. »
***
Qui en était l’auteur ?
Personne ne le savait.
Mais il était évident que le poème contenait une part de vérité…
Y croyez-vous ?
Non ? Et si je vous disais qu’il manquait une partie du poème ?
"Enfin je revois tes beaux yeux ouverts… Je pourrais danser avec toi toute l’éternité, sans jamais me lasser… Ton souffle sur ma peau spectrale, ton sourire invisible aux autres, ta voix que je suis le seul à entendre…"
"Enfin je peux te serrer dans mes bras… J’ai veillé sur toi, tu le sais ? Tout le monde a dû te prendre pour un fou alors que tu cherchais désespérément à me réveiller… Mais je suis là, maintenant. Et je ne te lâcherai plus jamais. Pardonne-moi de m’être endormie si longtemps…"
"Si nous sommes à nouveau séparés, on pourra toujours se retrouver, n’est-ce pas ?"
"Bien sûr ! Même s’il faudra des années."
Et maintenant… Vous y croyez ?
FIN - J'espère que vous avez aimé ma petite histoire, je l'ai écrite il y a quelques années (je viens de finir la suite, c’est-à-dire ce deuxième chapitre), et je la publie enfin ! Je pense bien continuer à écrire des enquêtes (même si celle-ci ressemble plus à une romance surnaturelle qu'à une enquête) ;)