Les sciences humaines sont-elles utiles ?
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Les sciences humaines sont-elles utiles ?
Dans un entretien de Pierre Bourdieu mené par Roger Chartier, le sociologue français disait que « la sociologie dérange, car elle renvoie une image à l’autre qu’il n’aime pas ». On peut en dire autant du reste des sciences humaines et sociales qui sont généralement perçues comme un luxe inutile, pire, du temps mal investi!
Sciences Humaines & Sociales VS Sciences de la Nature
On oppose volontiers les sciences dures, les « vraies », aux sciences humaines et sociales. Ces dernières jouissent d’une notoriété moins forte que les sciences dures, car elles ne bénéficient pas de l’aura de scientificité de la physique, de la biologie ou des mathématiques. Pourquoi cela ?
Prenons le cas de la psychologie. En démocratisant le concept d’inconscient – concept découvert par Schopenhauer – Freud a ouvert, comme il l’annonce lui-même, « la troisième blessure narcissique de l’homme ».
Après Copernic qui découvre que la Terre n’est pas le centre de l’univers, après Darwin qui annonce que nous ne sommes qu’un animal parmi les autres, qui plus est le fruit d’une évolution, Freud met en avant l’inconscient comme moteur principal de l’action humaine.
Alors qu’il se pensait maître chez lui, libre et autonome, l’homme découvre que des pulsions profondes le traversent.
Il en va de même lorsque Bourdieu développe le concept d'habitus. Dans ses travaux, il explique la naissance des structures mentales de l’individu.
Notre mentalité se forme par l’intériorisation de ce qui est à l’extérieur de nous - lieu de naissance, sexe, famille, règles sociales, loisirs, habitudes de consommation, métiers valorisés, relations aux autres, manière de parler, culture collective, vision du monde, idées, valeurs, religion - c’est-à-dire de notre environnement au sens large.
Les ajustements a ces contraintes, permettent à l'individu de se socialiser au sein d'un groupe. La personne le fait de manière spontanée jusqu'à trouver un équilibre entre ses aspirations propres et l'intégration au sein du groupe.
Ce qui permet d'expliquer les similarités d'attitudes, de goûts et de comportements, de façon de réfléchir et d'action propre à une catégorie sociale.
Ce processus s’imprime dans nos têtes de façon inconsciente et automatique.
Ce qui est déterminant dans cette aventure :
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Le capital économique : le patrimoine (biens, logements…) et les revenus.
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Le capital culturel : ensemble des qualifications (diplômes) et des connaissances qui sont valorisées dans une société ou un groupe social donné.
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Le capital social : ensemble des relations sociales et des réseaux de connaissances possédés par un individu ou un groupe.
Les discours sur le monde social
La forte résistance que nous opposons aux sciences humaines et sociales est directement liée à son objet d’étude. Selon Wikipédia, les sciences humaines et sociales étudient les sociétés humaines à travers les cultures humaines, leur histoire, leurs réalisations, leurs modes de vie et leurs comportements individuels.
Le point commun de toutes les sciences humaines est qu’elles abordent un domaine beaucoup plus intime pour nous que les sciences exactes : notre représentation du monde et ses enjeux.
Comment cela se traduit-il ? Si, dans une soirée, vous dites qu' « une étude scientifique a démontré que la stratosphère était composée à environ 2% de particules d’or », cette proposition a de fortes chances d’être acceptée instinctivement. Il y a de l'or au-dessus de nos têtes !
En revanche, si vous dites que « la délinquance a toujours été le fait de populations pauvres et fragiles » il y a des chances pour que quelqu’un vous rétorque « Chacun est libre de ses actes. La justice doit être plus sévère. »
« Tu peux l’faire, j’en suis la preuve »
Booba – Tony Sosa
En sciences humaines, nous nous sentons compétents pour commenter, car nous observons l'objet d'études à travers la lucarne de notre subjectivité. La délinquance et la reproduction sociale relèvent davantage du « déjà-connu » en comparaison avec la théorie de la relativité par exemple.
De là provient l'idée que les sciences humaines tiennent davantage de l'opinion que les sciences dures.
Les sciences humaines n’étudient pas un objet en dur comme un atome ou une plante. La difficulté pour ces sciences, provient du fait qu’elles analysent des systèmes particuliers dans lesquels, les chercheurs.es sont eux-même intégré.es.
Impossible pour lui de se couper de celui-ci pour observer la société de loin. D'où la nécessité de se crééer des outils et des méthodes pour se mettre à distance.
L'illusion de la compréhension immédiate
Nous avons cette tendance à d’abord interpréter le monde à travers nos expériences personnelles. Nous évaluons chaque fait sur une échelle morale en fonction de nos critères culturels et de nos préférences personnelles.
Lorsqu'une interprétation différente nous est proposée, le premier réflexe est de la rejeter.
Cette résistance naturelle, Durkheim l’a nommée « l’illusion de la compréhension immédiate ». Nous croyons tous être sociologues, alors que nous parlons d'un point de vue qui est le notre sur l'espace social.
Cette résistance est d'autant plus forte que nous construisons notre identité sur notre représentation du monde. Nous observons ce qui nous entourent, nous en tirons des conclusions et nous adaptons notre comportement et nos jugements de valeurs .
Pour dépasser cela, il est nécessaire pour les chercheurs.es se forger des outils qui lui permettront de « considérer les faits sociaux comme des choses ».
L’objectif étant, comme dans toutes les sciences, d’atteindre un plus haut degré d’objectivité.
La sociologie nous montre que, derrière les faits sociaux, des mécaniques plus complexes sont en jeu. La philosophie, nous exerce à passer de la théorie à la pratique et inversement. La psychologie effraie, nous ne sommes plus seul à bord. L'histoire met en perspective notre vision court termiste, par la pensée longue. L'économie décrit les gestions possibles des ressources pour un ménage ou un pays.
En soulevant le capot pour observer la mécanique, les sciences humaines challengent le statu quo. Ce qui était convenu ne l'est plus. De nouvelles manières d'agir s'offrent à nous car en fonction du diagnostic, les solutions retenues seront différentes.
Et les solutions que l'on déroule s'appliquent sur le quotidien des hommes et des femmes.
Les sciences humaines dérangent, car elles ont des effets politiques.
Photo de couverture par Simone Pellegrini et photo par S. Ruvalcaba sur Unsplash.
Correctrice: Maëva Debieu
Khalid Jihad il y a 3 ans
Je suis content de ça. Vous m'avez rappelé la première fois que j'ai connu la France. Je suis infirmier palestinien et ma nationalité est jordanienne. J'habite en Arabie Saoudite et j'aime la littérature, la culture et les arts..Ravi de vous connaître .. vous irez mieux parce que vous avez le talent..
Khalid Jihad il y a 3 ans
C'est une chose merveilleuse. Je suis également intéressé par la psychologie, la sociologie et la culture humaine à travers le monde .. Je vous souhaite du succès .. continuez, vous êtes talentueux ..👍👍👍
Julien Guyomard il y a 3 ans
Wow ! Merci ! Vous aussi, je suis très curieux de découvrir la culture d'où vous venez. Je n'en croise pas souvent alors ça m'intrigue d'ouvrir mon horizon :)
Khalid Jihad il y a 3 ans
J'ai beaucoup aimé cet article et nous en avons besoin de plus, et de parler de psychologie et de sociologie..un article spécial..👍👍👍
Julien Guyomard il y a 3 ans
Merci pour ces mots! Je t'avoue que les deux sujets m'intéressent, en particulier la sociologie. J'ai plus qu'à lire pour écrire dessus.