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L'adoption, par un adopté.

L'adoption, par un adopté.

Publié le 21 janv. 2023 Mis à jour le 5 nov. 2024 Bien-être
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L'adoption, par un adopté.

Raconter son histoire ?

C'est l'histoire d'un petit garçon né en Colombie, en janvier 1991. Quelques jours après sa naissance, ce petit garçon a été laissé seul à l'hôpital par sa mère. C'est aussi l'histoire d'un déracinement, comme beaucoup connaissent, où le destin d'une vie peut changer du jour au lendemain, avec toute l'intensité émotionnelle que les changements brusques impliquent.

Déracinement, enracinement, re-déracinement, ré-enracinement, et ainsi de suite, jusqu'à l'ultime point de chute, celui de l'adoption, et de la découverte d'une nouvelle famille, encore. C'est à l'âge de 15 mois que je suis arrivé en France, français, ayant laissé derrière moi (pour un temps) une identité et une nationalité colombiennes.

Chacun a son histoire, chacun vit ses expériences, et c'est dans le partage de ces dernières que nous sommes à mon sens le plus en mesure d'apprendre des uns et des autres. Nul n'a plus de valeur qu'un autre, et nous avons tous à apprendre de chacune de nos rencontres.

Parler de soi reste un exercice compliqué, car comment trouver l'équilibre entre vanité et excès d'humilité ? L'humilité excessive plonge chacun dans son propre oubli, créant alors une forme de refoulement latent de ce qui doit pourtant être exprimé. À l'inverse, la vanité ultime de se considérer comme unique et exceptionnel par rapport aux autres crée un déracinement du quotidien et nous projette dans une autre forme d'oubli de nous-mêmes.

Comment parler de soi ? Comment raconter ce qui nous anime dans notre histoire, sans tomber dans les extrêmes ?

Des considérations sur l'adoption

Je ne vais pas vous raconter toute mon histoire. Je ne vais pas aller dans l'ultime détail qui à date reste quelque chose qui m'est personnel. Une forme d'humilité, entre autres. Ou peut-être ne suis-je pas encore prêt. Pour autant, je vais vous partager ce que je pense de l'adoption, de mon adoption, de ma vision.

Une constante ambiguïté

Être adopté, c'est vivre à double sens tant la question de l'identité est bousculée.

L'émotionnel, le culturel, le relationnel... tout ce qui fait l'essence même d'un être humain se voit bousculé par des changements brusques. Quelle place prendre dans une famille lorsque celle-ci n'intègre pas la variable biologique ? Si l'amour n'est pas systématiquement dans les gênes, il se trouve manifestement dans le coeur. Tout le monde le sait, mais tout le monde ne le vit pas de la même manière. Recevoir de l'amour est une tâche bien plus rude que de le donner. Et l'adopté le sait, et c'est tout au long de sa vie qu'il tente de jongler tant bien que mal avec la puissance de l'Amour.

Un rejet ?

Dans abandon, il y a don.

Longtemps, l'adopté se questionne sur sa propre existence en tant que laissé pour compte. Longtemps il scrute au plus profond de son être le pourquoi du comment et le comment du pourquoi. Abandonné, rejeté, ou bien sauvé ? Car au fond, lorsqu'un parent, et plus précisément une mère, décide de laisser ce qu'il lui est le plus cher/chair, n'est-ce point par lucidité sur un avenir qu'elle ne peut assurer ?

Alors non, il ne me semble plus que l'adoption se conjugue par un rejet initial, mais par un acte d'amour des plus difficiles qu'il soit. Pourtant, nombre d'enfants adoptés cultivent cette forme de rejet, et se refusent à toute forme d'amour. "Suis-moi je te fuis, fuis-moi je te suis". Telle pourrait être la phrase avec laquelle grandit une partie des enfants adoptés. À mesure que l'Amour de quelqu'un s'approche dangereusement de lui, il n'est d'autres possibilités que de le rejeter. À quoi bon être accepté lorsque notre vie commence par être rejetée ?

Suis-moi je te fuis, fuis-moi je te suis.

Et pourtant, si l'on perçoit l'Amour comme étant "donner une autre chance à son enfant", nous pourrions concevoir toute la beauté qui s'y cache. Un Amour inconditionnel que l'enfant adopté peut à la fois recevoir et donner. Ne demande à quelqu'un que ce qu'il est en mesure de te donner, et ne donne à quelqu'un que ce qu'il est en mesure de recevoir. Que dire de l'Amour de l'enfant adopté ? Il a tant à donner, tant à recevoir. Comme tous les enfants, oui, à cette différence que la définition de l'amour sera différente. Il n'existe pas d'unique vérité, que des perspectives. Ainsi, "il n'existe pas d'unique façon d'aimer, que des sensibilités".

Il n'existe pas d'unique façon d'aimer, que des sensibilités

Non, l'adoption n'est pas un rejet, c'est un don. J'imagine que tout le monde devrait accepter ce qui arrive comme une opportunité de transformation. Rejetez un problème et vous en deviendrez son esclave. Embrassez-le et vous vous transformerez. Je me suis transformé, et je continue ma transformation, chaque année, chaque semaine, chaque jour, chaque seconde... Et je souhaite à toutes les personnes, adoptées ou non, de prendre le pas de cette transformation.

Rejetez un problème et vous en deviendrez son esclave. Embrassez-le et vous vous transformerez.

Altérité et normalité

Pour l'enfant adopté, il semble que l'autre soit un sujet d'expérience. Encore plus s'il n'a pas été adopté. Structure familiale, fraternité, parents biologiques... Comment l'autre se comporte lorsqu'il n'a pas été adopté et que tout semble "normal".

La normalité.

Un vrai sujet pour l'adopté. Qu'est-ce qu'être normal ? Si je ne suis pas comme l'autre, suis-je alors forcément anormal ? La définition de la normalité pour l'enfant adopté se mélange facilement avec celle de la tolérance et de l'acceptation de l'autre. Ou pas.

Encore une fois, tout dépend de la lecture de la vie par l'enfant adopté : tare, ou opportunité ?

Si je ne suis pas comme l'autre, suis-je alors forcément anormal ?

Grandir en tant qu'adopté est fascinant. Grandir tout court d'ailleurs. Devenir est autre chose. Pour le coup, je vais vous raconter ce qui, je pense, a été un moment charnière de ma vie. C'était en primaire, lorsque j'avais environ 6 ans. Mes parents m'ont toujours dit que j'avais été adopté, ce dont je ne peux que les remercier. Seulement, fier de ma situation, limite orgueilleux, je ne m'en cachais pas. Et puis un jour, avec toute l'innocence et la brutalité de l'enfant, un de mes camarades me pose LA question : c'est qui tes vrais parents ?

C'est qui tes vrais parents ?

Des vrais parents ? Il existerait alors de faux parents ? Qui donc dois-je appeler "papa" ou "maman" ? Mes parents ou les autres ? Les autres ou mes parents ? À noter par ailleurs que si j'ai des traces administratives d'une mère biologique,  le côté masculin de ma création rime avec néant et consternation. Case vide sur le registre de naissance biologique. Car oui, j'ai un autre registre de naissance : adoptif. Je n'ai donc qu'une mère biologique et un non-père biologique. Nul ne manifeste autant sa présence que par son absence. Lourde, pesante, lancinante, des années m'ont été nécessaires pour me réconcilier avec l'inconnu, l'homme comme le concept. C'est certainement pour cela que je dédie ma vie à aider les autres à embrasser l'inconnu et danser avec l'incertitude. Car aujourd'hui, j'aime l'incertitude, j'aime l'inconnu et je n'ai plus peur.

Il existerait alors de faux parents ?

Identité biologique, identité administrative

En Colombie, avant juillet 1991, lorsque vous êtes adopté, vous perdez la nationalité colombienne. Ce n'est que 26 ans plus tard que je décide de récupérer ce que je considère comme un dû : ma nationalité colombienne. De sangre colombiana y de cultura francesa. (De sang colombien et de culture française). La dualité parfaite. Qu'est-ce qui existe de pire que de voir la vie avec les lunettes de la dualité, de l'opposition, des contraires ? Ne pas la voir du tout j'imagine.

Qu'est-ce qu'il y a de mieux ? Dépasser cette dualité, et vibrer avec la beauté des contraires qui fusionnent. Longtemps j'ai été peiné de ne pas avoir cet accent colombien dans mon espagnol. Longtemps je l'ai regretté. Aujourd'hui je m'en amuse, avec le luxe de pouvoir adapter mon intonation au gré du public avec lequel j'échange.

Pourquoi parler de l'accent et de la langue ? Simplement parce que j'estime que le langage constitue l'une des formes les plus puissantes de l'héritage d'une culture, et par extension de son identité. De son identité. Aussi cette identité a longtemps été uniquement française, avec la culture qui va avec, les bons aspects comme les mauvais.

Des années durant, ayant laissé derrière soi nationalité, prénom, noms colombiens, une chose rogne l'adopté au quotidien. Il a ce besoin de récupérer ce qui lui appartient. Et quel autre besoin que celui de l'identité ? C'est ainsi que 26 ans après, pour la première fois, je retourne en Colombie, récupérer ce que je considère comme m'étant dû.

De l'orgueil à l'humble fierté, je vis désormais avec 2 passeports et deux cartes d'identité. Je croque la vie à pleines dents avec comme unique volonté, celle d'accompagner les autres à trouver le chemin de leur destinée.

Identité, origine, accomplissement

Je pense que la vie de l'adopté n'a rien de plus exceptionnel que celle du non-adopté. Au fil de mes rencontres, j'ai perçu un schéma de vie qui n'est pas plus destiné à une population qu'à une autre. Ce schéma, c'est celui de la quête de l'identité grâce au retour aux origines. Pour autant, force est de constater que l'enfant adopté, cultivant une forme de dualité dans l'existence (amour/rejet, intégration/séparation, culture 1/culture 2...) semble être en mesure d'apporter une perspective différente et de grande aide à toute personne se questionnant sur l'identité. Le retour aux origines de l'enfant adopté implique nécessairement la question sur une identité parentale qui n'est pas celle qu'il vit au quotidien.

Construire une identité avec un début d'existence marqué par l'inconnu, l'incertitude, génère une forme de doute constant. Un doute qui anime et qui ronge plus ou moins selon que l'enfant adopté prend conscience de sa condition. À cela j'ajouterai les mots de Nietzsche : ce n'est pas le doute qui rend fou, c'est la certitude.

Être certain de ses origines semble être une situation confortable : partir avec toutes les règles du jeu de l'identité. Pourtant, n'est-ce point là un piège qui dans le pire des cas pourrait créer une forme de bulle qui s'auto-entretient ? Encore une fois, il n'y a pas de meilleure situation, uniquement des alternatives. L'essentiel, selon moi, c'est de se sentir en phase avec sa propre situation, quand bien même cela peut être compliqué.

Pourtant, l'existence est simple. Nous vivons sans forcément l'avoir décidé et une fois arrivés, nous devons avancer. Aussi nous devons apprendre au fil du temps à conjuguer le passé avec le présent et le futur. Imaginer le futur souhaité en tirant profit des leçons du passé. Et surtout, agir en pleine conscience ici, maintenant, au présent.

Ce n'est pas le doute qui rend fou, c'est la certitude

F. Nietzsche

Deux des questions que tout humain est amené à se poser un jour sont :

- Qu'y a-t-il après la mort ?

- Qu'y avait-il avant le temps ?

Toute notre vie nous expérimentons à tâtons ce qui dessine une identité, qui se renforce au fil des années. Je pense que nous apprenons pour transmettre. Aussi je souhaite au fond de moi transmettre ce que je peux, qui plus est à celles et ceux en quête de sens, et plus encore, en quête d'identité.

L'art, moyen d'expression ultime ?

La créativité, et sa manifestation par l'œuvre, permet de sortir ce qu'il y a de plus profond en nous, grâce à la transformation des émotions. Que nous utilisions le dessin, le chant, la danse, la musique, la peinture... Il n'y a pas de meilleur moyen, de la même manière qu'il n'y a pas de meilleur humain.

C'est par la musique que j'ai choisi de parler de l'adoption, telle que je l'ai vécue, la vis, et l'envisage. Une chanson, dont le texte est rédigé en espagnol. Le plus fou, c'est la rapidité avec laquelle la composition s'est invitée dans mon esprit, et s'est exprimée sur un clavier par écrit. Aussi, et pour terminer ce témoignage, voici les paroles en espagnol, accompagnées d'une tentative de traduction ajustée pour les rimes, et le lien pour écouter la musique si vos oreilles le tolèrent.

Merci

Merci. 5 lettres qui signifient tellement. La gratitude est la meilleure alliée de l'enfant adopté. De tout le monde d'ailleurs. La gratitude, c'est le moyen d'embrasser la vie dans ses merveilleux moments comme dans les pires. Tout au long de nos vies nous rencontrons des personnes de qui nous apprenons. Aussi, il me semble fondamental de savoir remercier. Et qui remercier plus que mes proches, ma famille, pour m'entourer depuis tout ce temps, ainsi que peut-être une bonne étoile qui continue de me guider ? À vous tous je vous aime.

Soyez heureux, et merci.

Paradigmatiks

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De Colombia hasta Francia sur Soundcloud.

De Colombia hasta Francia / De Colombie en France

Aqui estoy, aqui yo soy / Ici je suis, ici je suis

No me conoces, no sé quien eres / Tu ne me connais pas, je ne te connais pas

Aunque no me lo pides, quiero que me escuches / Même si tu ne me le demandes pas, écoute moi

Así empieza, lo que llaman historia / Ainsi commence ce qu’ils appellent une histoire

Y te voy a contar, mucho de mi vida / Et je vais te raconter la mienne pour voir

 

3 de enero, aquel dia nació / 3 janvier, ce jour-là est né

Un pequeñito hijo que fue abandonado / un petit garçon ayant été abandonné

15 meses pasaron, y me encontraron / 15 mois passèrent, et ils me trouvèrent

Dos amantes, dos diamantes, y me adoptaron / Deux amants deux diamants, et ils m’adoptèrent

 

En el espejo, me estoy mirando / Dans le miroir, mon regard se fige

Con esta puta pregunta de quien soy yo / avec cette p*tain de question : qui suis-je ?

Perdido en dos mentes y dos identidades / Perdu dans deux esprits, deux identités

Como entender y como aprender a ser / Comment comprendre et comment accomplir ma destiné

 

Si quieres caminar no puedes abandonar / Si tu veux avancer, tu ne peux pas abandonner

La vida est un reto, un gran desafío / La vie est un défi, un grand combat

Con fuerza y esperanza, amor y alegria / Avec force et espoir, amour et joie

Por mucho que me cuesta, mantengo la marcha / quand bien-même cela m’est difficile, je continue d’avancer

 

No me siento solo, en este camino / Je ne me sens pas seul sur ce chemin

Encontré a alguien, tanto precioso / J’ai rencontré quelqu’un, tellement précieux

La quien no juzga cualquiera que sea / Celle qui ne juge pas quoi que ce soit

Y que solo te pregunta si tu gusta / et te demande seulement si ça va

 

Alojada en mi mente, como en mi corazón / Ancrée dans mon esprit comme dans mon coeur

Semejante una conciencia de la razón / Telle une conscience de la raison du bonheur

Mi cariña preciosa me sigue ayudando / Ma tendre ma précieuse continue de m’aider

Para que pueda creer en quien soy yo / pour que je puisse croire en qui je suis et exister

 

Secretos escondidos, quien somos nosotros? / Secrets cachés, qui sommes-nous ?

Personas perdidas buscando respuestas / Des êtes perdus cherchant des réponses

Toda la vida encontraré un par de ellas / Toute la vie j’en ai rencontrés

Para disfrutar de sus experiencias / Pour apprendre de leurs expériences

 

En este mundo no tiempo para padecer / Dans ce monde, pas le temps de souffrir

Siempre trabajando y llegar a ser / Toujours à travailler pour enfin devenir

Disfrutar gozar y sobre todo amar / Profiter, profiter et surtout aimer

Para que todo juntos lo podamos superar / pour que tous ensemble nous puissions nous surpasser

 

Sigo caminando por este camino / Je continue de marcher sur ce chemin

Pensando como dibujar mi futuro / Pensant comment dessiner mon futur incertain

Trazar me vida de niño adoptado / Tracer ma vie d’enfant adopté

Es lo que considero como el mejor regalo / est ce que je considère comme le meilleur qui m’ai été donné

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