Pendant des générations et des générations, les panthères ont vécu sur les mêmes

lieux, avec les mêmes paysages. Mais, depuis que le Mur de Brume s’est dissipé,

elles entrent dans un nouveau monde. L’immensité de la terre d’Ethélys reste encore

à découvrir, et cela enthousiasme les panthères.

Comment ne pas être fasciné par un univers complètement inconnu ?

Elles voudraient tout explorer, tout de suite.

Pour les rappeler à l’ordre, Férus pousse un profond rugissement. Son cri résonne

à travers Ethélys. Son courroux terrorise même les panthères. Son œil gauche,

brillant de mille feux, parcourt le moindre détail du nouveau décor qui s’offre à lui.

Après quelques instants d’observation, Férus finit par apercevoir, sur le plateau de

la colline de St Bernard, de nombreuses silhouettes. Il peine à les distinguer, mais

pour lui, ce sont certainement des ennemis… Quelles sont ces créatures ?

Soudain, l’air est percé de petits projectiles, qui fusent tout autour de lui. Ces

munitions sont des croquettes, tirées par le sniper d’un tireur d’élite. L’attaque

provient de la colline de St Bernard, cela ne fait aucun doute. Férus est la cible d’un

adversaire, posté là-bas. Bien qu’il ne soit pas atteint par les projectiles, le fauve

commande à son armée de panthères de passer à l’action.

Tout le groupe de panthères se divise. Une trentaine d’entre elles forme un

bataillon prêt à attaquer.

Toutes les autres panthères accompagneront Férus durant son cheminement.

Pendant ce temps, le bataillon partira à l’assaut de ses adversaires. Suite aux

grognements de Férus, les panthères obéissent et se séparent. Sans attendre plus

longtemps, le bataillon se met à courir vers la colline de St Bernard.

— Par la moustache de Saint Sacapus ! jure l’Amiral Cabos, à bout de nerfs. Je

n’ai même pas réussi à l’atteindre ! Je ne loupe jamais ma cible, pourtant…

— Allons, Amiral, nous sommes beaucoup trop loin ! rassure Falcon-Dog. Il est

impossible de le toucher. Mais, au fait, comment avez-vous reconnu Férus ?

— Grâce à son œil, aussi lumineux que du magma. On le repère à des kilomètres !

En plus de ça, c’est la plus énorme de toutes les panthères.

« En effet, même depuis la colline, on le reconnaît facilement… pense FalconDog tout en observant Férus. Mais il y a quelque chose de particulier, chez lui. Il me

rappelle quelqu’un, j’ai l’impression… »

Cabos est en rage. Il se tourne en un éclair vers les loups sacrés, qui se tiennent

derrière lui. Eux aussi sont prêts à se battre : ils poussent des grognements,

retroussent leurs babines, laissent apparaître leurs crocs tranchants. Leurs nerfs sont

tendus, leurs muscles sont gainés. Leurs yeux scrutent toutes ces panthères, qui se

précipitent vers eux à toute vitesse. Leurs oreilles n’attendent plus qu’un signal pour

partir à l’attaque.

Toujours sur le dos des membres de la Meute sacrée, les équipiers sont tous

immobiles, tous craintifs… sauf l’Amiral Cabos. Lui seul attend ses adversaires avec

un désir ardent de se venger. Mais ce n’est pas lui qui doit donner le signal. Quand

les panthères commencent à gravir la colline du St Bernard, le Père de la Meute

sacrée pousse un hurlement puissant, repris en écho par tous les autres loups. Le

signal est donné.

Les deux camps opposés se précipitent l’un vers l’autre. Les loups comme les

panthères courent avec une vélocité remarquable ! La colline du St Bernard tremble

sous leurs pas. Des rugissements et des grognements de bêtes sauvages percent l’air.

Au moment où les deux forces ennemies se rencontrent, le temps s’arrête. Un instant.

À peine la première panthère a-t-elle craché son souffle enflammé qu’un loup lui

saute à la gorge. Chaque agresseur se fait agresser à son tour. Il pleut des flammes,

sur ce vaste champ de bataille que le brouillard a englouti. La création de brume par

les loups leur procure un avantage… mais les panthères la dissipent vivement avec

leur feu… mais les canidés en ont profité pour les prendre par surprise… mais les

terribles griffes tranchantes des fauves contre-attaquent aussitôt… mais les pouvoirs

de guérison de certains loups sacrés soignent leurs blessures…

Ni les uns, ni les autres ne conservent l’avantage suffisamment longtemps. Ni les

uns, ni les autres ne laissent apparaître la moindre faiblesse. Le combat fait rage et

des créatures meurent, mais aucun des deux côtés ne parvient à surpasser l’autre. Ce

n’est pas le cas, en revanche, du côté de l’équipe de la Révoltruffe. Falcon-Dog ne

s’est jamais montré aussi puissant ! Ses murs de glace parent le moindre coup

ennemi. Dès qu’une panthère menace un équipier avec ses flammes, c’est la glace

qui le protège aussitôt. Loin du souffle glacé, son nouveau pouvoir lui offre

beaucoup plus de possibilités. Désormais, Falcon-Dog ne se limite plus à de simples

« plaques » de glace, semblables à des vitres : il parvient à créer des formes

différentes ! La glace est devenue une véritable extension de son corps. Soudain, un

fauve se précipite furtivement dans son dos. En une seconde, Falcon-Dog se retourne

et, comme s’il frappait l’air, génère un pic de glace !

Cette stalagmite, immédiatement sortie du sol, embroche son ennemi en plein

saut. Surpris d’avoir réussi un tel exploit, le super-chien contemple ses pattes avant,

en écarquillant ses grands yeux comme s’il découvrait son corps.

— Je sais faire ça, moi … ? murmure-t-il, pour lui-même.

L’énorme pic de glace, presque plus haut que lui, est aussi pointu et tranchant

que le sabre d’excellence de Lisa. En pensant à son amie, Falcon-Dog se retourne et

la cherche du regard. Impossible de la repérer, parmi toutes les innombrables bêtes

sauvages qui s’affrontent…

Soudain, ses yeux s’arrêtent sur une panthère, qu’il croit avoir déjà vue. La haine

s’empare de lui en quelques instants. « La panthère noire ! se dit-il, avec colère.

C’est de ta faute, si Mentalos a perdu connaissance ! Je vais te… ! » Animé par un

mélange de rage et de tristesse, Falcon-Dog se lance à la poursuite de la panthère

noire. Cette course les emmène loin du champ de bataille. Même si le super-chien

dévale rapidement la colline du St Bernard, il lui est impossible de rattraper la

panthère noire… Sauf que Falcon-Dog n’abandonne jamais.