Widad Amra : de la Palestine à la Martinique, le parcours engagé d’une poétesse des cultures
Sur Panodyssey, tu peux lire 10 publications par mois sans être connecté. Profite encore de 9 articles à découvrir ce mois-ci.
Pour ne pas être limité, connecte-toi ou créé un compte en cliquant ci-dessous, c’est gratuit !
Se connecter
Widad Amra : de la Palestine à la Martinique, le parcours engagé d’une poétesse des cultures
Il était une fois une femme répondant au doux prénom de Widad, qui, en arabe classique, signifie "Amour". Née en 1949 en Palestine, elle était le fruit d'une union empreinte d'amour entre une mère martiniquaise, Denise, et un père palestinien, Mohamed.
Une vie entre deux cultures
Widad a grandi dans une fratrie de dix enfants, baignée dans un environnement familial riche en diversités culturelles. Dès son plus jeune âge, elle a fait l'expérience de voyages entre la Martinique et le Moyen-Orient. À l'âge de dix ans, elle s'est retrouvée en Cisjordanie, et pendant son adolescence, elle a passé quatre années au Liban. Son père souhaitait que ses enfants s'imprègnent à parts égales de la culture arabe et de la culture antillaise. Pendant cette période, Widad a résidé dans un internat français à Beyrouth, tandis que certains de ses frères étaient inscrits dans un internat jésuite en périphérie de la ville et que d'autres étaient à Jérusalem. Malheureusement, la guerre des six jours en 1967 a durement frappé sa famille, et Widad a dû passer son baccalauréat sans nouvelles de ses frères et de ses grands-parents. Ce fut une épreuve douloureuse pour la jeune fille, mais heureusement, ses petits frères ont été retrouvés quelques temps après.
Cette épreuve marquante a profondément influencé Widad et sa famille. À partir de l'âge de 20 ans, elle a embrassé un engagement passionné pour la libération et la paix en Palestine avec son frère Alain. Malgré les séquelles de la guerre des six jours, qui l'ont poussée à abandonner ses études de médecine, Widad a trouvé la force de se reconstruire. Elle a repris ses études de Lettres à l'université de Bordeaux en 1970, où elle a brillamment obtenu sa maîtrise. L'écriture est devenue une véritable thérapie, un exutoire salvateur pour elle. Après avoir terminé ses études et s'être mariée, elle est retournée en Martinique, pour guérir ses blessures.
En tant que professeure de français à Fort-de-France depuis 1972, Widad a trouvé sa vocation dans l'enseignement. Elle trouvait un profond plaisir à transmettre ses connaissances et à recevoir l'énergie de ses élèves. Mais ce n'était pas seulement dans les salles de classe qu'elle laissait s'exprimer sa passion. Widad passait des heures entières à écrire, laissant les mots couler de sa plume comme une véritable thérapie. Elle écrivait non seulement pour elle-même, mais elle mettait également son talent et sa passion au service des autres, notamment en militant pour la paix. Ses recueils poétiques tels que Regards d'errance : drive poétique, "Salam, Shalom" et “Le souffle du pays: Nabd El Jazirah” ont vu le jour, et elle a composé près de quarante chansons, donnant ainsi vie à ses mots à travers la musique.
Une militante pour les droits humains et la paix à travers la poésie et l'éducation
Au-delà de son rôle d'enseignante et d'écrivaine, Widad s'investit pleinement dans la défense des droits humains. Elle reste profondément concernée par les problèmes qui touchent sa terre martiniquaise, croyant fermement que résoudre efficacement les problèmes sociaux tels que l'illettrisme, le manque d'eau, le chômage et le coût de la vie élevé permettra à son peuple de trouver la tranquillité nécessaire pour se consacrer à la recherche de son histoire effacée et à la construction d'un avenir meilleur.
L'identité métissée de Widad se reflète dans son travail, à la fois poétique et engagé. Sa plume explore les questionnements profonds, les contradictions, les silences, la révolte, l'amour et le refus de l'isolement. Inspirée par la beauté de l'île aux Fleurs, elle exprime à travers ses écrits les espaces de solitude, de respiration, de silence et de méditation, tout en criant de joie, d'extase, de révolte, de désobéissance, de peur et d'espoir.
Grâce à son parcours personnel et son engagement sans relâche, Widad incarne plus que jamais la puissance de l'écriture, de l'art et de l'éducation pour promouvoir la paix, la liberté et la justice. Sa poésie et son dévouement envers les autres témoignent de sa volonté profonde de contribuer à un monde meilleur, où la voix des laissés-pour-compte serait entendue et respectée.
Fun amusant : Si Widad est de nature discrète, cela ne l'empêche pas de laisser échapper quelques notes de sa voix suave et mélodieuse.Tu peux donc l'entendre chanter ici : An ti tendress, Ti manmay, Boug fou.