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Nicolas de Staël, Le Dernier Concert

Nicolas de Staël, Le Dernier Concert

Publié le 26 sept. 2025 Mis à jour le 26 sept. 2025 Arts
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Nicolas de Staël, Le Dernier Concert

J’ai 15 ans la première fois que je rencontre Nicolas de Staël. C’était aussi la première fois que j’allais au Centre Georges Pompidou. Je ne me souviens plus de l’exposition que j’étais venue voir ce jour-là, mais je me souviens m’être arrêtée dans la librairie du centre. C’est là que j’ai aperçu le rouge sanglant de la couverture d’un livre : Rouge Majeur, écrit par Denis Labayle. Je ne me pose pas de questions, la couverture suffit à me convaincre. J’ai 15 ans.


Pourtant, ce qui aurait pu être un geste futile a été à l’origine d’une des plus belles histoires d’amour artistique de ma vie. La rencontre avec un peintre, disparu depuis 60 ans à ce moment là, qui a bouleversé chacun de mes sens par la sincérité de son trait et déchiré mon cœur par l’inassouvissement de sa quête.


Revenir sur Nicolas de Staël, c’est se confronter à sa quête frénétique d’une harmonie introuvable. Pour en saisir l’essence, il faut revenir en mars 1955. Trois jours, du 14 au 16, les derniers de sa vie, suffiront à faire naître l’œuvre la plus énigmatique de son siècle : Le Grand Orchestre.

Peindre la Musique

Le 5 mars 1955, il est 17h30 et le peintre assiste à l’œuvre orchestrale d’Anton Webern, dirigée par Herman Scherchen au Théâtre Marigny. Sur le programme qu’il tient entre ses mains, il griffonne : « Violons rouges, rouges / ocre feux transp. »


Du rouge, il en recouvrira le ciel entier de cette salle de concert. Un rouge sanglant qui hypnotise, intrigue, aspire. Un vide, peut-être ? Qui engloutit pourtant tout le tableau dans son aplat vermillon écarlate, comme un grand rideau de scène.



Au premier plan, à gauche, la lourdeur du piano nous fait entrer dans le tableau, saisissant d’emblée notre regard. Ses touches blanches et noires se confondent avec les partitions et les pupitres aux nuances rosées, blanches, grises de l’orchestre. Les partitions nous font face, nous regardent, semblent presque nous prendre à témoin. Sur la droite, une contrebasse ocre en forme de poire monte jusqu’au sommet de la toile.


C’est finalement 21 mètres carrés de couleurs sonores que nous donne à voir cette toile monumentale de 6 x 3,5 mètres, aujourd’hui abritée au Musée Picasso à Antibes. Le Grand Orchestre, ultime œuvre de Nicolas de Staël, est peinte en trois jours, du 14 au 16 mars 1955, dans une urgence vitale de faire parler les partitions. Durant ces trois derniers jours, il tente d’atteindre sa vision de l’harmonie : celle de la résonance des couleurs. Le Grand Orchestre est une œuvre synesthésique, et chaque coup de pinceau une vibration.


L’ultime Corps à Corps

« Je suis triste quand je peins et sais d’avance ne pas être compris. »

Nicolas de Staël à Charlotte Fricero, 1936


Nicolas de Staël n’a alors qu’une vingtaine d’années, et déjà une grande clairvoyance sur son art. Il comprend très tôt qu’il existe, entre son désir d’expression et la compréhension de l’autre, un fossé. C’est peut-être cette acuité qui alimentera tout au long de sa vie son inépuisable insatisfaction, le poussant à détruire autant d’œuvres qu’il en a créées.


Hanté par cette sensation d’inassouvissement, tiraillé par une urgence vitale de s’exprimer, il peindra toujours furieusement, frénétiquement, dans une quête de perfection. Mais lui-même l’avouera à son marchand Jacques Dubourg, avant son dernier coup de pinceau : « Je n’ai pas la force de parachever mes tableaux. »


Lorsque l’on parle du Grand Orchestre, on évoque souvent une œuvre inachevée, peut-être parce qu’elle semble contenir en elle l’explication de son geste ultime. On devine, dans ces trois derniers jours précédant son saut dans le vide, un corps à corps brûlant avec la toile. Elle incarne avec une étrange précision la quête impossible de conclure son œuvre, interrompu dans le vertige de sa fin.


J’avais 15 ans quand le rouge de Staël s’est imposé à moi. Aujourd’hui encore, il résonne comme une note suspendue, un accord qui ne se referme pas. Le Grand Orchestre est peut-être son œuvre la plus accomplie : non parce qu’il atteint l’harmonie, mais parce qu’il nous invite à l’entendre en nous.



« L’espace pictural est un mur, mais tous les oiseaux du monde y volent librement. A toutes profondeurs »


Nicolas de Staël à Pierre Lecuire, décembre 1949



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