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Jardin de réhabilitation

Jardin de réhabilitation

Publié le 25 mars 2021 Mis à jour le 25 mars 2021 Environnement
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Jardin de réhabilitation

« C'est beau un jardin qui ne pense pas encore aux hommes. Cette citation est extraite d’une œuvre du XXe siècle. Pouvons-nous la comprendre ? La conceptualiser, à la limite, mais la comprendre, intrinsèquement ? Pouvons-nous comparer nos aires d’acclimatation et nos zones d’études reconstituées d’après simulations à leur expérience d’une nature primordiale ? Pouvons-nous soupçonner l’impact, sur notre sensibilité, d’un environnement qui s’écarterait du tuteur de la science ? L’heure du bilan sonne : reste-t-il, quelque part, dans notre société, un germe vierge de nature, un dernier lambeau sauvage ?

Quand on voit avec quelle brutalité la politique d’assimilation de nos prédécesseurs s’est acharnée, on doit se rendre à l’évidence : rien n’a survécu à l’embrassement total de la Corporation. Les objets stellaires réduits à l’état de poussière par la surexploitation, les peuples déportés, les guerres pour l’eau, l’esclavage humain et animal, la désertification, la contamination radioactive, les pandémies, le bioterrorisme, la répression armée, les dérives sectaires, le suicide et les extinctions de masse sont autant de fléaux qu’ont subi les dernières générations.

Depuis nos stations orbitales, nous nous sommes habitués à contempler la face crayeuse de nos planètes mères. Nos yeux restent secs, mais nos cœurs pleurent le monde des hommes d’autrefois. Nous nous promenons désormais à travers leurs témoignages comme dans un jardin de légende.

Ne vous y trompez pas : si je vous invite à vous recueillir avec moi, ce n’est pas pour rester prostrés sur le passé, mais pour accueillir avec intelligence l’avenir qui se profile. Chaque civilisation possède son histoire, ses valeurs, ses idéaux et ses regrets, qui en guident le mouvement. Vous avez prouvé qu’on peut s’affranchir du passé ; par le vote, vous avez confié vos espoirs entre les mains des écologistes. Vous avez fait de moi votre représentant, certes, mais vous avez surtout initié un projet de civilisation neuf.

Une note de tête s’est imposée durant ma campagne : une société saine dans un environnement sain. Je suis persuadé que les êtres vivants sont intimement liés à leur environnement. Aussi le monde de nos ambitions ne pourra s’élever qu’à condition de reconstituer un milieu dans lequel nous pourrons vivre sans péril, et duquel nous pourrons emprunter les ressources essentielles à notre subsistance. C’est le défi du millénaire.

La reconstruction environnementale est la pierre angulaire de mes futures mesures, autour desquels gravitent des objectifs pragmatiques à moyen et long-termes : calmer les zones de tensions, repriser le tissu sociétal, restructurer notre économie pour la faire passer en décroissance et assouplir le pouvoir fédéral.

L’heure n’est plus à dire, mais à faire.

Je vous propose de démarrer un vaste programme de réhabilitation écologique. Si les hommes ont été assez ingénieux pour créer des déserts où même les cafards disparaissent, qu’ils utilisent leurs ressources pour ressusciter leurs planètes ! Tout n’est pas perdu : la vie demeure, endormie, dans les couches profondes de la terre. Des écosystèmes microbiens, qui, couplés à notre technologie et à un environnement net, amorceront la renaissance ! Nos scientifiques travailleront sans relâche pour façonner une nature nouvelle. Ils produiront les graminées qui absorberont les rayonnements ionisants, les procaryotes qui filtreront les ruisseaux, les particules qui assainiront l’air, les bactéries qui nourriront la terre, et bien plus encore.

Au sol, nous avons besoin de main-d’œuvre pour délimiter les premières ères d’ensemencement et nettoyer la surface. Les rayonnements sont encore trop forts pour que nous puissions entièrement mécaniser notre effort. Parce que nous n’avons pas d’alternative, notre action ne souffre d’aucune demi-mesure. J’ai donc décidé de faire de nos prisonniers nos premiers jardiniers. Je ne vous le cache pas, le travail sera pénible ; ils gagneront leur liberté au meilleur prix qui soit. À la société reconnaissante, le pardon.

Jusqu’à présent, l’humanité entière était prisonnière de sa sauvagerie. Nous en affranchirons en rinçant la surface contusionnée de notre terre, en pansant les meurtrissures de nos aïeuls, et en souffrant, en juste retour de bâton, pour que chaque mort nous ancre davantage à la terre et nous apprenne à la chérir.

Réhabilitons la nature, la nature vous réhabilitera. »

Orlov Magnussen, Discours d’intronisation : Génération réhabilitée

 

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