Intervention nocturne

La capitale était éclairée de torches assez distantes les unes des autres. Leur lueur permettait tout de même de voir les mouvements alentours, sans netteté toutefois. Il s'agissait donc de se déplacer naturellement, seul ou en groupe, en papotant de tout et de rien.

Le plan était, en effet, à l'exact opposé d'une mission demandant de la furtivité et de ne pas être repéré. Il fallait afficher suffisamment de détente et de paix intérieurement comme extérieurement, sans trop attirer l'attention. Les prisonniers étaient très stressés mais jouèrent le jeu car ils voulaient vraiment s'enfuir avec leurs amis.

Le point de ralliement était à la fontaine, mais chaque groupe allait partir vers un village voisin et repartir quelques heures plus tard vers le lieu de rendez-vous, pour éviter la situation suspicieuse d'un nombre très important de personnes allant ensemble vers la frontière, au même moment.

Du côté d'Alisk, tout se passait à merveille. Ils se déplacèrent en riant, Alisk avait plein de blagues à raconter aux Valstromiens, qui n'en connaissaient aucune et il en était ravi ! Il sélectionnait celles qu'ils pouvaient comprendre, en ne connaissant rien du vaste monde. Les vigiles regardèrent amusés, ce groupe de fanfarons passer et retournèrent vaquer à leurs occupations.

Angelisk avait plus de mal à plaisanter, elle aurait préféré une mission de furtivité. Elle raconta donc plutôt comment ils en étaient arrivés là. Elle n'osait pas trop élever la voix alors les vigiles s'approchèrent du groupe, un peu suspect, pour savoir où ils allaient. Elle répondit qu'ils allaient à Promenance, le petit village voisin. Ils virent qu'ils connaissaient la région et les laissèrent partir.

Brissage opta pour du silence et un pas décidé. Ils furent arrêtés de même, donnèrent le nom du village proche, dans leur direction, et dirent qu'ils formaient un groupe d'écoute des bruits nocturnes et du calme de la nuit, qu'ils apprenaient à apprécier à sa juste valeur. Ils furent pris pour des illuminés et on les laissa poursuivre leur route.

Fortevent plaisantait avec ses protégés, comme Alisk, mais tomba sur des vigiles plus zélés, qui les questionnèrent sur leur destination nocturne. Il répondit manifestement très mal à cette question car ils froncèrent les sourcils et leur dirent de les suivre pour un interrogatoire plus poussé.

"Oh ! Regardez !" tenta alors Fortevent.

À peine eurent-ils leur tête tournée qu'il les attrapa pour les cogner l'une contre l'autre avec sa grande force. Ils les laissèrent sur place, plus ou moins reposant sur leurs armes et contre un mur, pour gagner du temps.

Ouragrande sortit plusieurs armes de chasse mortelles, en expliquant que la nuit était bonne pour cette activité, et ils n'osèrent peut-être pas la contredire. Ils purent donc poursuivre vers leur destination.

Chaque groupe était composé d'une dizaine de personnes, les personnes âgées et les enfants n'avaient pas été traités comme l'avait annoncé Bartabas, ce qui était un grand soulagement. En revanche, les femmes et les jeunes aptes au travail avaient été réellement maltraités de toutes sortes de manières et en ressortaient très abîmés, eux qui sortaient de leur village, si paisible et respectueux.

La suite de l'opération se déroula sans encombres et personne ne vint à leur poursuite. Le seigneur de Barboisie savait pourtant tout de ce qui s'était passé, mais au fond de lui, il respectait les choix et l'audace de ses adversaires, peut-être pour la première fois de sa vie.

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