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De la Médecine Traditionnelle

De la Médecine Traditionnelle

Publicado el 3, ago, 2020 Actualizado 3, ago, 2020 Viajes
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De la Médecine Traditionnelle

01 Nov 15

Publié par roadtrip-in-peru.over-blog.com  - Catégories :  #Tchad

 

dessin réalisé par un de nos hygiénistes de la réalisation de la luectomie

dessin réalisé par un de nos hygiénistes de la réalisation de la luectomie

 

Comme je vous l’ai déjà évoqué, nous sommes régulièrement confrontés à des pratiques de guérisseur traditionnel, ici à l’UP. Les pratiques les plus courantes sont:

- des décoctions préparées à base de feuilles et/ou de racines, appliquées sur le corps à même la peau ou après scarification, ingurgitées à l’enfant par la bouche, ou introduites par l’anus ;

- la luectomie qui consiste à venir couper avec un crochet le petit appendice qui pend au fond de la gorge ;

- ou l’écrasement des amygdales, à la cuillère, lorsque la luette a déjà été sectionnée.

Ces pratiques sont assez répandues dans toute l’Afrique Centrale et de l’Ouest, selon les médecins africains avec qui nous travaillons, mais ne sont pas sans nous poser de nombreuses complications : luette ou amygdales surinfectées ou purulentes, nécessitant un traitement antibiotique, et situation à haut risque de tétanos du fait de la non stérilité des objets utilisés ; nombreux cas d’hypoglycémies sévères, récidivantes voire résistantes à une perfusion glucosée continue du fait des decoctions ; voire des comas et des hémorragies généralisées, menant quasi systématiquement au décès, très probablement en lien avec une toxicité des décoctions sur le foie ou sur les reins.

Notre seule action possible face à cela est de procéder dès que possible à un lavage gastrique, en passant une sonde par le nez jusque dans l'estomac, instiller de l'eau en quantité et aspirer tout le liquide stagnant ; d’assurer tous les traitements compensatoires en attendant que les substances s'éliminent ; et de surveiller avec une grande vigilance ces enfants en espérant qu’ils ne s’enfoncent pas vers un stade dépassé.

 

Il serait pourtant bien présomptueux de prétendre connaître l’ensemble de ces pratiques traditionnelles, qui restent avant tout des pratiques cachées, et souvent niées par les parents à l’admission. Il faut replacer cette médecine dans son contexte. Les personnes, dès leur enfance, sont accoutumées à prendre des décoctions en tout genre, de la simple tisane de feuilles au mélange de racines à haut risque toxique, et il est rare qu’un enfant de plus de un an n’ait pas encore eu la luette sectionnée. Cette médecine reste la médecine de premier recours pour nombre de ces villageois qui résident parfois loin des centres de santé, et qui font appel à des guérisseurs locaux par tradition, par proximité géographique et relationnelle, ou pour des questions de coût. Lorsque ces traitements n’améliorent pas la santé de l’enfant ou même qu’elle se dégrade, ils s’adressent alors aux centres de santé, et grâce au système de référencement gratuit supporté par MSF, peuvent être adressés à l’hôpital de Moissala pour une prise en charge adéquate. Mais ceci nous amène souvent à des retards de plusieurs jours dans la prise en charge, parfois létal pour l’enfant.

 

On ne peut vouloir évincer toutes ces pratiques qui sont très ancrées culturellement et qui constituent, il faut le reconnaître, une première tentative de traitement dans un système sanitaire quasi inexistant. Nous sommes de fait amenés à composer avec. Je pense que ces traitements doivent avoir globalement une certaine efficacité thérapeutique, au pire par l’effet placebo qu’ils induisent et le lien communautaire qu’ils maintiennent, au mieux par la présence de substances aux vertus thérapeutiques appropriées. Il y a certainement des études très intéressantes à mener concernant les plantes et les substances utilisées.

Le problème que nous rencontrons réside avant tout dans l’absence de maîtrise des dosages et dans la non-maîtrise des complications et effets indésirables de ces traitements : plus l’enfant est malade, plus on lui donne des quantités importantes de décoction. La même décoction, bien tolérée en faible quantité habituellement, peut s’avérer très toxique lorsqu’elle est donnée à des doses plus élevées. Et si l'enfant meurt ou présente des séquelles au décours de son traitement, qui peut dire si cela est le fait de la maladie ou du traitement qu'il a reçu ? Notre position, nos connaissances et nos outils de mesure nous permettent d'effleurer les effets indésirables ou néfastes de ces médecines traditionnelles, sans pour autant se prévaloir d'en évaluer l'efficacité.

De notre côté, je ne pense pas qu’il y ait de grandes résistances des populations à la pratique de notre médecine "moderne", notamment quand on voit le succès toujours croissant que rencontre la distribution de la CPS, donnée gratuitement et sur des sites avancés, ou l’attitude généralement très compliante des parents à l’UP. Je pense que le problème rencontré par ces familles ici est avant tout une question d’accessibilité. Accessibilité géographique, et accessibilité financière de cette médecine que nous tentons de prodiguer.

 

Et de nous interroger : dans notre volonté d’amener des traitements validés scientifiquement et reconnus pour leur efficacité, n’amenons nous pas en même temps une certaine dépendance à une médecine universalisée dont la plupart des personnes, sans le principe de la gratuité, n’auront de fait pas accès ?

Pour assurer l’accès aux soins et à cette médecine moderne, il faut avoir d’une part un système sanitaire bien organisé et un réseau de professionnels qualifiés, aptes à distribuer des traitements adéquats (ex : la grande question qui va se poser à l’Afrique, encore plus que chez nous, est la question de la résistance aux antibiotiques, qui constitue selon les Nations-Unies la deuxième plus grande menace qui pèse sur la Terre après le réchauffement climatique), et d’autre part un système de gestion et de distribution des médicaments contrôlé, correctement approvisionné pour éviter les ruptures (si fréquentes ici), et à un coût abordable (le marché noir du médicament, aux molécules de fabrication souvent douteuses, ou dont on intervertit les emballages et les noms pour pouvoir vendre ce qu’on a plutôt que de donner le traitement approprié, est certainement l’autre bête noire de l’accès aux soins en Afrique).

MSF a notamment beaucoup œuvré pour la constitution d’une liste de médicaments essentiels, généricables, pouvant être produits en masse à des prix les plus faibles possibles, et plus particulièrement sur l’accès aux traitements antirétroviraux pour le VIH. Mais malgré ces belles avancées, le marché du médicament reste un véritable problème dans beaucoup de pays africains. A défaut, le recours à la médecine traditionnelle reste une pratique plus accessible, plus sûre, et plus rassurante car ayant fait leur preuve auprès des anciens, avec laquelle nous devons (devrions) apprendre à collaborer.

 

De la Médecine Traditionnelle

 

NB : En complément, deux articles que l'on m'a fait parvenir à propos du prix Nobel de Médecine 2015 sur la prise en charge du paludisme,  qui a récompensé l'irlandais William C. Campbell, le japonais Satoshi Omura, et la chinoise Tu Youyou pour leurs travaux sur les maladies parasitaires.

Les dérivés de l'Artémisine sont les traitements de référence du paludisme aujourd'hui, ayant supplanté les dérivés de la Quinine qui présentent de plus en plus de résistances, que ce soit en intra-veineux (Artésunate) ou en comprimés (association d'Artéméther et de Luméfantrine), et que nous utilisons amplement ici.

Intéressant de voir qu'ils sont issus de la pharmacopée de la Médecine Traditionnelle Chinoise, et qu'il y a donc  vvéritablement matière à apprendre de ces médecines traditionnelles.

Ce prix Nobel vient en outre récompenser des travaux sur des maladies tropicales dites négligées, négligées par la recherche pharmaceutique parce que sa population cible n'est pas financièrement rentable, et pose cet autre débat de l'orientation et du financement de la recherche médicale.

 

Tu Youyou

Tu Youyou

 

Article 1 : histoire de l'Artémisia

De mystérieuses inscriptions gravées sur des tombes

L'existence de la Qinghao est mentionnée sur des inscriptions gravées sur des tombes chinoises datant de 168 avant J.-C.

Ses vertus sont vantées sur les anciens rouleaux à travers les siècles, jusque dans le « Livre des fièvres saisonnières » de 1798. Les guérisseurs, dans les campagnes chinoises, ont indiqué à Youyou Tu que cette plante, la qinghao, n'était autre que ce que nous appelons en Occident l'Artemisia annua.

L'Artemisia annua, ou Wormwood, est une herbe sauvage aux feuilles piquantes et aux fleurs jaunes.

Dans les années 1950, la tisane de qinghao était utilisée pour combattre les épidémies de malaria dans certaines régions de Chine, mais elle ne faisait l'objet d'aucune recherche scientifique.

Tout changea dans les années 60, quand le Président Mao Tse Toung reçut un appel de ses alliés au Vietnam Nord : les soldats chinois étaient décimés par la malaria (l'autre nom du paludisme).

Les médicaments contre la malaria ne marchent plus

La malaria était soignée depuis le XVIIe siècle grâce à une écorce rapportée du Pérou par les Jésuites : la quinquina. Ce traitement avait été fortement amélioré en 1820 quand des chimistes français en extrairent le principe actif : la quinine.

Dans les années 1930, la firme allemande Bayer, appartenant au groupe industriel chimique IG Farben (spécialisé dans les teintures), avait travaillé sur la quinine et essayé de produire des molécules dérivées plus efficaces. C'est ainsi qu'avait été inventée la chloroquine, toujours utilisée aujourd'hui.

Malheureusement, des résistances à la quinine et à la chloroquine sont apparues. Au Vietnam Nord, en particulier, ce traitement ne fonctionnait plus sur les soldats.

C'est dans ce contexte que Mao lança une grande mission de recherche pour trouver un nouveau traitement contre la malaria. Une équipe recourut à la méthode classique de recherche en médicament, qui est d'essayer des dizaines de milliers de molécules au hasard : ils en testèrent 40 000 sans succès. Une autre équipe, à laquelle appartenait Youyou Tu, partit au contraire à la recherche du savoir des guérisseurs traditionnels chinois.

À la rencontre des guérisseurs chinois

Les scientifiques appartenant à cette équipe testèrent plus de 2000 préparations à base de plantes utilisées par les guérisseurs chinois dans les campagnes. Ils identifièrent 640 cibles potentielles.

Plus de 380 extraits issus de 200 plantes chinoises furent testés sur des souris. C'est ainsi qu'ils finirent par découvrir les vertus de l'Artemisia annua, ou Qinghao en chinois, qui freine la croissance des parasites responsables de la malaria.

Ils découvrirent comment extraire le principe actif de cette plante à basse température pour obtenir un produit plus puissant. Ils l'appelèrent « Qinghaosu » (artémisinine en français). C'est cette découverte qui a valu le prix Nobel de médecine à Youyou Tu.

Mais en réalité, il fallut encore des années de recherche complémentaires pour élaborer un traitement efficace chez les humains.

En séparant les parties acides et neutres de cet extrait, l'équipe de chercheurs finit par mettre au point le 4 octobre 1971 un extrait neutre, non toxique et efficace à 100 % chez les souris et les singes infectés par la malaria.

Youyou Tu et ses collègues eurent le courage de tester eux-mêmes l'artémisinine pour vérifier qu'elle n'était pas toxique pour l'homme.

Elle ne l’était pas, mais l'efficacité contre le paludisme fut décevante. Il fallut encore dix ans de recherche pour développer, sur cette base, un traitement vraiment efficace qui fut finalement trouvé sous la forme d'un mélange d'arteméther, un dérivé de l'artémisinine, et de lumefantrine, un autre remède chinois.

Le remède abandonné

Ce remède aurait pu être diffusé dans le monde entier dès le début des années 80 mais il fallut encore attendre 30 ans.

En effet, après la mort de Mao, le programme de recherche fut interrompu. Personne en Occident ne pouvait utiliser ce produit qui était protégé par un brevet chinois, mais personne en Chine ne pouvait le produire non plus en l'absence de feu vert des autorités. L'Organisation Mondiale de la Santé, de son côté, laissa traîner le dossier. Ce n'est qu'en 2000 qu'elle finit par reconnaître officiellement son efficacité, étape indispensable pour qu'une firme puisse commencer à produire et distribuer le produit à grande échelle.

Durant tout ce temps perdu, le médecin anglais de Hong-Kong, le Dr Arnold, qui était allé en Chine pour participer aux recherches sur l'artémisinine, dénonça l'indécision des autorités comme « génocidaire » tandis que près d'un million d'enfants africains mouraient chaque année de la maladie.

Ce retard est d'autant plus tragique que l'armée américaine, de son côté, continua à utiliser un dérivé de quinine, la méfloquine, pour ses soldats envoyés en opération dans les pays tropicaux.

Très efficace contre le paludisme, la méfloquine provoque malheureusement de graves effets secondaires, dont des cauchemars et des accès de paranoïa. En 2002, plusieurs soldats des forces spéciales américaines revenant d'Afghanistan tuèrent leurs épouses, après avoir été rendus fous par le traitement [2].

Finalement, en 2001, la firme pharmaceutique suisse Novartis acquit le brevet chinois sur le mélange arteméther-lumefantrine. Elle commença à le vendre en 2001 sous le nom de Riamet, à prix fort pour les touristes et les militaires mais à prix coûtant pour l'OMS et les ONG, sous le nom de Coartem.

Mais même pour cela, l'OMS et les ONG n'avaient pas l'argent suffisant. Les fonds ne furent disponibles qu'en 2005 grâce au Fonds mondial de 2002 contre le sida, la tuberculose et la malaria, puis « L'initiative présidentielle contre la Malaria » (President's Malaria Initiative [3]) du gouvernement Bush, en 2005. Ce n'est donc qu'en 2006 que le produit devint vraiment disponible à grande échelle, soit près de 40 ans après sa mise au point !

Aujourd'hui, environ 150 millions de doses sont achetées pour les pays pauvres chaque année.

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