Six mois de mission et pas encore de présentation détaillée de notre équipe médicale ! Quelle incorrection ! Il était temps de remédier à cela.

Nous sommes désormais 6 médecins ; « Quel louxe! » Comme dirait John ! Après avoir passé 2 mois à fonctionner à 3 médecins du fait des breaks des uns et des autres, au rythme de jour-garde-repos tous les 3 jours, ce qui nous a bien épuisés. Désormais Dr Hassanjié puis Dr Katherine nous ont rejoint, et nous permettent d'assurer un roulement plus apaisé avec un rythme de travail moins effréné, bien que les effectifs à l'UP ne diminuent pas.

- Commençons d'abord par Dr Brigitte : d'origine béninoise, elle a commencé ses études au Burundi puis les a terminé au Bénin où elle réside désormais. Personne très consciencieuse, c'est comme notre maman ici, s'inquiétant de notre santé et venant nous recadrer quand on ne fait pas les choses convenablement, qu'on oublie de compléter une feuille dans un dossier ou qu'on ne remette pas le couvercle sur le plat après s'être servis. Très concernée par nos petits enfants, elle ponctue toujours ses phrases par « Dieu merci, l'enfant va mieux » quand elle a eu a gérer une urgence, et nous demande toujours quand on rentre comment vont les enfants qui l'ont préoccupée à sa garde précédemment. C'est une téléspectatrice assidue des télénovelas sudaméricains, dont pire que le scénario ou le jeu des acteurs, il y a la qualité du doublage, lecteurs en train de déchiffrer au fur et à mesure un papier en essayant d'y mettre quelques vagues intonations « Daniel m'a trahi avec Maria Dolores, je ne vais pas me laisser faire ! », ce qui nous donne souvent l'occasion de la plaisanter, mais ne l'empêche jamais de son côté de perdre le fil de l'histoire.

- Dr Djiallati, tchadien ayant fait ses études à Bangui (Centrafrique), il fait sa deuxième saison ici à l'UP. C'est quelqu'un qui nous aura beaucoup apporté par sa connaissance pratique du terrain, et que je respecte beaucoup pour la qualité de son analyse clinique et la pertinence de ses propositions. Il n'a probablement pas la connaissance de toutes nos techniques médicales occidentales avancées, mais son raisonnement médical est parfaitement structuré reposant sur la très bonne maîtrise des fondamentaux cliniques, et n'a donc rien à nous envier ici. C'est par ailleurs quelqu'un d'humainement agréable et toujours très respectueux d'autrui, avec qui je me suis très bien entendu. Le nombre de médecins au Tchad est très peu nombreux, il va prochainement intégrer un hôpital où il devra assurer une polyvalence des soins, de la maternité à la pédiatrie, de la médecine à la chirurgie ; et nul doute qu'il sera très compétent à son poste, et que sa curiosité permanente lui permettra encore de grandement évoluer pour devenir un grand médecin.

- Dr Séga, malien, il a déjà fait une mission palu avec MSF à Koutiala dans son pays, et est ici en temps que médecin référent. Son rôle est de coordonner toute la partie médicale des projets, de l'UP comme des activités externes, de représenter la voix médicale dans les réunions, et de faire remonter à la coordination toutes les informations émanant du terrain. Il est toujours tranquille, le sourire aux lèvres, se dit « homme fort » « je suis imperturbable ». Avec lui, "y'a pas de problèmes", mais quand tu le vois les sourcils froncés et la mine déconfite, il ne suffit pas de grand chose pour qu'il te lâche dans un soupir « Ah, tu sais, c'est pas facile... ». Et je veux bien le croire, au vu de ce que j'ai pu vous dire concernant les intérêts divergents de nos partenaires locaux (article « le prix de la gratuité »). C'est un beau parleur, qui se targue de me mettre 50m d'avance au 100m ou d'avoir été "quasi" sélectionné pour jouer avec le Real de Madrid, mais qu'on n'a jamais vu pour autant enfiler une seule fois une paire de baskets ; C'est ce qui fait le charme et la sympathie du bonhomme, que je n'hésite pas à chercher, car pour lui qui adore citer des dictons, le doigt pointé en l'air : «Qui aime bien châtie bien» ; n'est ce pas, Sega ?

- Et comment ne pas parler du phénomène Dr John, anglais naturalisé français, 73 ans et toutes ses dents, qui vient ici vivre joyeusement une deuxième jeunesse ? Esprit très indépendant, il a étudié à Oxford et se targue d'avoir côtoyé les meilleurs, mais n'est jamais rentré dans le moule universitaire, préférant multiplier les expériences en solitaire. Unique médecin sur une île des Orcades en Ecosse pendant plusieurs années, il est ensuite venu à Nice exercer dans un cabinet médical, raflant toute la riche patientèle anglo-américaine, exerçant en parallèle dans un service d'urgences et avec SOS médecins.

Travailleur invétéré, menant de front ces 3 activités, il décide à 73 ans de partir tenter une nouvelle expérience avec MSF, alors que « la plupart de ses amis sont soit enterrés, soit en maison de retraite », comme il se plaît souvent à l'évoquer. Et il ne démérite pas ! Il assure son travail et ses gardes comme tout un chacun, parfait ses connaissances en étudiant les dernières études publiées sur le paludisme ou la malnutrition. Têtu et indépendant d'esprit, les débats sont longs et parfois sans fin avec lui, et il n'est pas toujours aisé d'arriver à trouver consensus. Mais quand on lui laisse le temps de réfléchir et de faire siennes nos propositions, il sait assouplir un peu ses positions. Il me rappelle mon père à plein d'égards ; dans son sérieux, dans sa bienveillance et quand il se fâche contre le système MSF, dans ses passe-temps favoris que sont l'orgue et motard BMWiste convaincu ; et je dois dire que nous nous entendons particulièrement bien.

Il a (enfin) pris conscience qu'il pourrait passer les prochaines années de sa vie à faire autre chose que de la Médecine, et veux reprendre des cours d'orgue qu'il a dû laisser quand il a commencé ses études, l'écriture et la peinture. Encore une nouvelle vie s'offre à lui ! Qu'il en profite avec la jeunesse de corps et d'esprit qui le caractérise.

- Enfin Dr Hassanyié, tchadienne ayant étudié à Bamako (Mali) avec sa sœur jumelle, deux inséparables pour la première fois séparées pour sa première expérience professionnelle ici. Elle nous a rejoint début octobre pour renforcer un effectif médical sous staffé, la charge de travail n'ayant pas autant diminué qu'espéré avec la CPS, ce qui nous a grandement soulagé. Elle reste discrète, mais c'est quelqu'un de compétente et très agréable à côtoyer.

- Et Dr Katherine, pédiatre américaine tout nouvellement diplômée, ayant appris le français au cours d'échanges scolaires avec celle qui est désormais sa meilleure amie, à Lyon. Elle vient enfin occuper le poste de médecin polyvalent, laissé vacant par Dr Katia depuis début août. Arrivée fin octobre pour une durée de 6 mois, elle poursuivra donc l'aventure après la fin de l'UP.

Nous voici donc, belle équipe aux origines et aux expériences diverses, unie dans la bonne entente, respectueuse de chacune et de chacun, sérieuse et en quête incessante d'améliorer la qualité de prise en charge de nos enfants, sans que les différences et les divergences ne viennent ternir les relations de ce petit groupe soudé.

Merci à vous tous pour cette belle expérience passée à vos côtés !