Chapitre 16 - Bara An Anaou à la chapelle Saint-Guénolé
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Chapitre 16 - Bara An Anaou à la chapelle Saint-Guénolé
La légende raconte que Saint Gwenolé était l’un des saints les plus aimés de Bretagne. Sa vie fut pleine de miracles et il sauva son roi et ami, Gradlon-Meur, de la submersion de la ville d’YS. A vingt-deux ans, accompagné de onze moines, il établit la célèbre abbaye de Landevennec, de l’autre côté de l’embouchure de l’Aulne.
Erigée sur un tertre, peuplé d’ormes, la chapelle de Saint-Guénolé dominait l’anse de Lauberlac’h et offrait à l’aube, un point de vue magnifique sur le paysage environnant. Après avoir admiré le paysage, Augustine poussa les portes de la chapelle et avança à l’intérieur en faisant claquer ses sabots sur les pavés irréguliers de schistes et de grès. Traversant la nef sombre, elle levait la tête et vit à l’extrémité des poutres, des sculptures de têtes de dragons et de monstres effrayants, qui empêchaient les mauvais esprits de rentrer à l’intérieur de la chapelle. Au fond, dans le transept et le chœur, à la lueur des cierges encore allumés, elle découvrit le retable en bois qui était richement sculpté et mouluré, présentant de nombreuses niches, ornées de statues. Elle s’approcha d’une des niches à volets et admira au centre la statue de Saint-Louis, roi de France, reconnaissable par son manteau ponctué d’hermines et qui portait autour du cou, un collier paré de coquilles Saint-Jacques dorées. Étonnée d’avoir le même attribut qu’un roi, Augustine toucha sa coquille accrochée à sa cape et découvrit que celle-ci brillait du même scintillement que la statue. Elle regarda ensuite à sa droite la petite statue d’une femme qui portait trois enfants et qu’elle fut sa surprise quand elle découvrit que celle-ci avait trois seins…
- ça ne peut être que Sainte Gwenn, la mère de Saint Guénolé, se dit-elle, en se remémorant l’histoire contée par sa mère, d’une femme qui avait enfanté des triplés et dont Dieu lui avait fait pousser un troisième sein afin qu’elle puisse allaiter ses trois garçons tous ensemble.
Enfin, Augustine regarda à la gauche de Saint Louis et découvrit la statue d’une jeune femme portant une couronne et un collier de perles assorti. Curieuse, elle s’approcha pour l’admirer de plus près et c’est avec effroi qu’elle découvrit que la statue lui ressemblait trait pour trait avec son visage expressif et fin, ses longs cheveux roux dénoués et son manteau à manches. Augustine resta longtemps à prier devant cette statue, à méditer et peut-être à un moment se fut-elle assoupie car elle fut réveillée par une sensation de picotements sur tout le corps. Ouvrant un œil, elle se rendit compte qu’elle était entourée de poules et d’oies blanches, qui profitant de la porte laissée entrouverte, étaient entrées dans la chapelle et s’étaient installées auprès d’elle, comme pour la couver.
Augustine s’assit et les volatiles commencèrent à s’éparpiller dans la nef, gloussant et craillant, faisant voler leurs plumes dans toute la chapelle. Avec ce tapage de tous les diables, des enfants qui jouaient dans le placître entrèrent dans la chapelle et se jetèrent à l’assaut des volailles pour les faire sortir. Cela eu l’effet de redoubler la cacophonie et Augustine, impassible, restait calmement assise par terre, au centre de la nef. Elle priait, mains jointes, et rien ne l’atteignait. Plus les enfants tentaient de les rabattre vers l’extérieur, plus les plumes volaient et les volailles s’excitaient, sans jamais passer la porte. Une petite fille près d’Augustine, s’attela à attraper une des oies qui, dans la lutte, lui attrapa un œil et le goba. Un cri strident retentit dans la nef et tout s’immobilisa, sauf les plumes blanches qui continuaient de voler. Alertés par ce cri, des adultes accoururent dans la chapelle et découvrirent au milieu de cette désolation, la petite fille amorphe avec un œil en moins. Sa mère, confuse, ne sachant que faire, intima Augustine, qui n’avait toujours pas bougé, de faire quelque chose pour l’aider. Augustine sortit de sa torpeur et commença à faire un sermon à toute la basse cour présente. Les volailles s’arrêtèrent alors de s’éparpiller et se rassemblèrent autour d’elle. Augustine se posta alors devant l’oie fautive, l’attrapa avec douceur et enfonça sans hésiter sa main dans son bec. Elle en retira l’œil qu’elle venait de gober et le replaça dans l’orbite de la petite fille qui étaient encore inanimée par le choc. Augustine, continuant sa litanie à voie basse, fit un signe de croix sur l’œil et la petite fille reprit conscience, les deux yeux grands ouverts. Un nouveau miracle était arrivé.
Avertis de l’événement qui venait de se dérouler, les habitants de Runavel se rassemblèrent autour de l’entrée de la chapelle. Ils virent alors Augustine en sortir, précédée d’une centaine de poules et d’oies blanches qui la suivaient tranquillement. Augustine prit la parole :
- Entrez tous dans la chapelle et balayez plumes et poussières qui s’y trouvent. Vous récolterez la poussière dans des sacs et vous la répandrez sur vos cultures. Ceci les fertilisera et empêchera les maladies de se répandre. Avec la grâce de Dieu, la récolte prochaine sera abondante.
Une fois le travail de labeur terminé et les sacs remplis, les habitants du kordennad furent rejoints par tous les pèlerins qui venaient de Saint-Adrien. En signe de bienvenue, les habitants distribuèrent les petits pains qui avaient été cuits et bénis pour la Toussaint. Augustine monta alors en haut du calvaire et annonça à la foule :
- Voici le Bara An Anaou(1). Que chaque famille en achète un et en coupe un morceau pour chacun de ses membres. Avant de le manger, récitons un De Profundis et le chapelet de la mort. Ainsi, les âmes perdues retrouveront leurs chemins.
Elle ajouta ensuite d’une voix grave :
- Si l’un des membres de votre famille est absent ou en voyage, gardez lui précieusement un morceau chez vous pour qu’il puisse le manger à son retour. Si le pain moisi, sachez que votre proche est en danger et priez pour lui.
Sur ces entre faits, le pain fut distribué, les prières dites avec piété, et il fut mangé… accompagné de belles pommes que les enfants eurent plaisir à croquer à pleines dents. Augustine retrouva sa mère dans la foule et elles partagèrent leur pain en trois morceaux. Un pour chacune et le dernier fut conservé pour le père Kervalle qui était encore à Logonna pour extraire les pierres pour le futur calvaire. Augustine demanda à sa mère de la suivre dans la chapelle pour lui montrer la statue de la jeune fille qui lui ressemblait. Elles s’agenouillèrent devant et prièrent pour le père Kervalle afin qu’il revienne vite et en bonne santé. Le ventre de la mère s’était déjà arrondi et il ne restait plus qu’une seule chapelle à visiter pour terminer le pèlerinage contre Ar Vossen, la peste noire.
(1) Bara An Anaou, le pain des trépassés