Alice
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Alice
Elle n’était ni belle ni laide
Elle était singulière
D’aucuns diraient d’une beauté atypique
On aurait dit qu’une aura sombre encerclait son être tout entier
Elle semblait toujours hantée par quelque chose ou par quelqu’un
Et lorsque ses yeux se posaient sur toi, le temps semblait suspendu
Elle était un oxymore ambulant — un satané paradoxe
Elle jouait avec les gens, mais jamais volontairement
C’était peut-être pour cela qu’on lui pardonnait ses extravagances... la plupart du temps
Elle semblait fragile — comme si la moindre brise pouvait la faire voler en éclats
Pourtant elle avait résisté à des ouragans et des marées si noires que même l’ébène ne pouvait rivaliser avec eux
Elle avait peur d’aimer et s’envolait lorsqu’on tentait de la mettre en cage
Pourtant, elle était obsédée par l’amour, le vrai, le pur
Ô l’amour, il lui en avait fait couler des larmes assez nombreuses pour noyer un rivage
Elle aimait les femmes et les hommes, parce qu’elle estimait qu’il était déjà assez compliqué de connaître l’amour — alors pourquoi diable se priver d’une moitié de l’humanité ?
Elle portait des robes légères de couleurs crème ou pastel, comme pour contraster avec sa mélancolie intrinsèque
Elle aimait lire des livres — mais pas sur une tablette
Elle aimait sentir les pages de papier crisser sous ses doigts
Elle trouvait l'odeur des livres enivrante et ils lui permettaient de rester ancrée dans une sorte de réalité parallèle
Tout en rêvant d’un monde meilleur ; un monde plus juste
Elle aimait l’azur céleste qui rougissait lorsque le jour commençait à poindre
Elle écrivait ses chagrins dans des calepins à fleurs
Et lorsqu’elle quittait la pièce, son parfum laissait une fragrance de gardénia blanc flotter dans l’air
Ce parfum qui, lui seul, semblait attester de sa présence ici
Subtil — mais néanmoins puissant
Avec elle, on ne savait jamais vraiment où l’on en était
Elle mettait les gens en rogne ; ils étaient parfois tellement en colère qu’ils auraient pu en venir aux mains
Mais, lorsqu’elle souriait, lorsqu’elle te regardait, le reste n’avait plus vraiment d’importance et le monde cessait de respirer
Elle savait rendre les gens uniques — parce qu’à ses yeux, ils l’étaient véritablement
Elle était capable de détester intensément comme d’aimer passionnément
Mais vous ne saviez jamais vraiment sur lequel de ces deux pôles vous vous situiez
C’était déroutant, il faut en convenir
Elle était subtilement positionnée entre la folie et la lucidité
Elle en avait brisé des cœurs, mais jamais comme le sien à elle s’était cassé
Et toujours involontairement
Elle s’en voulait d’ailleurs terriblement pour cela
Elle s’appliquait à se fondre dans la masse, tel le caméléon aux yeux globuleux, mais elle semblait toujours sortir du lot — un peu malgré elle — à son plus grand dam
Tantôt détestée, tantôt adulée, elle n’avait jamais su construire une image d’elle-même assez stable pour vivre sereinement
Elle ne laissait néanmoins personne indifférent
Elle rêvait d’une époque où le romantisme et l’amour se transmettaient de manière épistolaire
Mais elle savait bien, en tant que féministe, qui plus est bisexuelle, que cette époque aurait été pour elle mortifère
Jadis, il n’y avait pas de place pour les femmes qui pensaient — et encore moins pour celles qui rêvaient
Elle aurait probablement fini sa vie sur un bûcher consummée par les flammes, face à une foule scandant un véritable hullabaloo d'un autre siècle
On lui avait d’ailleurs déjà déclaré, les yeux dans les yeux, qu’elle dégageait un magnétisme un peu mystique à l’instar des sorcières
D’antan, les gens étaient capables du pire ; Ô qu'ils pouvaient être mauvais
Ils n’avaient par ailleurs pas beaucoup évolué
Le fascisme et les oppressions se réinventaient avec les coutumes du XXIe siècle
Et elle, elle tentait tant bien que mal de survivre aux injustices sociales
Avec sa sensibilité d'écorchée vive, qu'elle considérait tantôt comme un cadeau, tantôt comme un fardeau