Ok Avery, une étape de franchie. Je me répète cette phrase en boucle, comme pour m’en convaincre. Alors que je tente de calmer les battements frénétiques de mon cœur, les membres du groupe Fallen Reverie s’approchent pour me saluer. Ils sont chaleureux, souriants, et leur enthousiasme est contagieux.

Matthew est le premier à me présenter à chacun :

— Ravyn, je te présente Noah, notre chanteur, et aussi le gars le plus insupportable quand il a faim.

Noah éclate de rire, ses longs cheveux bruns attachés en un chignon désordonné.

— Salut, Ravyn, content que tu sois là !

— Et voici Alexis, à la basse. Un pro pour casser ses cordes juste avant un set, plaisante Matthew.

Alexis, plus discret, me salue d’un signe de tête et d’un sourire. Ses cheveux bleu électrique attirent mon regard immédiatement.

— Enfin, notre batteur, Chris, et Ethan, le guitariste qui est probablement déjà en train de s’inquiéter pour ses pédales d’effets.

Chris, plus corpulent et jovial, me fait un clin d'œil, tandis qu’Ethan s’agite en arrière-plan avec son matériel, levant une main rapide pour me saluer sans quitter des yeux ses branchements.

Ils échangent quelques mots avec moi, plaisantent sur la soirée, mais à peine avons-nous le temps de discuter qu’ils repartent précipitamment sur scène pour finir leurs balances. Je me retrouve seule au milieu de ce bar immense.

Je déteste cette sensation. La salle est encore relativement vide, mais l’espace semble soudain bien trop grand pour moi. Les murs noirs ornés de posters de concerts mythiques, les guirlandes de lumières rouges et les tables en métal brut devraient me rassurer. C’est un décor familier, un sanctuaire pour les fans de métal. Pourtant, je me sens minuscule.

Je décide de rouler jusqu’au comptoir. Mais lorsque j’arrive devant, je me rends compte que je n’atteins même pas le rebord. Super. Je soupire, agacée, et prends une profonde inspiration avant de me lever difficilement. Mes jambes protestent, mais je réussis à me stabiliser suffisamment pour interpeller le barman.

— Un soda, s’il vous plaît.

Il me lance un regard curieux mais ne dit rien, se contentant de me servir rapidement. Je retourne m’asseoir dans mon fauteuil, le verre à la main. Une sensation désagréable monte en moi, celle d’être... insignifiante. Déjà que ma taille n’est pas imposante, ce fauteuil semble me réduire encore davantage. Je chasse ces pensées d’un mouvement de tête.

La salle commence à se remplir. Des groupes de fans arrivent en petits amas, discutant, riant, portant des t-shirts à l’effigie de Fallen Reverie ou d’autres groupes de métal. L’atmosphère monte d’un cran avec la musique qui joue en fond, une playlist savamment choisie de classiques du genre.

Je me cale dans un coin où je ne gênerai pas, observant tout ce qui se passe autour de moi. La foule est diverse : des jeunes, des moins jeunes, des couples, des groupes d’amis. Ce mélange me rappelle pourquoi j’aime cette communauté. Le métal, c’est plus qu’un genre musical, c’est une famille.

Puis, les lumières baissent. Un frisson me parcourt. Le brouhaha des conversations se calme peu à peu, remplacé par des cris d’excitation et des applaudissements. Les premières notes résonnent, lourdes, vibrantes, envahissant l’espace et faisant vibrer les murs.

Fallen Reverie monte sur scène sous une ovation massive. Noah prend le micro, son énergie débordant dès les premières secondes.

— Salut Brooklyn ! Vous êtes prêts à foutre le bordel ce soir ?!

La foule répond par un cri assourdissant.

La musique explose. Le premier morceau est puissant, un mélange d’accords de guitare lourds et de percussions frénétiques. Alexis et Ethan se synchronisent parfaitement, leur complicité évidente dans chaque riff. Noah hurle dans le micro, sa voix alternant entre des growls profonds et des parties chantées mélodiques.

Je suis frappée par l’énergie qui émane de la scène. Le groupe donne tout ce qu’il a, et la foule répond en retour, créant une synergie presque palpable. Les pogos commencent au centre de la salle, des corps qui s’entrechoquent en rythme avec la musique.

Je ressens cette vieille adrénaline monter en moi, ce sentiment d’être vivante, de faire partie de quelque chose de plus grand. Mon fauteuil ne m’empêche pas de taper du pied, de secouer la tête en rythme. Je ne suis peut-être pas au cœur de la fosse, mais je suis là, et ça compte.

Les morceaux s’enchaînent, chacun plus intense que le précédent. Une ballade mélodique ralentit temporairement le rythme, et je me surprends à ressentir une émotion brute à travers les paroles. La voix de Noah est chargée de passion, et l’instrumentation délicate contraste avec le chaos des morceaux précédents.

Puis, vient le morceau final. Noah prend le micro, essoufflé mais toujours souriant.

— Brooklyn, vous êtes incroyables ce soir ! Merci à tous d’être venus, et merci à ceux qui soutiennent notre musique. Cette dernière, elle est pour vous.

Ils jouent leur single récemment sorti, celui pour lequel je prépare une vidéo. Les premières notes me donnent des frissons. Ce morceau a quelque chose de spécial, une intensité qui transperce la salle.

Quand ils terminent, la foule explose en applaudissements et en cris, demandant un rappel. Le groupe salue, épuisé mais visiblement heureux, avant de quitter la scène.

Je reste quelques instants dans mon coin, essayant d’absorber tout ce que je viens de vivre. C’est comme si une partie de moi s’était réveillée, une partie que je pensais avoir perdue.

C’était épuisant, oui. Mais c’était aussi... libérateur. Ce soir, je me sens vivante. Mon cœur bat la chamade. Je vis, bordel je revis !