Ready Player One (Steven Spielberg, 2018)
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Ready Player One (Steven Spielberg, 2018)
Orgie rétro-futuriste, "Ready Player One" nous en met plein la vue mais il n'est certainement pas qu'un catalogue de références. Celles-ci débordent d'ailleurs le seul domaine de la pop culture. Même si celle-ci est centrale, le film met sur le même plan une sous-culture longtemps méprisée (le jeu vidéo, la japanimation, la musique pop, les séries TV, le cinéma populaire) et des références cinéphiliques plus pointues ("Excalibur" de John Boorman, "Citizen Kane" d'Orson Welles, "Sacré Graal" des Monty Python, "2001, l'odyssée de l'espace" et "Shining" de Kubrick). Le point commun de toutes ces références étant leur statut d'œuvre culte ayant marqué une ou plusieurs générations y compris d'artistes. Je pense en particulier au graffeur et mosaïste Invader, dont l'atelier ressemble comme deux gouttes d'eau à celui de James Halliday avec des Game boy, jeux d'Arcade et autres masques de Tortue Ninja.
Avec Spielberg aux manettes, il n'y avait aucun risque que cet empilement de références ne tourne à la bouillie indigeste comme dans "Lego Batman". Outre son savoir-faire, il injecte une âme au film qui n'est autre que la sienne. James Halliday, le créateur du monde virtuel Oasis est en effet la clé de la réussite de "Ready Player One". On retrouve en lui un mélange d'homme d'affaires, de créateur visionnaire et de geek-otaku éternellement enfant qui peut s'appliquer à Spielberg, même si la référence dans le film est plutôt Steve Jobs. C'est la compréhension de sa psyché qui permet au jeune Wade de résoudre les énigmes du jeu qu'il a instauré au sein d'Oasis pour désigner son successeur. Or ces énigmes prennent la forme d'un voyage dans des moments clés du passé (il s'agit de trouver des clés justement), ceux où Halliday a raté sa vie et s'est réfugié dans le virtuel*. Evidemment celui qui en triomphera ne devra pas faire les mêmes erreurs que lui. Ce va et vient entre futur et passé explique d'ailleurs en partie la place prépondérante qu'occupent "Retour vers le futur" et "Shining" dans le film. En partie seulement car leur présence est aussi un hommage aux liens que Spielberg a avec Zemeckis et Kubrick. Il a mis le pied à l'étrier du premier et réalisé un projet du second ("A.I., Intelligence Artificielle").
Film extrêmement ludique titillant la fibre nostalgique du spectateur, il n'en reste pas moins que "Ready Player One" est aussi un film d'anticipation qui s'interroge sur la place du virtuel dans nos vies et la capacité de l'homme à répondre aux défis que lui pose la réalité d'une société hyper-technologique (et très peu développement durable en dépit des intentions affichées). Comme l'ont fait avant lui "Matrix", "Summer Wars" ou encore "Wall-E".
* James Halliday est également l'archétype d'un asperger au visage peu expressif, immergé jusqu'au cou dans sa bulle geek, en proie à des stéréotypies telles que le besoin de lister tous les films vus avec le jour et l'heure et fuyant le contact humain ("sa plus grande peur était d'embrasser une fille") en ne communicant que par écran interposé. Si cet aspect est implicite dans le film, il est en revanche explicite dans le roman d'Ernest Cline, p 71, édition Michel Lafon 2013 " Au fil des ans, les aptitudes sociales déjà fort peu développées de Halliday avaient semblé se détériorer encore davantage. (Plusieurs études psychologiques fouillées ont été menées après sa mort. Or au vu de son attachement obsessionnel à des conduites routinières et de sa focalisation sur quelques centres d'intérêts obscurs, de nombreux psychologues ont estimé qu'il souffrait du syndrome d'Asperger, ou de quelque autre forme d'autisme de haut niveau.)