Chapitre 17 - Où il est enfin question de 'Blodeuwedd'
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Chapitre 17 - Où il est enfin question de 'Blodeuwedd'
Samedi 1 novembre 2014 vers 17h30
Hélène demanda à Maïwenn :
« T’occuperas-tu de Lughan ? Je veux dire, pas celui qui est là, devant nous, l’autre… C’est vraiment un gentil garçon et il était si heureux à l’idée de te revoir ! Au moins en attendant qu’il soit mis sous tutelle. »
Nous étions tous réunis au bord du Lac pour la scène d’adieux qu’Aurélien avait prévu pendant que Manannán préparait le bateau pour la traversée.
« Alors, l’inspecteur a dit vrai en annonçant que vous laisseriez la maison à mes parents ?
— Oui, nous aimerions qu’ils acceptent. Eux sauront ce qu’il faut faire. »
Maïwenn parut surprise mais ne releva pas la curieuse justification énoncée par Hélène. Elle répondit simplement :
« Je pense qu’ils seraient contents de revenir, en effet. Dois-je leur en faire part ?
— Le notaire s’occupera de tout, ne t’inquiète pas. En attendant, nous avons un jeune couple d’amis à Paimpont qui ont un enfant du même âge que Lughan et tous les deux s’entendent bien. Je suis certaine qu’ils accepteront de l’héberger le temps que tout se mette en place. Tu trouveras leurs coordonnées dans le petit secrétaire du salon.
— Je m’en occuperai », confirma Maïwenn.
Comme je me trouvai moi-même proche de Pelléas, je lui avouai :
« Je suis déçu que le ‘Graal’ ne soit finalement qu’une coupe normale, j’y ai cru, un moment...
— Pourtant, répondit le vieil homme, je te l’ai déjà dit, comme bien d’autres avant toi, tu as eu le véritable Graal devant les yeux… mais comme la plupart d’entre eux, tu n’as rien demandé.
— Que voulez-vous dire ?
— D’autres que toi se sont perdus dans cette quête du Graal ! Les chevaliers de la table ronde dans Excalibur de John Bormann, en sont un bon exemple, toutes ces années à errer dans une forêt périlleuse. Pourtant l’emplacement de Corbénic, le château du Graal, était connu de bien des chevaliers puisque que le fils de Lancelot y avait même grandi. »
Décidément, encore un film à propos de la légende arthurienne !
De son côté Lughan s’adressa à sa cousine :
« Je ne vais pas te supplier de me pardonner, je ne regrette rien. Je te demande simplement de rappeler à l’autre Lughan qu’il doit… penser à arroser les
fleurs. Il comprendra. »
Nolwenn acquiesça, tout en restant sur ses gardes. Nous regardâmes tous les trois les anciens quitter le rivage, l’âme en peine, comme si par un renversement des rôles nous étions nous-mêmes les hôtes assistant au départ de leurs invités. La barque s’éloigna et nous finîmes rapidement par ne plus distinguer ni mat, ni voilure, ni occupants.
La pression retombait, nous étions seuls à présent, sans la hantise de voir apparaître Benjamin à tout moment. Nolwenn se décida la première à faire demi-tour et regagner la maison. Nous lui emboitâmes le pas. La main de Maïwenn frôla la mienne, je capturai ses doigts, tournai mon regard vers le sien et l’instant d’après elle vint déposer un baiser sur mes lèvres hébétées. Aurélien avait sous doute voulu donner à cette fin de scénario une couleur plus romantique et avait chargé Maïwenn de la mettre en œuvre, se doutant bien que je n’aurais pas osé moi-même faire le premier pas, et tant pis si ce n’était qu’un baiser de cinéma... Désormais, je n’aurais plus rien à envier à ces acteurs qui embrassaient les plus belles femmes du monde dans les comédies hollywoodiennes !
Maïwenn prit ma surprise pour de la gêne, elle libéra sa main et s’écarta sensiblement.
Le calice était toujours sur la table.
« Comment as-tu su pour la coupe ? demandai-je à Maïwenn.
— J’aimerais bien le savoir en effet ! » renchérit Nolwenn.
Maïwenn sourit et répondit :
« Souvenez-vous, quand tu la cherchais dans ta voiture Erwann, je suis restée près du mur, à l’abri de la pluie.
— Oui, je me rappelle.
— J’ai vu des morceaux de poterie en bas du pignon comme si un objet avait été fracassé contre le mur. Les morceaux étaient mélangés aux graviers et je ne les aurais pas aperçus si je n’avais pas fait le pied de grue à attendre que tu termines ta fouille. J’avais l’impression d’avoir déjà vu un objet de ce type mais impossible de me souvenir où….
— Tu ne nous en as pas parlé ! m’étonnai-je.
— Je ne voyais pas pourquoi le Graal aurait fini contre le mur et je n’étais pas certain de pouvoir te faire confiance à ce moment. Et puis Nolwenn nous a interpellés depuis la fenêtre et nous sommes rentrés en catastrophe ; j’ai gardé cela pour moi…
— Et quel est le rapport avec la coupe dans le buffet ?
— Réfléchissez. Lughan a jeté un objet par la fenêtre, or ce ne pouvait pas être le silencieux puisque c’est Nolwenn qui l’a mis dans le chéneau, ce n’était pas son pistolet non plus, puisqu’il l’a laissé devant sa porte, alors que lui restait-il à ce moment dans les mains ?
— Le pseudo- Graal !
— J’ai alors compris que le seul pouvoir de cette coupe était qu’elle disparaisse afin de faire croire à un mobile crapuleux. Le meilleur moyen de ne pas la voir ressurgir était de la détruire !
— C’est délirant !
— Hier quand nous avons servi le goûter dans le salon, Hélène m’a envoyé chercher des tasses dans le vaisselier, je me suis souvenu en voyant ton dessin que c’est dans ce meuble que j’avais vu non pas une mais DEUX coupes ! Logiquement il devait donc en rester une et j’ai tenté le coup !
— Félicitations ! lâcha Nolwenn.
— Tu as été géniale, complétai-je, avec d’autres raisons en tête également.
— Merci, répondit-elle, en rougissant.
— Reste que l’on ne sait toujours pas ce qu’est le véritable Graal, s’exclama Nolwenn.
— Pourtant Pelléas n’a pas manqué de me rappeler que j’étais passé tout près ! dis-je.
— Nous pouvons toujours chercher des informations sur ce Graal dans les livres, proposa Maïwenn, il y a assez d’ouvrages sur le sujet dans la bibliothèque ! Peut-être trouverons-nous une piste ?
— Bonne idée », répondit Nolwenn.
Nous nous installâmes dans le patio et, après avoir sélectionné une dizaine de livres prometteurs, nous nous les répartîmes et nous consultâmes les ouvrages qui nous avaient été attribués. Un petit frisson d’adrénaline parcourait chacun d’entre nous dès qu’une scène un peu mystique semblait poindre dans le récit.
« Je pensais avoir trouvé quelque chose, dit Maïwenn, mais c’est étrange et morbide.
— Dis toujours, répondit Nolwenn, levant les yeux de son propre livre.
— Il s’agit de l’histoire de Peredur ab Evrawc, dans un récit des Mabinogions gallois. »
Elle se mit à lire à haute voix :
« Il (Peredur) commençait à causer avec son oncle, lorsqu’il vit venir dans la salle et entrer dans la chambre deux hommes portant une lance énorme : du col de la lance coulait jusqu’à terre trois ruisseaux de sang… Après quelques instants de silence, entrèrent deux pucelles portant entre elles un plat sur lequel était une tête d’homme baignant dans son sang. La compagnie jeta de tels cris qu’il était fatigant de rester dans la même salle qu’eux. »
« C’est le prototype initial du Graal, dis-je, et la description est conforme à celle que l’on retrouvera plus tard. Il est toujours question d’un chevalier qui assiste par hasard à un spectacle inattendu et dont l’entourage attend qu’il donne une explication.
— J’espère simplement que Pelléas ne conserve pas une vieille tête coupée dans un placard », reprit Maïwenn avec une manifestation de dégoût.
Nous reprîmes notre lecture silencieuse, interrompue par Nolwenn cette fois-ci.
« Voilà ce qu’en dit Chrétien de Troyes, dans Perceval », annonça-t-elle.
« Tandis qu’ils causent à loisir parait un valet qui sort d’une chambre voisine, tenant par le milieu de la hampe une lance éclatante de blancheur. Une goutte de sang perlait à la pointe du fer de la lance et coulait jusqu’à la main du valet qui la portait. Alors viennent deux autres valets, deux forts beaux hommes, chacun
en sa main un lustre d’or, dans chaque lustre brulaient dix cierges pour le moins. Puis apparaissait un graal que tenait dans ses deux mains une belle et gente demoiselle, noblement parée, qui suivait les valets. Quand elle fut entrée avec le graal, une si grande clarté s’épandit dans la salle que les cierges pâlirent, comme les étoiles ou la lune quand le soleil se lève. »
« C’est la première apparition du mot lui-même, commentai-je, et on la doit bien à ce poète de la cour de Champagne. Pourtant il ne donne pas de précision et pour lui le graal s’écrit avec une minuscule, c’est juste un récipient ordinaire. Il ne précise pas non plus ce qui se trouve dans ce graal ni l’origine de cette grande clarté. C’était classique à cette époque pour un auteur d’initier une thématique et de laisser ses continuateurs la poursuivre.
— Continuons alors, reprit Nolwenn.
— J’ai une scène un peu similaire, intervins-je à mon tour. Il s’agit du même personnage, appelé ici Parzival, et racontée par Wolfram von Eschenbach.
— C’est le récit mis en opéra par Wagner ! s’exclama Maïwenn.
— En effet », précisai-je avant de débuter la lecture.
« Un écuyer franchit d’un bond la porte, dans la main il tenait une lance sur le tranchant de laquelle on voyait sourdre du sang qui coulait le long de la hampe, jusque sur la main et dans la manche… Maintenant enfin apparut la reine. Son visage rayonnait d’un tel éclat que tous crurent que le jour se levait. Son vêtement était fait de soie d’Arabie, et sur un tissu vert émeraude elle portait la quintessence de toute la perfection du Paradis, une chose qui était à la fois racine et branches. Cet objet s’appelait le Graal et il dépassait tout ce que l’on pouvait souhaiter sur terre. »
Je précisai encore que cette fois-ci on parlait du Graal et non d’un graal.
« Mais toujours aucune explication de ce qu’il représente et de ce qu’il contient… » déplora Nolwenn.
Quelques instants plus tard, ma sœur reprit la parole :
« Je vous lis la version de Gautier Map dans le Vulgate Lancelot; cette fois-ci il s’agit bien de notre chevalier breton !»
«C’est alors qu’arriva la jeune fille. Elle était si belle et si désirable que Lancelot dut s’avouer qu’il n’avait jamais vu femme de si éclatante beauté, hormis la reine Guenièvre. La jeune fille s’avançait dans la salle, très doucement, comme si elle glissait sur le sol. Elle portait un vase qui ressemblait à un calice d’un éclat éblouissant. Lancelot eut la certitude que c’était un saint et digne objet : aussi joignit-il ses mains et s’inclina-t-il à son passage imité en cela par tous les autres convives. Lorsqu’à la fin du repas le roi lui demande ce qu’il pensait du riche vase que la jeune fille portait il répondit qu’il n’avait jamais vu une demoiselle aussi belle.»
« Lancelot passe à côté lui aussi et au petit matin, tout a disparu, mais à partir de ce texte le Graal a pris une connotation religieuse, il deviendra le vase dans lequel Joseph d’Arimathie a recueilli le sang du Christ sur la croix, jugeai-je bon de préciser.
— Pas d’autres informations sur le Graal lui-même ? » demanda Maïwenn.
Nolwenn parcourut des yeux le reste du chapitre avant de conclure, navrée :
« Pas la moindre description supplémentaire ! »
Nous allions poursuivre les recherches mais nous entendîmes à ce moment la porte d’entrée s’ouvrir. Nous laissâmes alors nos écrits en plan pour nous diriger vers le couloir. C’était Lughan, seul, et radicalement différent de l’image qu’il nous avait montré jusqu’à présent. Il semblait attendre que l’on fasse le premier pas.
« Le policier m’a dit que vous vous occuperiez de moi maintenant que Grand-père, Grand-mère et Oncle Blaise sont partis », dit-il.
Maïwenn s’approcha de lui, un sourire aux lèvres.
« Oui, Lughan, ne t’inquiète pas, tu n’es pas tout seul. Tu peux enlever ton manteau, il fait bon ici. Veux-tu boire quelque chose ? »
Lughan fit un signe de la tête et Maïwenn le prit par la main en direction de la cuisine.
Si son aspect physique était inchangé, son attitude n’avait définitivement plus rien en commun avec celle de notre ancien comparse orgueilleux. Je devais reconnaître que son jeu d’acteur était bluffant.
Pendant qu’il buvait je constatai qu’il avait à l’annulaire de la main gauche l’anneau de Blaise avec la pierre de Tara ! Il le faisait rouler autour de son doigt avec son pouce d’un geste machinal. Nous n’avions plus prêté attention à cet objet depuis que nous l’avions tous essayé et que je l’avais brutalement rejeté. Nolwenn et Maïwenn avaient vu l’anneau également et nous nous regardâmes d’un air perplexe.
Maïwenn prit la parole :
« Tu as une belle bague, Lughan, il faut en prendre soin.
— Oui, répondit-il, elle est très précieuse. »
Il avait dit cela en séparant bien les syllabes et en faisant siffler le son « s » de sorte que n’importe quel joueur de notre génération aurait immédiatement pensé, comme nous le fîmes, au Hobbit dégénéré qui convoite l’Anneau Unique dans Le Seigneur des anneaux de Peter Jackson, film déjà cité par Aurélien au cours des pré-sélections à Rennes, et au cours du duquel Gollum, car il s’agissait bien de lui, qualifie aussi de « précieux » cet artefact.
Tout au long du film Gollum se débattait avec sa double personnalité et je compris soudain qu’il en avait été de même avec Lughan, quand son autre « moi » avait pris l’ascendant sur lui avant de l’abandonner une fois commis son méfait. Lughan ne parlait pas de moi mais de son double quand il s’était mis à crier ‘Il les a tués’ ! Ce double qui dirigeait son esprit quand nous étions seuls ou tous les quatre mais qui ne se manifestait pas en présence des anciens. Voilà pourquoi Lughan était toujours resté étrangement silencieux lors des scènes avec ses grands-parents ! Ma sœur dut arriver à cette même conclusion, au vu du regard étonné qu’elle me lança.
Elle s’adressa à lui pour la première fois depuis son départ :
« On m’a chargé de te rappeler que tu dois ‘arroser les fleurs’, sais-tu ce que cela signifie ? »
Lughan leva la tête, un large sourire aux lèvres.
« Oui, c’est pour ma mère. »
Je pensai alors à un petit mémorial à l’attention d’Enora. D’ailleurs il s’apprêta à sortir de la pièce en nous disant :
« Je vais vous montrer. »
Mais alors que nous nous attendions à ce qu’il aille directement dans le jardin, il traversa la salle à manger, prit l’escalier et nous entraîna au premier étage.
« Par ici, suivez-moi ! »
Combien d’entre vous, amis lecteurs, ajouteront instantanément ‘gentils maîtres !’ à la suite de sa réplique et à l’instar de Gollum, quand il entraîne Frodon et Sam Gamegie dans la montagne du Destin !
Tout en montant les marches, je chuchotai à l’attention des deux filles :
« Nous avons cru voir en lui Lancelot mais finalement c’est tout le fil littéraire des différents découvreurs du Graal qu’il incarne ! En effet, c’est pour assouvir une vengeance personnelle que Peredur est parti sur les chemins, ce qui est aussi le cas de Lughan, et le fait qu’Aurélien ait fait de lui un personnage un peu simple d’esprit le rapproche de Perceval, ce héros un peu benêt1 qui, en présence de chevaliers engoncés dans leur armure, croit voir des anges enrobés de lumière et se réjouit au passage que les biches des bois environnants ne soient pas harnachées de la même manière ! D’ailleurs, la mère de Perceval est morte de chagrin à son départ, elle qui avait voulu protéger son dernier fils de la tentation de rejoindre les chevaliers d’Arthur, comme ses frères avant lui, tous tués dans de futiles combats ! »
Tout à mes réflexions je ne m’étais pas rendu compte que nous avions traversé tout le couloir et que Lughan venait de s’arrêter devant une porte que je connaissais bien... Il enleva un collier de son cou, en détacha une petite clé et s’apprêta à la faire tourner dans la serrure. Je retenais mon souffle. Il s’arrêta avant de poursuivre son geste et nous dit :
« Je vous demande une petite minute si vous voulez bien.
— Bien sûr », répondit Maïwenn en s’écartant.
Lughan entrouvrit la porte et se glissa dans l’entrebâillement avant de la refermer doucement.
Je profitai de ce court répit pour lire les quelques lignes inscrites sous le nom de la chambre « Aubépine ».
Soudain une grande clarté se fit en moi. Je venais enfin de comprendre ce que j’avais vu par l’intermédiaire de mon téléphone !
« La chambre était faiblement éclairée, mais suffisamment pour que la cellule photographique du portable puisse se repaître de l’intérieur. Ce que je vis me stupéfia littéralement.
Au milieu se trouvait un lit et sur ce lit une jeune femme était couchée, entièrement nue. Au deuxième passage de l’appareil, je me rendis compte qu’elle semblait raide comme la mort et les quelques bouquets de fleurs à ses côtés renforcèrent cette sensation morbide. Des miroirs placés derrière elle et sur le côté me renvoyaient son image dupliquée comme si il avait fallu que la moindre parcelle de son corps fusse jeté en pâture à mes yeux coupables. »
Quand Lughan nous proposa d’entrer, il faisait sombre mais je reconnus la jeune femme que par pudeur il avait recouverte d’un drap. Nous n’en apercevions que le visage et les bras.
« Mais qui est-elle ? demanda Nolwenn.
— Ce ne peut pas être sa mère, chuchota Maïwenn, après avoir reçu un message discret dans son oreillette. C’est dans cette chambre que je n’avais pas le droit d’entrer et cela remonte avant l’accident. »
Lughan s’empara d’un pulvérisateur laissé sur une table. Il se dirigea vers la tête du lit, là où se trouvaient les bouquets mais, à notre grande surprise, ce ne fut pas les fleurs qu’il aspergea mais la femme elle-même !
« Elle est entourée de plantes mais c’est elle qu’il arrose ! » s’étonna Nolwenn.
Le jeune homme alluma une lampe de chevet à ce moment et nous pûmes la dévisager. Ses cheveux dorés étaient longs avec des courtes tresses sur les tempes, le reste flottant en un halo doré autour de sa tête. Ses lèvres étaient rouges et laissaient entrevoir des dents de perle régulières, aurait dit un sidhé. Ses yeux fermés permettaient d’admirer ses longs cils mais ce qui nous frappa surtout, c’était la couleur verte de sa peau !
Comme Nolwenn et moi nous étonnions, Maïwenn proposa une réponse à notre interrogation :
« On dirait que sa peau est piquée d’une multitude de chloroplastes chargés de chlorophylle !
Je repris alors, plus solennel.
— En effet, je vous présente Blodeuwedd.
— Qui ? demanda Nolwenn, perplexe.
— Une femme-fleur !
— Comment le sais-tu ?
— Son nom est écrit sur la porte… »
Nolwenn se retourna pour lire l’explication autour de l’aubépine :
« L’aubépine est le symbole de la fertilité. Une déesse du printemps associé à cet arbre s’appelle Blodeuwedd, née de neuf fleurs du printemps et compagne du Dieu du Soleil, Llew Llaw Gywffe. »
« Et tu la connais ? demanda Nolwenn, souvent sceptique quant à mes déductions.
— Bien sûr ! Qui n’a jamais entendu parler de Blodeuwedd ? C’est une jeune femme de la mythologie galloise, censée avoir été ‘confectionnée’ avec des fleurs de genêt, de chêne et de reine-des-prés afin d’épouser le fameux Llew Llaw Gywffe sur lequel planent trois interdits dont l’un étant qu’il n’aura jamais de femme humaine !
Le lecteur attentif aura deviné que j’avais été particulièrement chanceux cette fois-ci !
« Les miroirs servent à réfléchir la lumière du soleil pendant la journée et lui permettent de se nourrir par photosynthèse ! » ajouta Maïwenn.
C’était donc le propre faisceau de ma torche que l’un de ces miroirs m’avait renvoyé dans le jardin !
« Comment se fait-il que les policiers n’aient pas cherché à entrer dans cette pièce ? s’étonna Nolwenn.
— L’autre Lughan a dit à Manannán qu’il avait empêché les policiers de fouiller ‘toute’ la maison ! répondis-je. C’est probablement à cette chambre qu’il faisait allusion !
— Comment aurait-il fait ? demanda Maïwenn.
— J’imagine qu’à force de côtoyer le sidhé, il aura appris de lui quelques-uns de ses ’tours’ ! » hasardai-je.
Nolwenn eut à ce moment une illumination comme si cette débauche de luminosité l’avait touchée elle aussi.
« Les textes sur le Graal que nous venons de lire… » commença-t-elle.
— Oui, l’encourageai-je. Qu’y a-t-il à propos de ces textes ?
— Nous nous sommes focalisé sur la description du Graal, nous n’avons pas relevé que TOUS les textes faisaient allusion à une jeune femme et à une grande clarté ! »
Elle avait raison, nous avions négligé de faire attention aux porteurs du Graal ! J’aurais pu passer à côté une nouvelle fois car je comprenais maintenant ce que représentait cette demoiselle que j’avais déjà vue et au sujet de laquelle je n’avais rien demandé !
« Je pense que nous avons enfin devant nous le Graal évoqué par Pelléas…», dis-je alors.
Les deux filles me regardèrent, perplexes.
« Je crois que Blaise et Pelléas ont trouvé Blodeuwedd dans le tombeau de Gwench’lan, expliquai-je. D’après Pelléas, le prédicateur a participé au conseil de Corbénic, et nous savons que c’est là que s’achevèrent les aventures du Graal. Si Pelléas pense que Blodeuwedd EST le Graal, c’est qu’elle avait un rôle à jouer à cette occasion et que son rôle n’est pas terminé. Gwench’lan s’est senti trahi par le dénouement de ce conseil et il espérait que les méfaits issus des décisions qui furent prises à cette occasion soient corrigés un jour...
— Est-elle dans le coma ? demanda Nolwenn.
— Je dirais plutôt en dormance, comme à l’état de graine », répondit Maïwenn.
Je repris :
« Nous ne savons pas qui l’a plongé dans cet état, ni pourquoi, mais il est probable que Gwench’lan l’a ramenée avec lui, et a veillé sur elle jusqu’à sa propre mort, s’arrangeant pour que personne ne trouve son tombeau avant que le temps ne soit venu.
— Cela expliquerait les nombreuses mises en garde qu’il a laissées à ceux qui chercheraient à découvrir sa tombe ! renchérit Nolwenn.
— Pelléas a dit que la Bretagne avait attendu le retour d’Arthur et qu’ils espéraient aujourd’hui un autre réveil ! compléta Maïwenn.
— C’est donc à nous de prendre le relais maintenant ! » conclut ma sœur.
Sur ces mots Aurélien annonça à tous la fin du jeu.
Initialement, mon récit s’arrêtait sur cette dernière réplique mais Aurélien m’a montré il y a peu de temps l’épisode « bonus » sur lequel il travaillait et qui serait constitué de quelques scènes coupées et d’un making-off. J’ai trouvé l’idée intéressante et j’ai repris ma plume…
Voici donc les éléments de ce bonus qui concernent le premier épisode...
[1] Chrétien de Troyes (et Alexandre Astier !) n’ont pas manqué de le décrire ainsi !