Mon destin, je ne me l’imaginais pas ainsi. Pourquoi parmi les deux Princes Alek et Anton, vrais jumeaux de naissance, c’était Anton qui m’avait épousé alors que tout le monde savait que j’étais destinée à son frère Alek. Ma sœur, quant à

elle, qui n’en avait que faire d’Alek, avec lequel elle s’était retrouvé mariée et qui le délaissait pour aller retrouver chaque nuit Anton, faisait semblant d’être épanouie mais la cour jasait à son propos. Des rumeurs allaient bon train…

Nous n’étions que des adolescentes encore… Et Anton et Alek également. Nos parents avaient eu une mauvaise passe, en tout cas, c’est ce qu’ils nous disaient et s’étaient vu offrir une chance inespérée de rebondir en acceptant de nous unir aux Princes de la Cité de la Destinée.

J’étais devenue la reine Selen alors que ma sœur était la reine Eryn. Et les deux frères étaient rivaux, Alek était tombé éperdument amoureux de Selen le jour où il l’avait vu descendre gracieusement les marches de la calèche, tandis que Anton avait eu un coup de foudre pour Eryn. Mais les deux frères passaient leur temps à se tester, à se provoquer, à se détester, à se jalouser. Pour embêter

son frère Anton avait demandé la main de Selen qui n’eut pas d’autre choix que d’accepter. S’en était suivi un mariage rapidement préparé et une vie misérable aux côtés d’un prince odieux et incompétent.

Les parents des deux sœurs regrettaient la tournure des évènements mais n’avaient pas eu d’autres choix que d’accepter la situation.

Alek était beaucoup plus doux avec Eryn qui lui faisait des crasses chaque jour depuis leur fiançailles.

Il y avait des rivalités entre les deux sœurs également. Un jour pourtant, Alek croisa seule Selen qui marchait tête baissée et qui sanglotait. Il s’en rendit compte et l’arrêta. Il lui effleura l’épaule, elle tressaillit. Il lui dit : « Que vous arrive-t-il ma reine ? »

Elle ne put répondre, des sanglots l’en empêchant. Il insista un peu : « Dites-moi ce qui vous arrive ? »

Selen finit par relever son doux visage et n’eut rien besoin de dire. Alek découvrit ce qui l’avait mise dans cet état, son sang se glaça. Celle-ci avait été battue par son frère. Son visage était tuméfié et gonflé. Elle tremblait.

Il l’attrapa par la main et l’emmena dans ses quartiers qu’il prit soin de verrouiller. Il la fit asseoir sur la chaise non loin et rechercha de quoi la soigner. Il ne trouva rien, alors il attrapa un tissu qu’il mouilla et qu’il lui appliqua aussi doucement que possible sur le visage. Celle-ci ferma les yeux. Il pouvait à loisir contempler ses traits réguliers, la couleur de sa

peau, les frissons qui allaient et venaient à chaque fois que de l’eau coulait dans son décolleté. Elle releva la tête et lui dit : « Je vous remercie mais je dois quitter vos quartiers. »

Alek :

Je vous aime. Je vous ai aimé dès que je vous ai aperçu la première fois que

vous avez mis le pieds sur notre sol.

Selen leva les yeux vers lui et laissa couler des larmes, elle lui mit un doigt sur les lèvres et lui dit : « Je vous aime aussi, mais nous ne pouvons pas. Je suis malheureuse avec votre frère, mon roi. »

Alek :

Je sais que votre sœur va le voir chaque nuit. Ils se fréquentent.

Selen :

Pourquoi a-t-il fallu qu’il me choisisse ?

Alek :

Il l’a fait uniquement pour me déranger, il n’a jamais pensé à vous.

Selen :

Je dois partir avant que quelqu’un s’en rende compte.

Elle se releva mais perdit l’équilibre. Il la rattrapa et sentit son corps près du sien, il se sentit tout drôle. Selen laissa sa tête tomber en arrière et se détendit, elle se trouvait toujours dans ses bras.

Tout à coup, ils entendirent un bruit sourd derrière la porte. C’était Eryn qui cherchait à rentrer, elle cria : « Alek ouvre tout de suite cette porte avant que je n’appelle le roi. »

Ce dernier revint à lui en peu de temps, il fit passer Selen par le jardin de derrière, elle partit rapidement sans même se rendre compte qu’elle emportait un mouchoir sur lequel était inscrit : « Retrouve moi ce soir après le souper, derrière les écuries. »

Elle ne s’en rendit compte que lorsqu’elle arriva aux cuisines où elle aimait bien se rendre pour donner un coup de main. C’est une domestique qui le lui fit remarquer. Elle lut le mot, puis le brûla au feu de cheminée.

Il ne fallait pas que qui que ce soit le voit afin de les préserver. La domestique qui le lui avait fait voir, s’appelait Alexine. Elle était d’une douceur infinie et d’une patience à toute épreuve. Elle s’était attachée à Selen et voulait la protéger des méfaits de la cour.

Alexine lui dit : « Ne vous inquiétez pas ma reine, je ne dirais rien. Vous pouvez compter sur ma discrétion. »

Selen :

Je te remercie. Qu’allons-nous préparer pour ce soir ?

Alexine :

Vous, vous n’allez rien préparer, c’est nous qui avons cette tâche.

Selen :

Laissez-moi vous aider, du temps de mes parents, je cuisinais beaucoup. Et

puis, je préfère être ici plutôt qu’attendre de me faire taper dessus.

Tout le personnel présent qui l’entendit dire cela, stoppa net son occupation. Un autre domestique s’avança et lui dit : « Voulez-vous vous enfuir ? On connait quelqu’un qui pourra vous y aider ? »

Selen ne s’attendait pas à une telle proposition, elle ne répondit rien. Si elle avait le choix, elle dirait oui tout de suite mais le pouvait-elle ? Si elle disparaissait, son roi mettrait tout en œuvre pour la faire retrouver et sa sentence serait encore pire que ce qu’elle avait connu.

Le domestique se nommait Egan. Il ajouta : « Nous pouvons vous faire passer pour morte, si cela peut vous rassurer, comme ça il n’y aura pas de chasse à l’homme pour vous retrouver. »

Selen sursauta à ses propos et lui dit : « Comment pourriez-vous faire cela ? »

Egan :

C’est simple, je vais vous faire boire une potion magique qui vient de

l’Académie magique d’où je viens et votre cœur battra si faiblement que même

les médecins penseront que vous êtes partie. Après avec les coups que vous

recevez régulièrement du roi Anton, cela se pourrait tout à fait.

Mais je dois vous dire que vous êtes attendue de pieds fermes à cette académie magique dont je viens de parler.

Selen :

Pourquoi cela ? Je ne suis pas une sorcière.

Egan :

Vous faites partie de notre monde, ainsi qu’Alek. C’est d’ailleurs pour cela qu’il y a toujours eu des rivalités entre les jumeaux et vous et votre sœur. Ils étaient jaloux de vos pouvoirs et dons et se sentaient différents.

Selen :

Etes-vous sûrs d’avoir toute votre tête Egan ? Je ne suis pas une magicienne !

Egan :

Ne vous est-il jamais arrivé des choses inexplicables quand vous étiez plus jeune ? Avant d’arriver ici ?

Selen se tut et réfléchit quelques instants. Au bout d’un temps, elle dit : « Si, parfois mais c’était sans importance. »

Egan :

Peut-être mais cela venait de votre différence, vous n’êtes pas une simple humaine, vous faites partie de la grande famille des magiciens. Vous êtes d’ailleurs née dans l’Académie magique. Vos parents en sont issus également. Y être née a doublé vos pouvoirs magiques, cela a renforcé vos dons de naissance. Vous êtes protégée, c’est pour cela que je vous parle parce qu’on m’a annoncé qu’il était temps pour vous de vous défaire de tout cela pour vous aider à déployer vos ailes et vous envoler.

Selen :

Et Alek ?

Egan :

Il est comme vous mais il l’ignore.

Selen :

Pourquoi nos parents ne nous ont rien dit ? Pourquoi ont-ils accepté ce mariage arrangé ?

Egan :

Parce que vos parents étaient du mauvais côté, ils avaient rejoint le côté obscur de la magie et ils n’ont vu que leur propre intérêt.

Selen allait de surprises en surprises. Egan ajouta : « Vous n’êtes pas destinée à être une Reine. Votre destinée est bien plus grande que cela. »

Selen :

Et Anton ? Et Eryn ?

Egan :

Ils sont de simples mortels. C’est pour cela que vous avez craqués chacun pour son équivalent opposé.

Selen se tourna vers Alexine et lui dit : « Toi aussi tu es de cette Académie ? »

Celle-ci hocha la tête. Egan dit : « Nous venons tous de là-bas, nous avons obtenu ce poste pour te protéger et te sortir de ce piège, ainsi qu’Alek. »

Selen :

Mais les parents des frères ? Qu’en est-il d’eux ?

Alexine :

Ils ne sont pas vraiment ce qu’ils prétendent. Mais tu le découvriras un jour.

Egan s’approcha et lui tendit un verre qu’il l’incita à boire. Elle le prit, regarda la couleur et le sentit. Cela n’avait pas de mauvaise odeur, alors elle ferma les yeux et le bu d’une traite. Elle rendit le verre à ce dernier et partit s’asseoir.

Au bout de quelques minutes, elle se sentit faible puis elle tomba sur la table à côté des épluchures. Alexine et Egan s’en chargèrent immédiatement. Ils prévinrent Alek en allant le chercher en toute discrétion. Celui-ci bondit de sur son lit, il s’empressa de les rejoindre, il la retrouva allongée sur son lit dans la chambre conjugale et le corps couvert de blessures et de coups. Il comprit que son frère avait l’habitude de lui porter des coups et il partit aussi rapidement pour le faire payer. Ce dernier était en plein ébat avec Eryn.

Alek n’en fit pas cas et lui asséna des coups qui le laissèrent paralysé.

Alek lui hurla dessus : « Tout cela, pour avoir tué Selen avec tes coups meurtriers ! »

Anton se releva difficilement de cette attaque sournoise de son frère, il fit un léger sourire et dit : « Ça y est, elle est enfin morte ? Je

vais pouvoir m’en débarrasser et prendre pour épouse Eryn. Je n’en avais rien à faire d’elle, je l’avais choisi uniquement pour te faire du mal. »

Alek était dépité, il quitta leur pièce et retourna auprès de Selen. S’il n’avait pas été là, elle n’aurait même pas eu de toilette mortuaire. Alexine et Egan le rejoignirent et le mirent dans la confidence, il se décrispa peu à peu. Selen

était toujours vivante, la supercherie avait fonctionné. Il prévint la cour de la nouvelle, puis du remariage du roi avec son épouse la princesse Eryn. Il divorça rapidement pour céder sa place. Enfin, il serait seul. En tout cas,

c’est ce qu’il faisait croire.

Après leur mariage, il resta quelques temps et décida de prendre le même verre que sa bien-aimée. Il passa pour mort, les rumeurs allaient bon train au château.

Seuls restèrent Eryn et Anton, deux souverains monstrueux et sanguinaires.

Après un simili enterrement, Alek partit rejoindre Selen qui l’attendait à l’Académie magique, dans un autre pays lointain.