Gaspillons notre vie
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Gaspillons notre vie
Gaspillons notre vie
– Ne dirait-on pas que nous devons leur payer un impôt sur la dépression ?
– Le tribut d’une écoute leur est dû sans fin.
– Nous aurions le devoir de les écouter et ne les écoutons jamais assez.
– Ils nous reprochent leur neurasthénie, ils nous en font la minutieuse relation pour que rien ne soit oublié de ce qu’ils lui doivent de tristesses, de jours gâchés, de renoncement à leurs plaisirs.
– Ils ont perdu leurs forces ? Ils ont encore cette force (du puits sans fond d’où ils nous parlent, pendus à la margelle par leurs petites mains, de grands yeux humides brillant dans leurs ténèbres), ils ne manquent jamais d’assez de forces pour nous entretenir inlassablement des causes et conséquences innombrables de leur état (interminablement chuchotées à notre oreille, avec la précision du gourmet pour un consommé délectable, jamais vu, inoubliable).
– Ils usent ce peu de forces qui leur reste à nous assommer par les détails lamentables qui ont fait de leur vie un échec, une absence de sens, un tarmac gris vide d’envols.
– Pourquoi s’acharnent-ils à nous parler ?
– Serions-nous secrètement la cause de leur inaptitude à vivre ? Nous tiennent-ils pour l’origine d’une grêve d’effaroucheurs ?
– Une inaction impardonnable de notre part laisserait libre essor au tournoiement des oiseaux disgraciés de la mélancolie – leur petit biplan multicolore abîmé au sol de l’aéroport.
– Laissons de côté une culpabilité aussi saugrenue que ces métaphores compliquées.
– Si vous ne subissez pas la carence physiologique qui relèverait d’une lourde médication – vous, amis déprimés, ou cet inconnu désespéré qui nous attrape par le lacet et tire dessus sans cesse, avez-vous seulement pensé à vous jeter hors de vous-même ?
– À vous oublier par un triple saut périlleux au-dessus du vide de cet oubli de soi afin de vous retrouver avec nous dans l’inconfort vivifiant des êtres irresponsables de tout – joyeux gaspilleurs de vie et non sectateurs moroses de la rétention, de la contention, de toutes les constipations.
– Nous ne méconnaissons pas que la volonté de la volonté soit venue à vous manquer – mais vous avez assez d’une certaine volonté d’emmerder prodigieusement vos proches, vos amis, vos martyrs.
– Nous ne croyons que dans les taiseux, les déprimés obstinément silencieux.
– Les enclos dans leur souffrance, porte et fenêtres barricadées.
– À la Trappe les dépressifs bavards ! Exhibitionnistes ! Bourreaux !
– Nous sommes les victimes de votre commode faiblesse.
– De votre ennui de vivre.
Jean & Jean, souliers de satin
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