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Chapitre 7 - Qu'est-ce qui lui prend ?

Chapitre 7 - Qu'est-ce qui lui prend ?

Publicado el 7, feb, 2024 Actualizado 20, jul, 2024 Crime stories
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Chapitre 7 - Qu'est-ce qui lui prend ?

— Bien, sur ce, messieurs, je vous laisse, soupira Strange en se levant de sa chaise. Je vais aller dîner.

— Vous partez déjà ? s’étonna Carter, totalement perdu. Vous ne voulez pas assister aux interrogatoires de la famille ? Comment voulez-vous réussir cette enquête dans de telles conditions ?

— Je vous en prie, ne me sous-estimez pas, s’impatienta son interlocuteur en récupérant la liste des invités dans ses mains. Vous savez parfaitement que ça ne m’intéresse pas. Si j’ai des questions à leur poser, je reviendrai. Mais là, j’ai seulement faim ; Wilson, je vous invite à manger un morceau. À la revoyure, inspecteur-en-chef !

Il s’éloigna d’un pas vif et jovial, suivi par le soldat. Ce dernier dissimulait de plus en plus difficilement son intérêt pour cette curieuse affaire, et surtout, pour cet enquêteur aux méthodes étranges.

En sortant de la maison, Strange commença déjà à lire les noms des convives de la veille, et ils marchèrent en silence quelques minutes.

— Où allons-nous, à présent ? demanda Alexander tandis qu’ils retournaient vers Marylebone.

— Au Red Lion Inn, répondit son colocataire avec amusement. C’est la nostalgie qui parle.

— Vous êtes nostalgique qu’un inconnu vous mette un coup sur le nez ? releva le blond d’un air sceptique. Ma parole, vous n’êtes vraiment pas ordinaire, vous !

— Vous décidez de me suivre dans une enquête de meurtre, fit observer Strange. Est-ce votre définition de la normalité ? Vous êtes un militaire, Wilson, vous n’êtes pas fait pour rester inactif.

En revenant sur Oxford Street, Alexander repensa également à la nuit où il avait rencontré son compagnon. Le Red Lion Inn était aussi dynamique le jour que le soir. Les gens se réunissaient pour un bon repas et discuter chaleureusement. Lorsqu’ils entrèrent dans le pub, le barkeeper croisa leurs regards. Même de loin, le blond cru y voir de la surprise et un reste de rancune pour avoir saccagé son bar.

— Strange, qu’est-ce que vous venez faire ici ? interrogea-t-il avec froideur en les voyant approcher. Encore ici pour tout détruire ?

— Vous pourriez me réduire en poussières avec un regard aussi incendiaire, commenta l’intéressé avec désinvolture. Pourtant, vous avez été payé pour les dommages. Je viens simplement me restaurer, pas provoquer une révolution !

Son interlocuteur lâcha un reniflement méprisant, seulement à moitié convaincu. Les deux hommes s’installèrent à une table dans un coin de la salle. Ils passèrent commande de deux assiettes de rôti de porc, de pommes de terre et de légumes.

— Vous n’interrogez pas les suspects ? demanda Alexander tandis que son compagnon reposait la liste. Comment faites-vous pour récupérer des informations dans ce cas ?

— Vous n’avez sans doute pas beaucoup fréquenté les gens de la haute ! s’amusa Strange en croisant les jambes. Moi non plus à vrai dire, mais je sais à quoi m’en tenir avec eux. Ils mentent comme ils respirent, rien que pour protéger leurs petits secrets inavouables. Il n’est pas très intéressant de récupérer des informations erronées.

— Peut-être les gens ne sont-ils pas aussi mauvais que vous semblez le penser, avança le soldat. Si vous êtes un si bon enquêteur, vous devriez pouvoir reconnaître un menteur, non ? Et si vous rencontrez quelqu’un d’honnête, il pourrait vous aider.

— Les faits, Wilson, il y n’y a que ça à prendre en compte. Les personnes mentent, pas les faits. De toute façon, je finirai par savoir ce qu’il s’est passé et qui est le coupable.

— Et que ferez-vous quand vous l’aurez trouvé ? L’arrêter, je suppose ?

— Je ne suis plus de la police, ricana Strange avec amusement. Je n’ai plus le pouvoir d’arrêter les gens. De plus, je suis plutôt ce qu’on appelle vulgairement un flic de bureau. Je ne suis pas vraiment taillé pour l’action, moi.

— Lorsqu’on vous entend, on croirait que vous êtes déjà proche de la résolution de cette affaire, sourit Alexander.

— Pas vraiment, admit son colocataire. Je dois encore y réfléchir, et je vais sûrement y passer de longues heures. Une chose me trouble cependant. Ne trouvez-vous pas qu’il y avait beaucoup d’indices dans la chambre ?

Le blond réfléchit quelques instants, avant de se rendre compte qu’effectivement, les traces laissées par le coupable étaient flagrantes. Un papier dans la cheminée, l’arme encore couverte de sang, des traces rouges sur le tapis… pourtant, tout ceci ne menait à rien.

— C’est vrai que, suivant la théorie de l’assassinat préparé avec soin, laisser des marques aussi évidentes, c’était plutôt imprudent. Vous pensez qu’il a été interrompu par quelque chose ?

— C’est une probabilité, marmonna le noiraud en fronçant les sourcils. Mais je pense plutôt que c’était intentionnel. Mais pourquoi, dans quels buts ? Quels indices sont volontairement abandonnés et quels sont ceux qui ne l’ont pas été ?

Un serveur vint leur apporter leur repas, avant de repartir pour d’autres commandes. Ils commencèrent à manger en silence, tous deux arborant un air songeur.

— Strange, reprit brutalement Alexander, tout à l’heure, lorsque nous étions dans la chambre, vous avez laissé sous-entendre que Lord Pembroke n’avait pas remarqué qu’il perdait du sang. Comment expliquez-vous cela ?

— Aah, ça, sourit l’intéressé en reposant son verre d’eau. J’avais mentionné une coupure au doigt et du sang sur le tapis, également. Il a remarqué qu’il saignait, mais ce n’était pas ce qu’il pensait. La coupure qu’il avait à l’index était anodine, mais encore récente. Elle était très mince, presque imperceptible. Elle a sûrement été produite par une feuille de papier. Il a sûrement pensé que le sang venait de là.

— Vous plaisantez ?

— Pas du tout ! Vous n’avez pas idée du nombre de coupures qu’il est possible de se faire en étant entouré de documents. N’oublions pas qu’il était d’un âge respectable, donc il devait…

Il s’arrêta dans sa phrase, le visage soudainement figé. Son regard resta baissé sur son assiette, comme totalement incrédule.

— Strange, est-ce que vous vous sentez bien ?

— Mais quel idiot je fais ! Pourquoi n’y ai-je pas pensé plus tôt ?

Il se leva de sa chaise d’un bon, lâchant quelques pièces sur la table pour payer le repas, avant d’attraper sa veste sur le dossier de sa chaise. Il s’élança en dehors du pub, pris d’un nouveau regain d’énergie.

— Où allez-vous ?!

Comprenant que son compagnon ne l’attendrait pas, le soldat se leva à son tour et sortit à sa suite. L’enquêteur avait déjà traversé la rue en courant et s’éloignait de l’autre côté en courant.

— Mais qu’est-ce qui lui prend encore ? marmonna Alexander avant de se lancer à sa poursuite.

Ne voulant pas le perdre de vue, il fut obligé de cavaler derrière lui, se glissant entre les passants. À cet instant, il remercia son excellente condition physique de militaire ! Rapidement, le blond devina que son colocataire repartait sur Grosvenor Square. Pour un homme aussi apathique que Strange, il était pourtant remarquable au sprint : il ne put le rattraper que lorsqu’il arriva sur la place, près de la maison. Ses joues étaient rosies par le vent, ses cheveux noirs encore plus en bataille, et sa respiration rapide le faisait haleter. Alexander, plus habitué que lui aux efforts physiques, avait à peine chaud.

— Qu’est-ce que vous fabriquez, Strange ?

— Il… il faut que je voie… la famille… souffla l’intéressé en se précipitant à l’intérieur. J’ai été… trop lent…

Ouvrant la porte qui menait au salon à la volée, l’enquêteur interrompit immédiatement l’interrogatoire de Carter. Le militaire le suivit et referma la porte derrière lui.

— Le nom… Il me faut… le nom… du notaire… haleta le noiraud sans s’encombrer de la moindre formule de politesse.

— Strange, qu’est-ce qui vous prend d’entrer de cette façon ! s’insurgea l’inspecteur.

— J’ai dit : « il me faut le nom du notaire » ! s’impatienta le concerné.

— Pour l’amour de Dieu, calmez-vous ! intervint son colocataire en posant une main sur son épaule. Prenez au moins le temps de reprendre votre souffle !

Son compagnon, bien que semblant réticent dans un premier temps, finit par approuver d’un signe de tête et prit une longue inspiration. Assise sur le sofa en face de l’inspecteur, une femme d’une cinquantaine d’années restait muette face à cette intrusion brutale. Ses cheveux bruns étaient retenus dans une volumineuse coiffure élégante. Son visage, bien que marqué par quelques rides, conservait une allure noble. Sa robe noire retombait sur ses pieds. Le mouchoir qu’elle tenait à la main et ses yeux rougis laissait penser qu’il s’agissait sûrement de l’épouse de Lord Pembroke.

— Q-qui est cet homme ? interrogea-t-elle en réprimant un sanglot. Que fait-il ici ?

— Je suis… commença le noiraud avant que Carter ne l’interrompe.

— Un détective, se précipita-t-il. Un des meilleurs. Il nous aide à retrouver la personne qui s’en est prise à votre mari. Excusez ses manières un peu brutales, il est encore jeune et impatient.

— Jeune, pas vraiment, répliqua Strange avec brusquerie. Impatient, oui. J’ai besoin de savoir le nom du notaire de votre époux, et vite !

— Cela ne peut-il pas attendre la fin de l’entretien avec l’inspecteur ? demanda poliment Lady Pembroke.

— Non ! s’exclama l’enquêteur comme si c’était une évidence.

— Il s’agit de Daniel Osborne, répondit finalement la dame. Il a un cabinet dans les environs de Westminster.

— Saviez-vous si votre mari avait rédigé un testament ? Ou plusieurs ?

— Il en a rédigé deux cette année, il le changeait en fonction de son humeur…

— Parfait ! conclut Strange avec un sourire. C’est tout ce dont j’ai besoin.

Il fit demi-tour pour repartir, mais avant de franchir la porte, il se retourna.

— En réalité, je ne suis pas détective. J’ai simplement fait le pari avec Carter que je trouverai le meurtrier avant lui ! Au revoir !

Alexander le suivit, bouche bée, et ils ressortirent aussi vite qu’ils étaient entrés. Strange semblait à nouveau débordant d’énergie.

— Pourquoi lui avez-vous posé des questions sur son notaire ? demanda le blond.

— Les nobles qui prennent de l’âge font généralement un testament pour répartir les richesses entre leurs enfants. Celui-ci n’avait sûrement pas échappé à la règle. Je suis maintenant à peu près certain que le papier calciné dans la cheminée est le dernier testament que Lord…

— Pembroke.

— Oui, merci. Le dernier testament qu’il a rédigé. Quelqu’un l’aura détruit en voyant qu’il n’hériterait plus d’une part du gâteau. Il serait intéressant de savoir ce que disait le dernier document que le notaire a reçu. Et donc, qui aurait eu intérêt à le tuer.

— Mais si ce papier brûlé n’est pas un testament, votre hypothèse ne tiendrait pas debout ! fit remarquer le soldat.

— Au contraire, mon cher, sourit Strange en agitant son index devant ses yeux. Avez-vous entendu ce que sa femme nous a dit ? Il rédigeait son testament en fonction de son humeur. Il se pourrait qu’il le change en fonction de la qualité de la relation entre lui et ses fils. Un garçon déshérité pourrait très bien en venir aux mains… ou dans le cas présent, au stylet.

— Je vois où vous voulez en venir, murmura le blond. Nous allons donc rendre visite au notaire ?

— Non, je vais y aller seul. Vous pouvez rentrer à York Street, je vous rejoindrai. Les notaires ne font pas partie des gens qu’on peut brusquer, et je sais quoi dire pour obtenir ce que je désire.

— Êtes-vous certain que vous êtes la personne la plus indiquée pour faire preuve de douceur et ne pas brusquer les gens ?

— Je ne vois vraiment pas ce que vous entendez par-là, Wilson. Je ne suis pas si impétueux ! Si vous manquez de distraction, pourriez-vous chercher dans les journaux qu’il y a dans le studio ? Je suis certain d’avoir déjà lu le nom de notre victime quelque part. Il a du faire les gros titres à un moment.

— Je pense que vous n’avez pas véritablement conscience de la quantité de journaux qu’il y a dans cet appartement, soupira le blond en haussant un sourcil.

— Avec un peu de chance, vous aurez trouvé avant mon retour, sourit Strange en s’éloignant pour trouver un fiacre. Au fait, pourriez-vous demander à Annie de monter mon repas à mon retour ? À ce soir !

Alexander le regarda partir avant d’esquisser un sourire. Il était vraiment tombé sur un drôle d’oiseau !

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