Juliette et Roméo
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Juliette et Roméo
Je m’appelle Juliette...
Dès la première phrase, on sent le bug, l’entourloupe, le piège... La blanche colombe qui va se faire choper par un sombre piaf, plus puissant et éminemment retors.
Parce que grosso modo, à l'évocation de ce prénom, tout le monde pense, forcément, à son Roméo, à sa belle histoire d’amour tragique, à cette dague qu’elle préféra s’enfoncer dans le corps plutôt que vivre sans lui... à 13 ans.
Mais au fond, qu'est-ce que Roméo et Juliette ?
Loin de moi l’idée de minimiser le génie de Shakespeare, passé maître incontesté, incontestable dans l’art de la tragédie... mais en gros, c’est l’histoire d’un "encore gamin" un brin obsédé sexuel qui s’est pris un vent à décorner les bœufs par son ex "Rosaline" et s’entiche d'une autre gamine (Juliette).
Elle est mignonne, naïve et, dans sa soif de rébellion contre une famille qui essaye de la marier à un comte, s’entiche follement du fils de la famille ennemie de la sienne.
Bref, une ado quoi.
Le Roméo lui dit exactement ce qu’elle a envie d’entendre, elle fond et couche avec lui...
Ruinant ainsi toutes ses chances de devenir une "épouse convenable" pour le comte, parce qu’on ne rigolait pas vraiment avec la virginité des filles au 16e siècle...
Elle n’a donc pas d'autre choix que de foncer tête baissée dans cette histoire et ils décident de se marier en secret. Mais les choses ne se passent étonnamment pas comme prévu.
C’est vrai ça, comment ce plan fomenté par deux gosses sur un espace de 4 jours pouvait échouer sans smartphone, Google, géolocalisation et tous ces outils servant à nous faciliter la réalisation de nos conneries ?
En résumé, elle fait semblant d’être morte pour échapper à son mariage forcé, Roméo qui n’a pas pu lire sa lettre explicative boit une fiole de poison et meurt pour de vrai.
Juliette finit par se réveiller de sa fausse mort et se poignarde pour rejoindre son amoureux/mari tout neuf dans l’éternité... ou peut-être qu'elle avait trop peur de se faire déchirer par son père, mais ça, c’est pas dit dans la pièce.
S’il n’y avait pas la plume vibrante, ensorcelante de William Shakespeare et la somptueuse Vérone, on serait clairement dans un fait divers sordide en Picardie relayé sur nos télés dans “Enquêtes Criminelles” ou “Faites entrer l’accusé”.
Voilà, je m’appelle Juliette et c’est moi qui poignarde les Roméos. Pas physiquement, je vous rassure, mais émotionnellement, sentimentalement. Je n’en tire pas de gloire, ni de satisfaction...
Mais je constate mon incapacité totale à me donner corps et âme.
Je saborde, refuse de perdre le contrôle. Dans une forme d'atavisme de prénom vengeur...
Et que trépasse si je faiblis... (citation qui n'a aucun rapport avec l'histoire précitée, mais j'aime bien)
Luce 17 days ago
❤️🩹💀Could you be loved and be loved
Jean-Christophe Mojard 17 days ago
Je suis admiratif de ce texte. Quelle plume ! Le ton est jouissif et le sujet est traité admirablement en regard de l'œuvre. C'est somptueux, majestueux et redoutablement efficace.
Juliette Norel 17 days ago
Merci infiniment, Jean-Christophe, pour ces si jolis compliments ! J'espère que Shakespeare saura me pardonner le vitriol de ce regard sur son chef-d'œuvre...
Jean-Christophe Mojard 17 days ago
Il saura ou sera sa propre tragédie.
Juliette Norel 17 days ago
rhooo merci infiniment Jackie🌹 vous êtes un vrai soleil 🌞... suis très touchée !
Jackie H 17 days ago
C'est ainsi que je vous adore, Juliette : en déconstructrice de mythes - pour mieux approcher la réalité 🙂