L'orage de banlieue
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L'orage de banlieue
J’ai un souvenir vivace de ce texte. J’étais au sous-sol de la maison (aménagé en pièce à vivre), à Toronto, bien au chaud. Il était minuit passé quand un de ces violents orages printaniers s’est subitement abattu, très proche. Je l’ai observé quelques instants par les petits vasistas et j’ai commencé à écrire...
[Le citadin]
Le tonnerre gronde dans le lointain.
Je referme la fenêtre et ne pense à rien.
Je suis au chaud, bien à l’abri.
C’est pas comme si je risquais ma vie.
Il y a des choses qu’il faut savoir,
des trucs connus dans les terroirs.
C’est quoi déjà qu’on m’a appris ?
Sur les orages et sur la pluie ?
Faut pas courir dans les clairières,
par peur d’être foudroyé d’un éclair.
Et s’abriter sous un sapin ?
Non, je crois que c’est pas très malin.
J’en suis plus sûr, je suis pas certain,
toutes ces leçons elles sont bien loin.
Pis faut admettre, ça me sert à rien,
moi qui ne suis qu’un citadin.
[Le gamin]
Le tonnerre gronde dans le lointain.
Je me cache les yeux avec les mains.
Mes os sont gelés, je suis transi.
Cette fois, je crois bien que c’est fini.
Au plus fort de mon désespoir,
j’ai pas pensé qu’il pourrait pleuvoir.
De toute façon, j’avais pas le choix,
je suis sûr qu’il m’aurait tué cette fois.
Si fatigué, j’ferme les paupières,
mais je sursaute aux coups de tonnerre.
La pluie ruisselle même sous ce sapin.
Je me demande si je connaîtrais demain.
Les injures, les coups, c’était le trop-plein,
alors j’ai fugué ce matin.
J’crois plus aux bons samaritains,
Cette nuit je cesse d’être un gamin.
[Le citadin]
Les voisins sont pas en train de gueuler,
je vais en profiter pour me coucher.
J’espère qu’il fera meilleur demain,
Car j’aime ma balade du matin.
Ça me déstresse moi qui bosse fort.
C’est plus efficace que le sport.
On verra bien, je me roule au chaud.
Sous la couette, c’est l’heure du dodo.
[Le gamin]
J’essuie mes larmes toutes séchées.
Je commence à être vraiment fatigué.
Je suis brisé, j’n’espère plus rien.
J’aimerais qu’il n’y ait plus de lendemain.
Glacé, je tremble de tout mon corps,
Ha! Ça y est, enfin je m’endors.
Le vent, la pluie m’ont engourdi,
c’est presque comme si j’étais au lit.
[Le citadin]
Y’a du soleil, c’est merveilleux !
[Le gamin]
Je suis mort, plus la peine d’ouvrir les yeux.
[Le citadin]
Je vais pouvoir faire ma balade.
[Le gamin]
Je m’envole tel un nomade.
[Le citadin]
Ce fut le pire de tous les matins,
J’ai découvert le corps d’un gamin.
Recroquevillé sous un sapin,
J’ai reconnu mon petit voisin…