Autopsie d'une parole étouffée
On Panodyssey, you can read up to 30 publications per month without being logged in. Enjoy29 articles to discover this month.
To gain unlimited access, log in or create an account by clicking below. It's free!
Log in
Autopsie d'une parole étouffée
Si je devais écrire un préquel pour mon roman "Une anonyme au bout du fil" alors ce serait ceci: Lettre ouverte à celle que j'étais...
Juliette,
Il faudra que tu dises la vérité sur la puanteur de la boue dont tu te sens salie,
sur la condescendance abjecte dont on t’éclabousse quand tu essaies de parler.
De ces policiers qui te jugent pour une jupe trop courte,
une bouche peinte en rouge,
ou tes yeux qui ont refusé de se baisser.
De ces appels à l’aide qui se perdent au bout du fil,
de ces silences qui te crachent que “tu l’as bien cherché”,
de ces plaintes qu’on te dissuade de déposer.
Que tu dises ce que c’est de se faire examiner
par un médecin légiste qui cote la douleur que l’on t’a infligée.
Il faudra que tu dénonces tous ces moutons, aussi,
Qui, refusant de comprendre, te renvoient à des questions
Qui te clouent net au pilori
Et te marquent au fer de la honte :
“Pourquoi tu ne t’es pas défendue ?”
“Pourquoi y es-tu allée ?”
Ou “Pourquoi y es-tu retournée ?”
Parce que tu es seule dans ce fumier dont on te recouvre,
qu’on n’entend pas tes cris qui s’étouffent,
que tu te noies à contre-courant,
doutant même de tes propres droits.
Parce qu’on a beau pondre de jolies directives
Dans notre bel État.
Au final : soit tu es une faible conne,
Soit une vile tentatrice.
Et parce qu’enfin, c’est certainement de ta faute à toi
Si tu saignes aujourd’hui,
Et que demain, peut-être,
Tu seras l’une des 134 de tes soeurs
Tombées sous les coups d’un homme
Qu’elle a jadis chéri.
Jackie H 3 months ago
Autopsie de la parole de toutes les victimes, féminines le plus souvent il est vrai mais aussi masculines, dont la parole est mise en doute et le consentement éternellement supposé sur le moment même ou a posteriori... "Si tu es victime, c'est de ta faute, c'est que tu as manqué de prudence, c'est que tu t'es exposé(e) au danger, *donc* c'est que tu l'as bien voulu, ou c'est que tu ne t'es pas assez défendu(e) donc c'est qu'au fond, tu étais d'accord"... Tant que l'on n'aura pas déconstruit en règle ce genre de discours, on n'arrivera pas à faire vraiment bouger les choses.
Vous faites un travail indispensable. Bravo 👏🏻👍🏻🙂
Juliette Norel 3 months ago
merci infiniment Jackie..très touchée ⚘️