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Quand la science s’intéresse aux potions des sorcières

Quand la science s’intéresse aux potions des sorcières

Published Oct 19, 2024 Updated Oct 19, 2024 Offbeat
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Quand la science s’intéresse aux potions des sorcières

Potions magiques et philtres d'amour : entre légende et science

Je suis tombée sur une étude insolite, publiée en 2022 dans The Royal Society of Chemistry, une prestigieuse revue scientifique.

Cette étude nous plonge dans l’univers mystérieux des potions de sorcières et nous en révèle quelques secrets. Alors je me suis dit qu’il fallait que je vous en parle :-)

Si cette ambiance de chaudrons bouillonnants et de vieux grimoires vous captive… Et si vous êtes curieux de découvrir l’éclairage qu’y apporte la science actuelle, suivez-moi !

CC0 License_A witch in the moonlight, opening her hand to a mandrake plant dressed in a white veil. Drawing by or after H. Fuseli.

Depuis des siècles, l’image des sorcières nourrit une foule de récits historiques, mystiques et ésotériques.

On se représente les sorcières comme des femmes - soit hideuses, soit d’une beauté envoûtante -, qui lancent des sorts à tout-va et fendent l’air de la nuit, à cheval sur un balai de bruyère…

… Mais surtout, qui concoctent des potions magiques, à partir d’ingrédients improbables, voire répugnants.

Or, une équipe de chercheurs s’est intéressée à leurs légendaires philtres d'amour et autres élixirs de sommeil. Et il s’avère que ces mixtures font davantage penser à de la chimie très avancée… Semblable à celle que pratique aujourd’hui l’industrie pharmaceutique.

Parmi les femmes accusées de sorcellerie, nombre d’entre elles étaient expertes en botanique et en phytothérapie. Elles savaient utiliser les plantes mais aussi d’autres substances naturelles, pour préparer des remèdes et soigner les maladies.

Certaines étaient aussi dotées de dons de guérison ou de magnétisme. Autant de savoirs et de facultés, qui se transmettaient de génération en génération.

Elles détenaient donc un pouvoir susceptible d’être perçu comme de la magie. Et de susciter la peur ou la défiance, parmi les ignorants et les superstitieux… Voire de menacer l’autorité de l’Église et de certains puissants.

À partir du 15e siècle, l'Europe a connu deux grandes vagues de chasse aux sorcières, marquées par des persécutions violentes, notamment entre 1600 et 1650.

Cette sombre époque a vu des dizaines de milliers de femmes, souvent guérisseuses, être accusées de sorcellerie puis condamnées à mort.

Entre 1692 et 1693, cette chasse aux sorcières a atteint son point culminant avec le - tristement - célèbre procès des sorcières de Salem, dans le Massachusetts.

Les procès de Salem :  conséquences d’une simple intoxication alimentaire ?

Durant cette sinistre période, plus de 200 personnes ont été accusées de sorcellerie et 20 d’entre elles, principalement des femmes, furent exécutées.

Tout est parti des inquiétants symptômes dont ont soudain été pris les villageois de Salem : des convulsions, des hallucinations et des comportements étranges… Des symptômes que les juges se sont hâtés d’attribuer aux forces démoniaques.

Mais certains scientifiques avancent aujourd’hui une tout autre explication, d’ordre médical…

… L’ergotisme.

Une intoxication alimentaire due à l'ingestion d'ergot de seigle, contaminé par un champignon parasite.

L'ergotisme provoque des symptômes similaires à ceux observés chez les villageois de Salem. Stockée dans des lieux humides et froids, la farine contaminée par ce champignon, pourrait bien être à l'origine de ces crises bizarres.

Car ce champignon contient des alcaloïdes, aux effets proches de ceux du LSD. Et ils provoquent justement des hallucinations, des convulsions et des crises d'épilepsie.

En quantités faibles, ces substances induisent une confusion mentale, mais à doses plus importantes, elles provoquent des crises violentes et des attitudes erratiques.

Or la plupart des femmes accusées de sorcellerie avaient échappé à cette intoxication. Des historiens expliquent que c’est parce qu’elles vivaient en marge de la société et n’avaient pas accès à la farine contaminée.

Hélas, leur apparente immunité contre ce mal mystérieux a éveillé les soupçons… Et induit l’idée qu’elles avaient pactisé avec le démon. Ce qui leur fut fatal !

On a identifié les ingrédients de la mythique potion du sommeil 

CC0 License The spell (1930s) by H E Gaze.

Vous vous en souvenez ? Dans « La Belle au bois dormant », « Blanche-Neige » ou encore « Roméo et Juliette » une simple potion plonge les héroïnes dans un profond sommeil, ressemblant à la mort.

Figurez-vous que cette potion de sommeil existait réellement :

Les sorcières la confectionnaient pour plonger celui qui la buvait dans un sommeil profond. Mais elle pouvait le mener au coma ou la mort, si elle était mal dosée.

En se plongeant dans d’authentiques recettes, les scientifiques ont reconnu plusieurs substances naturelles, dont certaines sont aujourd’hui exploitées par la médecine…

  • Comme l’extrait de digitale, une plante aussi connue sous le nom de " gant de Notre-Dame", qui ralentit le rythme cardiaque. On l’utilise maintenant contre les problèmes d'insuffisance cardiaque ;
  • Comme l’extrait de crapaud séché – plus pittoresque -, riche en bufotoxine. La bufotoxine ralentit le rythme cardiaque et abaisse la température corporelle… Un effet qui pouvait être utilisé pour simuler la mort dans les rituels de sorcellerie ;
  • Ou comme l’extrait de racine de serpentine, une plante aujourd’hui utilisée contre l'hypertension. Elle contient de la réserpine, qui agit sur le cerveau et ses neurotransmetteurs. Elle provoque une profonde léthargie avec parfois, des troubles mentaux ;

Ces ingrédients explosifs étaient dilués dans de l’huile d'amande douce, pour en faciliter l’absorption par la peau ou les muqueuses.

Un tel cocktail ralentissait le métabolisme, réduisant l'activité cérébrale et musculaire. Il pouvait ainsi entraîner un sommeil profond voire mortel, exactement comme les contes et légendes le décrivaient !

CC0 License_A witch placing a scorpion into a pot in order to make a potion. Etching by F. Landerer after M. Schmidt.

Le mystère des philtres d’amour révélé

Commandités pour gagner le cœur de l’être convoité, les philtres d’amour combinaient des ingrédients aussi puissants que dangereux.

Menée en laboratoire, l’étude de leur composition a détecté la présence…

  • De racine de mandragore, célèbre pour sa forme humanoïde et ses propriétés narcotiques.  Symbole de sorcellerie, cette plante contient des alcaloïdes aux effets hallucinogènes et aphrodisiaques ;
  • De feuilles de jusquiame, une plante toxique riche en substances alcaloïdes hallucinogènes et anesthésiantes. Utilisées dans les rituels de sorcellerie, elles déclenchaient des visions et des états altérés de conscience ;
  • De noix d’arec, un puissant stimulant et euphorisant qui augmente le rythme cardiaque et provoque l’excitation ;
  • De chanvre jaune, riche en éphédrine, un alcaloïde qui stimule la libération de neurotransmetteurs impliqués dans les sensations de plaisir et d’amour.

L’action de ce philtre est tout aussi fascinante, d’un point de vue scientifique. Les alcaloïdes de la mandragore et de la jusquiame sont des inhibiteurs du système nerveux parasympathique. Cela signifie qu'ils bloquent l'action de certains neurotransmetteurs, impactant alors le rythme cardiaque, la vision et l'état de conscience.

Quant à l'éphédrine, elle agit comme un stimulant qui imite les symptômes de l'amour, en augmentant l'excitation et le désir.

Toutefois un mystère demeure… Comment cet élixir parvenait-il à agir sur les sentiments ressentis envers UNE personne en particulier ?

Ça, l’histoire ne le dit pas !

Les sorcières étaient-elles des êtres mystiques… De brillantes chimistes… Ou tout ça à la fois ?

En manipulant avec tant d’aisance des substances aussi toxiques que les alcaloïdes et les bufotoxines, elles agissaient réellement sur les esprits et les corps de ceux qui croyaient en leur pouvoir magique.

Tenez, prenez le cas de la mandragore et de la jusquiame : elles contiennent de l’atropine, un alcaloïde dont la médecine se sert pour dilater les pupilles lors d’examens oculaires.

À forte dose, l’atropine peut engendrer des hallucinations et des états de conscience altérés. Pas étonnant alors, que ces plantes soient traditionnellement associées à des rituels mystiques et des incantations de sorcellerie.

En soi, cette connaissance approfondie des plantes et de leurs effets physiologiques est déjà surprenante.

Les sorcières semblaient même connaître les caractéristiques chimiques de certaines substances - des caractéristiques pourtant indécelables à l’œil nu -.

Elles savaient par exemple, que certains alcaloïdes ne sont pas solubles dans l'eau. Alors elles les mélangeaient à des huiles pour créer des onguents, qu'elles frottaient sur leur peau, notamment sur les parties du corps où l'absorption était la plus efficace.

Cette méthode transdermique, aujourd'hui bien connue en médecine, leur permettait d’administrer des doses étonnamment précises, sans risquer d’intoxication mortelle.

Vue sous cet angle, la sorcellerie se confond finalement avec l’ethnomédecine !

Car pour soigner les maladies, l'ethnomédecine recourt aux connaissances médicinales traditionnelles propres à une culture et un territoire.

Ethnomédecine et sorcellerie ont en commun de s’appuyer sur les éléments de la nature et sur des techniques ancestrales. Ces deux approches intègrent aussi une dimension spirituelle, avec des rituels ou des symboles qui traitent à la fois le corps et l'esprit.

Les légendaires potions de sorcières reflètent une époque où la connaissance des plantes et de la nature était considérée avec crainte et suspicion. Or aujourd’hui, la science nous dit que ces formules magiques sont en fait de véritables cocktails chimiques, dont les composés bioactifs produisent des effets bien réels sur le corps humain.

En définitive, les sorcières étaient peut-être des chimistes de grand talent, douées d’une véritable expertise scientifique.

Longtemps associées à la magie, leurs potions mystérieuses sont aujourd'hui décryptées et même réutilisées par l’industrie pharmaceutique.

Alors la prochaine fois que vous entendrez parler d’une potion magique, dites-vous qu'il pourrait juste s’agir de science… Une science oubliée, à présent redécouverte.

Merci de m’avoir lue 😊

Maivan Lecoq

PS : Partout dans le monde, certains remèdes traditionnels sont utilisés depuis des siècles et continuent de l’être.

Alors j’aimerais bien connaître votre avis sur ce point :

Selon vous, les médicaments modernes, qui exploitent les mêmes substances naturelles, sont-ils toujours plus fiables et plus efficaces ? Ou pensez-vous que les savoirs ancestraux sont sous-estimés ?

Mes sources :

  1. Llanes LC, Sa NB, Cenci AR, Teixeira KF, de França IV, Meier L, de Oliveira AS. Witches, potions, and metabolites: an overview from a medicinal perspective. RSC Med Chem. 2022 Mar 30;13(4):405-412.
  2. Salem Witch Trials Documentary Archive and Transcription Project, University of Virginia.
  3. Caporael, L. R. (1976). Ergotism: The Satan Loosed in Salem? Science, 192(4234), 21–26.
  4. Linda Caporael (1976). The Role of Ergot in the Salem Witch Trials. Science
  5. Lüllmann, Mohr et Hein (2019). Pharmacology of Digitalis.
  6. Kamano, Y., et al. (1995). Relationship between Bufadienolides and Cardiotonic Activity. Journal of Medicinal Chemistry.
  7. Cheung M. and Parmar M., Reserpine, StatPearls Publishing, Nova Southeastern University, Treasure Island (FL), 2021
  8. Schultes R. E., Hofmann A. and Rätsch C., Plants of the gods: their sacred, healing, and hallucinogenic powers, Healing Arts Press, Rochester, Vt., 2001
  9. Statler A. K., Maani C. V. and Kohli A., Ephedrine, 2022

Cet article a été publié dans 

L’Écho de la Source

© Maivan LECOQ - 2024 - Tous droits réservés – Reproduction même partielle interdite

 

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