Cliquetis, tintamarres et brouhahas
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Cliquetis, tintamarres et brouhahas
Une fourmi rouge, échappée, par je ne sais quelle providence, d'une famille d'Apaches à plumes et à flèches empoisonnées, est en train de grignoter le cerveau de notre planète! Elle vient des vastes étendues sauvages des terres lointaines d'Amérique, là où des pionniers édentés ont creusé profondément les nids des rivières pour trouver des pépites d'or à glisser dans leurs passoires trouées. Elle a embarqué à bord d'un bateau à vapeur, avec pour simple bagage, un petit sac à dos contenant un carnet pour ses nombreux croquis: essentiellement des études de dénivelés de pentes et de montées, de canaux souterrains, de mécanique des fluides compressées, de lignes droites passant d'un point A à un point B, de géologie animalière, avec un peu de passion pour la botanique aussi. Il faut bien avouer que c'est une experte en son domaine avec peut être un brin d'opiniatreté suppléméntaire par rapport à son amie: la taupe myope du Golfe du Mexique par exemple ou à une autre petite bête à Bon Dieu: sa cousine la coccinelle à pois noirs qui passe son temps sous les trèfles à quatre feuilles à la recherche de pucerons dodus qui veuillent bien lui chercher des poux ou l'épouser. Toutes, même la vieille fille gloutonne et gourmande déguisée en Minie la compagne de Donald, ont reçu une éducation hors paires, et surtout presbytérienne: jamais de plaintes hors normes, jamais de repos bienvenu. Leur existence toute dépouillée comme un linge humide séchant sans superflu, me fait penser à la vie de ces moniales en sandales de cuir et robes de bure ,qu'elle ne quittent jamais. Elles adorent bêcher leurs nombreux potagers qu'elles cachent à l'abri du regard des envahisseurs sur des hauts plateaux, ou derrière les murs de leurs monastères toujours en ruine, en friche et hauts perchés. De toute façon, elle comptent bien sur un généreux donateur passant par là et qui mettra la main à la poche pour les sauver de tant de dénuement ,se fichant comme une guigne de la fameuse famine au Sahel ainsi que de la lèpre. La bonne action ne peut se faire partout! Les pierres peuvent parfois être des diamants disent en boucle les fondations pour le patrimoine en péril. Et puis on ne peut reconstruire les multiples méfaits des guerres qui saccagent les momuments aux morts et les blessés aussi. Jamais rassasiés mais sans l'ombre d'une envie de luxure ou de plaisir, ces minuscules animaux travaillent sans répit, du matin jusqu'au soir et du soir jusqu'au matin, sans même penser à boire à même le sol. Elles aiment bien les femmes sous capuchon, et les pressings ouverts 7 Jours sur 7.
Cette fourmi est arrivée, je ne sais pas comment dans mon logis, avec une incapacité totale à aller ailleurs et en dépit d'un sens instinctif qui l'ordonnerait comme ses congérères à migrer vers mon armoire à provisions. Mais ce matin, je ne l'ai plus vu et je pense alors qu'une invisible armée de fourmis rouges l'a déjà recruté avec pour mission sensible mais invisible de nous porter des noises ou de nous protéger? Tout dépend du regard que nous portons sur les choses! Elle nous observe alors et comme je l'ai lu dernièrement, assise sur un drone avec des lunettes d'aviateur, et des jumelles pour scruter et repérer l'homme à haute teneur en fièvre! C'est une preuve indubitable que notre épreuve coronavirienne est loin d'être terminée. il nous faudra alors patience et endurance pour comprendre quelle est notre nouvelle destinée. Je n'ai pas la moindre idée s'il nous faut nous en débarasser au plus vite ou crier au scandale pour atteinte à nos libertés. Le vagabondage libre est désormais interdit et bien que nous n'ayions plus à signer les fameuses autorisations. Il n'en demeure pas moins que si nous avons de la température, il nous faudra faire la révérence de loin, de très loin derrière le nuage de postillons, et reléguer notre vibrante empathie pour nos concitoyens dans les sous-pentes du Palais de l'Elysée ou sous les pieds de nos députés, de nos députées qui ne pensent qu'à bailler lorsqu'ils sont en assemblée.
Qui vous demande de marcher pour marcher ? Qui vous demande de vous extasier devant la beauté des herbes folles qui poussent au pied des arbres sans pesticides? Il faudra composer désormais avec l'extrême sévérité de la nouvelle règle dans nos jungles urbaines et ne plus batifoler au hasard de nos envies sous les ponts, le dimanche après-midi, et tant pis alors pour le poète maudit.
De leurs années d'enfance, la jeunesse aura une incapacité à appréhender le monde autrement que par le prisme de l'utile et du rendement à tout va.
Saluer les arbres, dire bonjour au oiseaux comme le bon François d' Assise, sauter à pieds joints dans les caniveaux ou les ruisseaux, célébrer le levé du soleil en position du lotus, admirer la beauté des fleurs, courir rejoindre son amoureux, aider la vieille dame en lui portant ses paquets au sixième étage, tout cela sans être espionné par les caméras du monde braquées sur nos idylles, et les variations chaleureuses de nos passions. Quelle perte de temps que de vivre en rêvant!
La disparition des amoureux de la nature cachés dans les anciennes vallées herbeuses est une véritable menace pour la gente des écrivains qui remplaceront leurs jolis mots et parce qu'ils sont en colère par des cliquetis, des tintamarres et des brouhahas et pour faire taire le monde de son trop de bruit de nuisance!
Jeanne Gabriel-Villeneuve