Poétique de la réalité face à l'illusion.
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Poétique de la réalité face à l'illusion.
Je ne sais pas encore si prendre conscience de notre nouvelle réalité ou de notre ancien idéal de perfection font partie d'une des trois vertus cardinales.
Je vous rappelle pour mémoire qu'elles sont personnifiées par trois femmes: 1° la Force et sa branche de chêne, 2° la Prudence et ses deux visages ( celui du temps passé, c'est à dire de l'expérimentation assimilée et celui du temps actuel ), 3° la Tempérance symbole de notre domination sur nos mauvaises passions.
Ce que je sais en revanche, c'est que dans notre monde actuellement si bouleversé et qui tente vainement de ne pas s'accorder à l'ère de la rupture initiée par le virus couronné de ses notions de laid morbide et de sale empoisonnement; cette réalité nous contraint à respecter l'assignation à demeurer chez soi, tout en nous obligeant à quelques interdits moyennant la rédaction d'une attestation de survie.
Ce sera en tout cas le point de départ de ma réflexion qui tentera de ne pas parler de tragique, de malheur, d'inquiétude, d'échec et de servitude mais qui posera plutôt la question suivante: Vivons nous vraiment dans cette réalité virale aux allures de bourrasque pandémique ou sommes nous en proie à une illusion collective si proche de nos cauchemars les plus noirs et même sous nos masques en papier.
Loin du brouhaha général, nous n'avons en effet, plus le temps de penser à l'essence même de cette réalité, aux problèmes du quotidien, à l'équilibre ou à la fragilité de la vie humaine sur terre, à la vacuité ou non de nos désirs, à nos multiples fantasmes ancestraux. Nous avons surtout plus le temps de relire une des théories les plus célèbres de Hegel: la dialectique du Maître et de l'Esclave qui développe dans La Phénoménologie de l'Esprit, l'idée que la conscience prend conscience d'elle même à partir du moment où elle s'arrête de se demander qui est enchainé à qui ? Ce qui compte finalement, ce n'est pas de savoir si nous sommes devenus l'esclave de ce virus ou si il est notre maître à agir, mais si nous sommes toujours des hommes libres!
Je crois que la délicatesse de l'âme, le sens du sacré , la plénitude du langage sont et resteront toujours bien au dessus de lui. Avec ces notions d'élévation, nous sommes garants d'être loin des turpitudes de notre métro bondé de moribonds agressifs ou de magasins remplis de foules exitées et aux gestes hauts.
Cependant, nous sommes passés si brusquement de notre ancienne réalité lumineuse où il faisait bon discuter autour d'une coupette de champagne dans un hôtel, à cette réalité ténébreuse pleine de peurs d'un avenir foudroyé, qu'il est fort difficile de ne pas entrer dans la dystopie.
Alors, était ce si vrai que cela que le temps d'avant le virus était le paradis ? Qui peut se vanter d'avoir une vie exemptée de souffrance, de maladies, de morts? Etions nous vraiment dans un modèle de société irréprochable, sans pauvres et sans migrants sous nos portes ? La réponse est claire à énoncer: nous étions dans l'illusion d'une organisation perfectible faite de pseudo grâce et de fausses incarnations du pouvoir.
La mise en ordre de nos pensées, certes primordiale, nous fait prendre conscience que nous devons absolument dans ces semaines de repli, ne pas tomber dans la désespoir, dans la désepérance, ne pas non plus dresser des parois verticales nous empêchant de vivre sur des arêtes déchiquetées et ressentir notre force intérieure, notre joie de vivre. Chaque jour qui passera sera une victoire de la réalité contre l'illusion. Un monde d'émotions pures se bousculant contre un monde d'images utopiques!
Il y a bien longtemps, a existé en Grèce un peintre plein d'esprit et dont les oeuvres avaient une saveur picturale si particulière, si indéniable, qu'elles illustrent à mes yeux, le mieux la métaphore du clivage ou le dilemne entre réalité et illusion. Je veux parler de Zeuxis, peintre devenu riche et illustre qui est né en Grèce à Héraclée vers 470 avant J.C. Elève de Apollodore, il était connu pour sa recherche de l'illusion et l'éclat de ses couleurs. Son dessin était toujours très précis. Il aurait peint Marsyas, Jupiter, les centaures . Et puis un jour, il a du peindre la belle Hélène de Troie pour la représenter sur le temple de Héra à Crotone (Calabre-Italie du sud). Pour cela, Zeuxis choisisait les plus belles filles pour modèle, mais aucune des filles qui se présentaient lui convenait! La légende ajoute que ces toiles étaient admirés par tous aussi bien à Rome qu'à Constantinople. Cicéron insite sur cette réalité de peindre si juste que même les oiseaux pensaient picorer de vrais grappes de raisins! Malheureusement toutes ces toiles ont disparus. Alors, il est étrange de constater que personne n'a songé à contester la préeminence de Zeuxis sur les autres peintres. On voyait vraiment en lui l'incarnaion de la réalité dans ce qu'elle exprimait de vrai et de réaliste. Son Secret?
Zeuxis avait la facilité de saisir milles détails de la vie, de la nature, de l'histoire de Crotone pour les organiser en peintures plus vraies que vraies. Ce qui lui permit, lui peintre consciencieux de grimper les échelons de la gloire et d'arriver à la puissance ou à la cheville d'un Dieu créateur parfait. Mais tout cela n'a pas du se faire aussi facilement que cela! La rivalité entre Dieu et le peintre a du être redoublé dans un climat de jalousie perpétuelle.
La connaissance du vrai et du faux varie t-elle selon les époques qui juge ?
Comment faire pour montrer une certaine réalité et non l'illusion de cette réalité?
Nous pouvons aussi pour répondre à ces questions, retourner au Musée du Vaticant, après le confinement, il va sans dire, dans la Chambre de la Signature ( la future bibliothèque et cabinet de travail de Jules II°) peinte par le grand Raphaël. Le nom de cette pièce viendrait de "Segnatura Gratiae et lustitiae".Le programme iconographique des fresques est prodigieux et représente les 3 plus hautes catégories de l'esprit humain: Le Beau, le Vrai, le Bien.
Je m'interesse à ce vrai rationnel (la philosophie) contre le vrai surnaturel (la théologie).
La réalité contre l'illusion.
Si derrière la simplicité apparente du protocole duel qui oppose réalité et illusion, pour délivrer une image mentale qui nous satisfasse, il suffisait de pense et répeter comme un mantra que "penser en chambre c'est comme voyager par l'esprit", nous serions en harmonie.
Mais, malheureusement il y a une vraie difficulté à bien nous laisser dans une fausse réalité et dans une vraie illusion. Car dans ce temps singulier du confinement, nous comprenons finalement que nous devons rester vigilant à l'émerveillement d'un rayon de soleil qui passe par nos fenêtres, forme de vie entre ilusion et réalité, au chant d'un oiseau. Rester dans notre inventivité, bouleverser nos shémats traditionnels de pensée pour une redécouverte de la poésie.
Jeanne GABRIE-VILLENEUVE