Être rasoir

J’avoue qu’il m’a fallu pas mal de temps avant de reprendre ma plume. Même mes rasoirs sont restés dans l’étui. J’ai fermé le salon pour vacances. Ce con de Franz m’a fait flipper comme jamais. J’ai bien cru que j’allais me faire choper cette fois et heureusement qu’il habitait pas dans le sud-ouest d’ailleurs. Je sais de quoi sont capables les deux énergumènes de Bayonne, Peio et Xabi. Faut que je sois plus prudent parce que j’ai bien envie de continuer. Je vous le dis à vous, parce que je vous êtes un peu mes confidents, mais j’adore laisser des sourires sur les gens. Or, je suis nul en blagues, je dirais même que je suis rasoir ! Ha ha ha. Vous voyez, je viens de vous le dire, je suis nul. Par contre le rasage de près ça je sais faire. Et franchement, quand on doit faire attention comme ça sur la peau des gens, à un moment il faut lâcher la pression et quoi de mieux qu’une belle ouverture et le sang qui fait pschit ! Ho putain ! Attendez, je reviens.

J’étais en train de vous écrire ce truc et le pschit m’a fait penser à autre chose : et si je me lançais dans des créations artistiques ! J’ai vu ça dans Les Experts à la télé, le gars il étudiait les projections de sang sur les murs. Les gouttelettes, la taille, la forme, la couleur, le chemin des projections. Vous imaginez le truc ! Je fais de l’art sur le mur et ils en parlent ! Houlala ! Je suis comme un fou là ! Faut que je trouve des gens avec des murs suffisamment propres pour que je puisse faire mes tableaux. Après j’hésite un peu. Est-ce que je dessine d’abord sur un papier et je reproduis sur le mur ? Ou alors j’improvise ? Putain c’est chiant de choisir. Je vais faire un test. Bougez pas je reviens.

Bon, alors le truc de faire avant et de recopier c’est nul. Après, je sais pas si c’est à cause du chat qu’est pas pareil qu’un homme, j’en ai chopé deux en changeant de quartier, mais je suis pas arrivé à reproduire mon dessin. Je sais pas. Y’avait du sang, c’est pas ça le truc, mais ça faisait pas pareil. À la coupe d’abord j’ai senti que c’était pas top. Et quand je mettais les pigments sur les lames pour projeter j’étais pas bien. Faut dire que c’était des chats quoi ! Et puis je suis pas arrivé à refaire mon dessin. En plus je viens de voir un truc, selon le mur ça rend pas pareil, la couleur, la texture. Bref, c’était pas ouf.

Je crois qu’en fait il faut pas comparer. Parce que si le tableau sur le mur est moins bien que l’original sur papier ça va me gâcher le truc. Alors que je kiffe vraiment cette idée de faire de l’art, genre la naissance d’un nouveau courant pictural. Je sais pas si on dit ça comme ça. J’ai cherché à le nommer, quelque chose comme l’impressionnisme, mais j’ai du mal à trouver un nom en mélangeant sourire, sang et finir par isme à la fin. Avec rasoir peut-être ?

Barbierisme

Barbierisme ! Je vais faire du barbierisme ! C’est venu comme ça. En fait je faisais des mouvements avec les rasoirs que j’ai ressortis. Un peu comme un chef d’orchestre, vous voyez et bim, jai balancé le bras pour faire comme si je peignais et, en même temps j’ai clamé « Barbierisme ! ». Là je rigole tout seul en pensant à Barbapapa. Ça n’a rien à voir, mais dans ma tête, ça a fait hip hip hip Barbierisme.

C’est donc décidé, je vais chercher des supports muraux intéressants. Selon la couleur et la texture, ça peut nourrir mon imagination. Après j’ai plus qu’à dessiner les sourires, à récupérer la matière et faire mon chef-d’œuvre mural. Je sais que ça sera plus risqué parce qu’il va falloir que je dise que c’est du Barbierisme. Mais de toute façon, je suis grillé parce que les gars qui utilisent des rasoirs y’en a pas beaucoup et je dois bien être dans un dossier genre tueur en série. Je vais réfléchir au truc, mais ça va le faire. Je me demande même si ça peut valoir quelque chose. Parce qu’en matière d’art, c’est pas tellement l’œuvre qui compte, mais le concept.

Bon, les ptits loups, je vais aller faire quelques repérages et on va lancer notre courant. J’ai hâte de ma première création.

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Pour me comprendre : Journal d'un Dacquois.

Création visuelle Seelab.ai retravaillée sous Apple Photo.