Je ne quitte pas la porte des yeux pendant quelques minutes. Puis, je regarde autour de moi en essayant de comprendre pourquoi elle m’a dit que je ne risque rien. Que veut-elle dire par là ? Je regarde mes poignets, j’ai toujours les marques. Je m’assois ensuite sur le rebord du lit et ferme les yeux quelques secondes pour tenter de reprendre mes esprits. Je dois trouver comment me sortir d’ici, je dois savoir exactement ce qu’il s’est passé. Je n’ai pas pu fouiller toute la chambre de ce fameux Dante et je suis sûre que c’est dans cette pièce que les réponses s’y trouvent. Mais je n’ai pas trop envie de me retrouver face à lui. La première fois, il ne m’a rien fait et j’ai pu quitter la pièce, rien ne me dit que la seconde fois, ça sera la même chose. Mes yeux me font comprendre qu’ils n’ont plus envie de lutter pour rester éveillés, je m’allonge correctement sur le lit et ils se ferment aussitôt.

*****

Quand je les ouvre, je me sens apaisée alors que je devrais ressentir le contraire. Je me redresse avant de remettre mes cheveux en arrière. Je me lève ensuite avant de quitter la chambre. Le silence est toujours présent et je décide de trouver la sortie du bâtiment. Je dois m’enfuir. Je dois survivre. Je regarde d’abord dans la direction de sa chambre puis je pars à l’opposé, longeant le couloir jusqu’à la scène, qui cette fois, reste éteinte. Je descends les petits escaliers et je marche entre les rangées de fauteuils afin d’atteindre une grande porte. Je la pousse, à ma grande surprise, elle s’ouvre. Je sors alors avant de me retrouver dans le hall d'accueil. Tout ça me parait vraiment irréel. Ce genre de bâtiment ne peut pas dater du XIVème siècle, impossible. Je vois la porte de sortie et je me dirige vers elle. Je sens alors les fils apparaître sur mes poignets, mon cœur rate un battement et je m’arrête de marcher. Le message est clair : Interdiction de sortir.

— Sois sage, dit une voix grave derrière moi, ne joue pas avec moi, tu perdras.

— Je veux juste… Je veux juste prendre l’air, réussis-je à dire.

— Demande refusée. Ce n’est pas l’heure.

L’heure ? J’ose enfin me tourner afin d’être face à lui. Je suis surprise de voir que son apparence est loin d’être celle qu’Akseli et moi avions vu la dernière fois. Il ressemble à un être humain, comme moi. Fait de chair et d’os et pourtant, si je dois croire ce que je l’ai lu, il a plus de 6 siècles à son compteur.

Il a de longs cheveux argentés, il porte une chemise blanche, les deux premiers boutons sont défaits. Au-dessus de celle-ci, il porte une longue veste argentée ornée de motifs dorés. Son pantalon est de même couleur et sur sa ceinture, une chaîne en argent pend ainsi qu’une amulette. Il porte des bracelets sur chaque poignet fait de métal. Ceux-ci sont reliés à des bagues ornées de gravures. Ses vêtements ne sont pas du tout de son époque et encore moins les bijoux. Si ce n’était pas le marionnettiste, j’aurai très bien pu être attirée par lui. Je secoue la tête après avoir pensé ça.

— Et quand est-ce que c’est l’heure ? demandé-je.

— Quand je le décide.

Il tire sur les fils sèchement et je me retrouve proche de lui. Il penche la tête vers mon visage, je peux sentir son souffle.

— Maintenant, sois gentille, retourne dans le théâtre, chuchote-t-il.

Étant donné que je tiens à ma courte vie, j’obéis et je ne lui fais pas répéter. Les fils disparaissent une fois que je suis de retour dans la salle de spectacle. Je remonte sur scène en espérant que cela ne recommence pas comme tout à l’heure puis je pars derrière les rideaux avant de me retrouver au point de départ, dans le couloir. A part tourner en rond ici, je ne vois pas ce que je peux faire. Je soupire avant de partir dans la salle où se trouvent les marionnettes. J’entre avant d’être surprise de voir que cette fois-ci, elles sont toutes dans leurs cases.

— Quand vais-je rejoindre la mienne… chuchoté-je.

Je reviens devant celle d’Akseli, je ne cesse de m’en vouloir. C’est de ma faute, oui. C’est moi qui lui ai parlé de Beldem, c’est encore moi qui l’a embarqué dans cette histoire et c’est à cause de moi qu’il a perdu sa vie en devenant une marionnette. Je regarde ensuite les autres une par une. Elles ressemblent trait pour trait aux enfants, sauf que celles-ci sont en porcelaines. N'a-t-il pas peur qu’elles se brisent ? Elles semblent fragiles. Si je dois me fier à ce que je vois actuellement, il n’y a que lui et moi dans le théâtre, du moins, avec une apparence humaine.

— Si j’essayais de discuter avec lui ? murmuré-je.

Quitte à devoir rester ici jusqu’à ce qu’il décide que c’est l’heure de sortir, autant tenter de parler avec lui. Sinon, je vais vite perdre la tête et j’aurai presque envie de devenir une marionnette.

Je prends la décision de tenter ce plan, je sors de la pièce avant de me diriger vers sa chambre. J’ai une chance sur deux qu’il ne réponde pas ou qu’il m’envoie balader. Je frappe à sa porte et attends quelques secondes. C’est bien ce que je pensais, il n’y est pas. C’était trop beau pour être vrai. Je vais devoir me tenir moi-même compagnie. Je fais le chemin inverse, entre dans la pièce des marionnettes avant de m'asseoir sur le fauteuil en soupirant. C’est quoi son plan ? Me rendre folle ? Faire en sorte que je le supplie de devenir sa marionnette ? Me laisser crever ici ?

— Qui es-tu Dante ? chuchoté-je.