En suspens - Retour à la maison
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En suspens - Retour à la maison
14 mars 2008. Les deux cosys sont installés dans la voiture, le sac à langer est prêt, posé dans le coffre de la voiture. Les émotions se mélangent, les questions sont nombreuses. Nous allons chercher nos jumeaux à la maternité, après plus de trois mois d’hospitalisation. Entre soulagement et anxiété, joie et peur, excitation et nervosité.
Je me suis documentée sur la prématurité avec des ouvrages de référence que j’ai lus les soirs, pendant que je tirais mon lait ou que je me posais quelques instants dans le canapé. En théorie, je suis prête. Mais en pratique, c’est une tout autre histoire qui se joue en moi.
C’est un peu fébrile que je passe les portes de la maternité. Les médecins nous interpellent dès que nous franchissons le palier de la néonatologie pour nous donner les carnets de santé, et déjà les prochains rendez-vous notés sur ce même carnet, avec en prime le nom de la pédiatre qui s’occupera de Cyrielle et Robin. A l’évidence, je vais encore mettre les pieds une paire de fois à la maternité régionale ces prochains mois.
On s’approche des berceaux de nos jumeaux. Avec nos cosys dans les mains, les regards envieux des parents présents se font sentir mais cela ne me pèse pas. On attend depuis si longtemps ce moment que je ne le boude pas. Je profite de chaque instant : vous habillez, discuter avec les nounous présents, vous installer dans les cosys. C’est la première fois qu’un nounou n’est pas derrière mon épaule pour surveiller. Je saute dans le grand bain, sans brassards.
Je suis fière du parcours effectué par mes enfants. Ils ont subi ce que la plupart des personnes n’auront jamais à subir, et ils sont là, en vie, en train de faire des sourires et de se laisser manipuler pour entrer dans les cosys. Pas si simple : il ne fait pas chaud dehors, Cyrielle et Robin n’ont encore jamais vu la lumière du jour, je ne sais pas trop si je dois rajouter les couvertures ou si le nid d’ange suffit. J’ai peur d’être jugée. Ce sentiment peut parfois encore m’envahir, alors que Cyrielle et Robin seront majeurs dans un an et demi…
J’ai perdu toute confiance et toute estime de moi depuis près de trois mois. Je n’avais pas encore réalisé à quel point. Le temps était resté suspendu tant que Cyrielle et Robin étaient à la maternité. Maintenant, ils vont être présents 24 heures sur 24, sous ma responsabilité. Et si j’échouais à nouveau, comme lorsque je n’ai pas pu les garder dans mon ventre le temps adéquat pour leur maturité. Les doutes m’envahissent, comme une énorme couche de brouillard qui voilerait tout : vais-je être assez forte, assez responsable aux yeux de la société, assez solide pour m’occuper de deux bébés nés extrêmement prématurés ? A-t-on confiance autour de moi pour me confier mon rôle de maman à temps plein ?
Je sens une main sur mon épaule.
« Annaële, les bébés sont installés, ils vont avoir trop chaud, non ? On y va ? »
Les nounous et l’équipe présente nous saluent. Ils ont tous l’air heureux et satisfaits de ce départ qui n’était pas gagné il y a encore quelques semaines.
On installe notre équipage dans la voiture, et nous voilà partis pour une cinquantaine de kilomètres. Cyrielle et Robin ont l’air endormis, on n’entend rien. Ça en devient quasiment inquiétant car on a eu l’habitude d’entendre beaucoup de bruits autour des jumeaux durant ces trois derniers mois.
Ça y est, arrivés à la maison. On laisse le chien renifler les bébés à sa guise. Il a bien pris l’habitude de leur odeur car depuis quelques temps, je ramène des couches usagées de la maternité. Ma technique a fonctionné car le chien semble les adopter du premier coup. Malgré sa carrure et son côté sauvage, il renifle tout doucement les bébés, ne hurle pas et reste calme. Cyrielle et Robin ouvrent de très grands yeux et ont l’air étonnés et contents de ce premier contact.
Dans mon esprit, la joie est vite gâchée par le souvenir de « la liste » :
- Il faudra éviter le contact avec les animaux de compagnie.
Le bilan de la première journée est plutôt positif mais intense. Il faut redoubler de vigilance car ils sont deux. Et je me mets une pression folle pour tout faire au mieux.
Annaële Bozzolo 4 months ago
😌👍
oui, cette sensation a l air d être universelle !
Jackie H 4 months ago
Si ça peut consoler celle que vous étiez alors, même avec un seul bébé né à terme, le jour du retour à la maison, c'est panique à bord à l'intérieur ! Même quand on n'en montre rien à l'extérieur...