En suspens - Robin à l’hôpital
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En suspens - Robin à l’hôpital
Six jours après le retour à la maison, j’ai un rendez-vous pour Robin. Avant la sortie de la maternité, j’avais appris qu’il avait une rétinopathie du prématuré. Mais nous n’étions pas rentrés dans les détails avec la néonatologiste. Aujourd’hui, elle m’explique que Robin a une rétinopathie du prématuré assez sévère, de stade 3, et qu’une intervention chirurgicale est nécessaire. Cela devra se faire très rapidement. Elle a déjà prévu l’intervention à l’hôpital avec une chirurgienne ophtalmologue courant avril. L’ophtalmologue va devoir lasériser la rétine sur les deux yeux. Encore une opération sous anesthésie générale… Ça m’angoisse. Robin va-t-il supporter une seconde anesthésie générale ? Peut-il perdre la vue lors de cette intervention ? Combien de temps cela dure-t-il ? J’en saurai plus lors de l’admission de Robin le 9 avril prochain.
Puis le premier avril nous avons un rendez-vous de suivi à la maternité. Je rencontre pour la première fois la pédiatre de Cyrielle et Robin, et malheureusement, le courant ne passe pas. Elle semble condescendante, me prend pour une toute jeune maman incapable. Il faut dire que mon physique ne m’aide pas : je ressemble à une adolescente de par ma physionomie mais également de par mes habitudes vestimentaires. Je ne suis pas sûre de moi dans mes décisions, je doute, et la pédiatre doit le ressentir. Ça n’arrange pas la situation. A chaque rendez-vous bimensuel avec cette pédiatre, je me sentirai inconfortable et rabaissée.
Je la trouve très dure, dans ses gestes et dans ses paroles : «Tenez-la comme ça, faites comme-ci, allez j’attends ! ». Difficile à supporter…
Mais face à cette situation désagréable, j’aurai un soutien indéfectible : ma maman qui désormais m’accompagnera à chaque rendez-vous. Elle réussira à se libérer à chaque fois : pour les visites de routine, pour les nombreuses vaccinations, pour les fonds d’œil...
Nous sommes le 9 avril. Je dois me séparer de Cyrielle pour aller à l’hôpital avec Robin. C’est ma mère qui garde Cyrielle cette journée. Et on avisera au fur et à mesure. L’ophtalmologue qui nous reçoit est vraiment super. Elle m’explique calmement et avec bienveillance toute l’opération, les possibles complications, et le suivi après la chirurgie au laser qui s’appelle une « photocoagulation au laser de la rétine anormale ».
On nous installe dans une chambre. Deux infirmières entrent car elles doivent effectuer des analyses avant l’intervention. Et elles doivent poser une perfusion. Les veines de Robin sont si fines. Elles ont beaucoup de mal à installer la perfusion. Dans un dernier essai, elles arrivent à la lui poser sur le front… J’ai encore l’image de mon fils avec sa perfusion sur le haut du front, la tête saucissonnée avec des bandes pour que tout cela tienne… Il a cessé de hurler depuis que la perfusion est posée, mais il est en sueur et a du mal à reprendre son souffle et son calme.
Je suis en train de le bercer, je lui donne à manger également, mais dans des proportions très limitées. Robin arrive enfin à se calmer et à se reposer. C’est à ce moment qu’on vient le chercher pour que l’intervention au laser commence. Je peux le suivre jusqu’aux portes de la chirurgie.
Je fais les cent pas dans la salle d’attente, je retourne également dans la chambre, mais c’est encore plus déprimant avec le lit à barreaux en métal vide… Le temps s’allonge. Je descends pour téléphoner et prendre des nouvelles de Cyrielle. Tout va bien pour ma Cyrielle, elle a bu son biberon, puis elle s’est reposée. Elle vient de se réveiller. Ça fait du bien des bonnes nouvelles comme ça…
Après quelques heures d’attente, j’aperçois l’ophtalmologue au bout du couloir. Elle se dirige vers moi pour me donner des nouvelles. A sa tête, je sens qu’il y a un souci. Dans mon esprit, le mot « robinade » arrive. Une « robinade », c’est un terme que j’ai inventé pour expliquer le parcours de Robin pendant son hospitalisation. Tandis que Cyrielle semblait être la « force tranquille » du binôme, Robin avait toutes les peines du monde à se départir de tous ses soucis. Ce terme est d’ailleurs resté, et encore aujourd’hui, lorsque Robin fait une ânerie, on dit qu’il fait une « robinade».
« Madame, Robin a beaucoup de mal à émerger de l’anesthésie générale. On va le garder cette nuit en observation. Vous ne pourrez pas rester à l’hôpital car ce ne sera pas possible de le voir. On vous contacte demain matin. Ça ira ? »
Que puis-je répondre à cela ? Oui, ça ira… Il faudra bien… J’appelle à la maison pour prévenir que je rentre, mais sans Robin. C’est encore des émotions contraires qui me submergent. Je m’attends au pire, et en même temps je me conforte dans le fait que Robin a déjà eu une anesthésie générale et il a réussi à se réveiller.
Je dois reprendre la voiture sans mon fils, une fois de plus… Je ne me souviens plus de ce qui s’est passé sur le chemin du retour, j’ai dû rouler en pilote automatique jusqu’à la maison. Je prends ma fille dans les bras, c’est difficile de cacher mon angoisse. Je me focalise sur ce qu’il me reste à faire avec Cyrielle : le bain, le biberon, une histoire l’une contre l’autre. Mais je ne peux pas m’empêcher de me faire un sang d’encre pour Robin. Je ne voulais pas le laisser seul encore une fois, dans cet hôpital où il ne connait personne… J’en ai mal au ventre et au cœur…
Maman attend avec moi que Nicolas revienne du travail. Je sens qu’elle a mal pour moi, mais c’est difficile de se parler. Alors pour me montrer à quel point elle me comprend, elle me soutient en étant là, en m’aidant dès que j’en ai besoin.
Le lendemain, aux aurores, n’y tenant plus, j’appelle l’hôpital. Je ne me suis pas posée de la nuit, je me suis occupée de Cyrielle, et après j’ai tergiversé. On me dit que les médecins n’ont pas encore donné de directives pour Robin. Il faut attendre le milieu de matinée pour avoir des nouvelles.
Je trépigne d’impatience de ne pas savoir comment va mon fils. Puis, en fin de matinée :
« Madame, nous vous appelons au sujet de Robin. La nuit a été chaotique, mais aujourd’hui, il a repris des forces. Vous pourrez venir le chercher demain matin. Si vous le désirez, il y a des visites possibles cet après-midi.
- Merci beaucoup ! A tout à l’heure ! »
Je suis libérée d’un énorme poids qui me pesait depuis la veille. Mon fils va pouvoir sortir demain matin ! Tu as entendu Cyrielle ? Ton frère revient parmi nous demain ! Dans un sens comme dans l’autre, les émotions sont très intenses : quand c’est la tristesse qui domine, c’est la désolation et l’impuissance qui prennent toute la place. Puis lorsque c’est la joie qui domine, c’est l’euphorie et la jubilation qui m’envahissent. Pas de demi-mesure.
Jackie H 2 months ago
À la fin de cet épisode, j'avais juste envie de crier : "la suite !!!". On a juste envie de savoir comment Robin s'en est sorti !
Cyrielle, la "force tranquille" du binôme 🙂 - personnellement je la vois comme celle qui, par son entêtement à naître envers et contre tout, vous a sauvé la vie à tous les trois 😯. Est-elle toujours aussi têtue et déterminée seize ans plus tard ? 🙂