Jour 5, matin (Château de Nagoya)
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Jour 5, matin (Château de Nagoya)
Samedi 1er Avril, matin du 5ème jour, 276h restantes
Globalement, les transports à Tokyo, c'est assez galère. Pas au sens "directionnel" de la chose, au contraire, tout est très bien indiqué, on sait où on va. Mais les stations sont parfois gigantesques, on met beaucoup de temps à aller d'un quai de métro à un quai de JR, et inversement. Sur Tokyo station par exemple, la ligne Keiyo est à Perpette-Les-Bains, et on se mange un couloir de tapis roulants dans le sens des arrivées, tellement il est long. En somme, il ne suffit pas de compter les stations pour évaluer un temps de trajet. Quand on connaît bien la ville, je suppose qu'on apprend sur quels trajets il vaut mieux se fier à ses pieds qu'au métro.
Ce matin, on quitte Tokyo pour Nagoya. Eh oui, fini les "A set" et "B set" du restaurant de l'hôtel pour le petit dej. Cette fois, on réussit à prendre notre train à l'heure. Le shinkansen s'arrête à la station de Shin-Yokohama. Juste avant l'arrêt, on aperçoit une belle église gothique. C'est la première fois qu'on en voit une. Le train traverse un certain nombre de tunnels. Quand il évolue à l'air libre, on a la montagne sur notre droite et la mer, au loin, sur notre gauche. On mange dans le train. J'ai pris des sushis, et Guillaume des espèces de mini onigiris fourrés aux crevettes. À la fin du trajet, on est un peu plus dans les terres.
Nagoya est comme une toute petite Tokyo. Les buildings sont moins hauts, les lignes de métro moins nombreuses, et il y a moins de gens. La tour de Midland Square surplombe la gare, c'est la plus haute de toutes. L'entrée est libre, et on peut prendre l'ascenseur jusqu'au 41ème étage. C'est un super ascenseur, avec une baie vitrée. Tandis qu'il monte, la ville, en dessous, devient de plus en plus petite. Une fois en haut, il faut payer 7 euros pour accéder à l'observatoire du 42ème étage. Ça nous fait un peu mal au cul, car après avoir fait la Tokyo Skytree, petit Midland Square ne pèse pas lourd. On préfère préparer l'appareil photo de Guillaume pour qu'il puisse prendre des clichés pendant la descente.
De retour sur le plancher des vaches, on prend le métro pour le quartier de Sakae, au cœur de Nagoya. C'est dans ce coin que se trouve notre hôtel. En quittant la station, on s'aperçoit qu'elle est intégrée à Oasis 21, le centre commercial que je voulais visiter. On sort directement sous le Spaceship Aqua. Tout autour de nous, au centre d'une périphérie de restaurants et de cafés, des stands d'exposition sont installés. Je n'ai pas le temps de voir de quoi il s'agit, car Guillaume me tire vers l'escalator. On reviendra ce soir à cet endroit.
Au Japon, ou en tout cas à Tokyo, Kawaguchiko et Nagoya, les passages piétons sont très bien équipés en signaux sonores pour les malvoyants. À Tokyo, le signal ressemble à un pépiement de moineau ; à Kawaguchiko, ils jouent de la musique de merde ; à Nagoya, ce sont différents cris d'oiseaux. Arrivés à notre hôtel, on demande au personnel de garder nos bagages et on se met en route pour le château de Nagoya.
L'entrée coûte 500 yens. À peine le pied dans l'enceinte, un homme nous interpelle. Le château propose des visites guidées gratuites en anglais. On accepte avec plaisir. On forme un groupe de quatre avec deux jeunes Allemandes et on suit notre guide. Elle s'appelle Midori. Ses explications nous permettent de bien comprendre notre parcours et donnent beaucoup d'intérêt à cette visite.
Celle-ci commence par une tourelle du château, une construction d'époque depuis laquelle les samouraïs scrutaient les environs. Dans les douves tout autour de l'enceinte, des cormorans ont installé leurs nids. Les samouraïs se servaient des oiseaux comme alarme, car ils s'envolent à l'approche d'humains. Du côté de la porte, également une construction d'origine, des trous ronds permettent le passage de projectiles. Si les ennemis parvenaient à franchir la porte, ils se retrouvaient piégés dans la masu, une petite place carrée du même nom que les fameux verres à saké. Les constructions au-dessus du mur de pierre ont disparu aujourd'hui, mais à l'époque elles permettaient aux samouraïs de continuer à mitrailler les ennemis, tandis qu'ils étaient bloqués là par une autre porte, disparue également.
Le château de Nagoya
Nagoya était une ville très stratégique par le passé, car au centre du conflit qui opposait les villes d'Edo et Osaka. Plus loin sur le parcours est exposée une reconstitution de la demeure dans laquelle résidait le shogun quand il voyageait entre les deux villes. On y entre en enlevant ses chaussures, des casiers sont disponibles pour les ranger le temps de la visite. Cette demeure est construite en bois de hinoki, un excellent bois de construction résistant à l'eau et aux insectes, mais très cher. Dans les salles, des tigres accueillent les visiteurs, peints un peu partout. Ils sont un symbole de pouvoir. L'artiste de l'époque a aussi peint des léopards en pensant qu'il s'agissait de tigres femmelles. Les salles de repos portent des couleurs plus pastel. Quand deux politiciens se parlaient, ils se trouvaient dans des salles séparées. Midori nous montre des détails que nous n'aurions jamais remarqués nous-mêmes, comme le motif sur les coutures qui bordent les tatamis, cousus de sorte que le motif reste continu d'un tatami à l'autre.
Midori pose quelques questions aux Allemandes, mais au fil de la visite, on comprend que les chouchous, c'est nous. Elle adore la France. Après avoir récupéré nos chaussures, on se dirige vers l'entrée du château. Quand on passe devant de beaux cerisiers en fleur, notre guide me demande si nous en avons de semblables en France. Je lui explique que nos cerisiers à nous sont plutôt les espèces fruitières, et que les espèces ornementales n'ont pas de place si importante dans notre culture. Elle nous montre alors une feuille de son classeur où sont légendées des photographies des trois espèces principales de cerisiers qu'on trouve au Japon. Celle que nous croisons le plus depuis notre arrivée est le Yoshino.
Le château de Nagoya est entouré d'une enceinte de pierre. Ces pierres étaient parfois importées par bateau puis tirées à l'aide de charriots. Elles portent des marques indiquant quel seigneur a financé leur transport. Si les ennemis parvenaient jusqu'au pied de l'enceinte, ils devaient encore franchir une tourelle et faisaient dos au château, ce qui permettait aux samouraïs de les torpiller.
La suite de la visite passe par l'intérieur du château. On peut encore y entrer cette année, mais les Japonais ont l'intention de le détruire pour en faire une reconstitution en bois, plus fidèle au château d'origine. En effet, ce dernier a été détruit par les bombardements de la seconde guerre mondiale, et nous entrons maintenant dans une reconstruction en béton. Sur le toit, les deux kinshachi, les dauphins imaginaires d'or, un mâle et une femelle, sont le symbole du shogun (et ne ressemblent pas du tout à des dauphins).
Tout l'intérieur du château est un musée, mais Midori nous fait d'abord monter tout en haut. On y découvre un observatoire ainsi qu'une boutique de souvenirs. Midori nous parle des différents bâtiments qu'on aperçoit d'ici, comme Midland Square. On voit des jardins fermés au public, avec des cerisiers et un saule pleureur. Au loin, un dôme abrite un stade de baseball. Il y a aussi un bâtiment qui accueille des tournois de sumo.
Midori délaisse les Allemandes pour nous parler du voyage qu'elle a fait en France avec son mari. Elle a été à Versailles, puis en Normandie, où elle a pris une photo du Mont Saint-Michel. Pendant qu'elle nous montre la photo d'un crabe vert comme je n'en ai jamais vu, et pourtant vraisemblablement servi quelque part dans un restaurant de ma France natale, les Allemandes regardent le magasin de souvenir. On attend que l'une d'elle paye son magnet à l'image du château, puis on redescend dans le musée.
Il rappelle un peu ceux de Tokyo et Edo-Tokyo. Il y a des sabres, des panneaux décrivant des faits historiques, des maquettes... Midori mentionne quelques détails sur l'endroit où les samouraïs résidaient à Nagoya. Ici aussi, on trouve des reconstitutions de maisons et d'échoppes traditionnelles. Il y a même un système de jour / nuit qui s'inverse toutes les six minutes, pour mettre les visiteurs dans l'ambiance.
L'intérieur du château est un musée remplit de maquettes, d'objets anciens et de reconstitutions.
Midori galère un peu en anglais. Son accent japonais est audible, et elle ponctue ses phrases de nombreux "nanda ke ?" lorsqu'elle ne se rappelle pas d'un terme (L'histoire voudra que j'attribue ce mignon tic de langage au personnage de Yoko, dans ma trilogie le Voeu de Yoko). Elle fait de son mieux, mais ça finit par saouler les Allemandes, qui trouvent la visite un peu longue. Elles s'excusent de devoir partir pour prendre leur train vers Kyoto. On finit donc la visite sans elles. Une partie du musée évoque les plats traditionnels. Quand on passe devant, Midori nous explique que l'anguille est une spécialité de Nagoya, qu'on consomme pendant les cérémonies comme les marriages. Des restaurants en servent, mais c'est assez cher.
Avant de nous quitter, Midori nous prend en photo devant le grand kinshachi du musée pour avoir un petit souvenir. Selon elle, les pauvres poissons se sont fait voler plein d'écailles durant leur vie. L'un d'eux n'en a jamais autant perdu qu'à une époque où il était exposé à Tokyo. Ses écailles avaient été utilisées pour fondre de nouvelles pièces d'or quand le pays en manquait. Une fois, un mec avait atterri sur le toit du château de Nagoya en deltaplane pour piquer des écailles. Il avait fait la une des journaux et avait été retrouvé quelques jours plus tard.