Chapitre 6 : le royaume de Séraphin (roman)
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Chapitre 6 : le royaume de Séraphin (roman)
Aujourd'hui, j'ai appris que le superpouvoir des bambins, c'est de fabriquer des rêves. Chaque nuit, ils vont les déposer dans le cerveau des humains endormis. Ça me tente bien d'accompagner Lucas dans une de ses sorties nocturnes.
Je me rends à l'atelier de création. C'est là que sont fabriquées les potions magiques. Je suis ébahi par la beauté des lieux. J'en frémis. Je me retrouve nez à nez avec un monde harmonieusement coloré. Je suis émerveillé par l'impressionnante palette de couleurs et l'ambiance qui règne ici. On se croirait dans un laboratoire de chimie et en même temps, dans une salle de musique. Les bambins sont tous revêtus d'une blouse blanche, à manches longues. D'innombrables flacons transparents remplis de poudres colorées sont rangés sur des étagères. Il y en a pour tous les goûts : des couleurs primaires aux mélanges les plus insolites, en passant par toutes les teintes, des plus pales aux plus intenses. Devant chaque bambin, une table sur laquelle sont posées plusieurs fioles transparentes. Au gré de leurs envies, ils versent quelques paillettes de poudre au travers d'un entonnoir. Après leur passage dans un filtre, celles-ci se transforment en fumées. Elles ondulent joyeusement, s'enchevêtrant les unes aux autres en tourbillons majestueux. C'est parfaitement orchestré, comme une mélodie tout droit sortie d’une partition de musique. Quel spectacle ! Quelle jolie danse !
Je viens d'apercevoir Lucas. Je me dirige vers lui :
- Regarde ce que je suis en train de préparer. Tu aimes ?
- J'adore même. C'est magnifique !
- Nous sommes capables de faire naître des millions de combinaisons différentes en fonction des ingrédients mais aussi des émotions que nous ressentons au moment où nous confectionnons les précieux mélanges.
- Est-ce que je peux t'accompagner sur Terre ce soir?
- Oui, pourquoi pas ! On pourrait même aller rendre visite à ta famille si tu veux !
Je suis emballé par cette proposition. Je n'y avais pas pensé. C'est même une excellente idée. Je commence déjà à trépigner. Ah là là...ce vilain défaut qui voudrait que tout se réalise au moment même où l'idée me traverse l'esprit !
- Oh oui, oh oui ! Elle est géniale ton idée ! Merci Lucas !
J'en meurs d'impatience ! Je sais que tous les chérubins doivent réfréner leurs ardeurs, certains plus que d'autres. Je crois que je fais partie des plus hyperactifs. Ça me fait rire, mais en même temps, ce n'est pas si facile à contrôler. Il faudrait que je développe cette capacité à attendre avec une dame du royaume. Mais pour l'instant, je pense surtout aux membres de ma famille biologique. J'imagine déjà leurs visages endormis, souriant au passage des rêves de Lucas. Cela me met du baume au cœur, en attendant que je puisse leur offrir mon cadeau. Je sautille de joie, ravi d'accompagner Lucas dans cette expédition.
Nous nous dirigeons vers la piste d’envol, direction la Terre. Je suis tout excité à l’idée d’aller faire plaisir à ma famille en attendant de pouvoir leur offrir un bébé.
J’ai un grand frère de cinq ans et une sœur de 8 ans qui s’appellent Jérémy et Célia. Mes parents se prénomment quant à eux Cédric et Aline. Je vais souvent leur rendre visite. Ils tiennent un restaurant à Florenville en Belgique alors qu’ils habitent à Avioth à quelques kilomètres de là. Ils sont tombés sous le charme de ce village français et de sa basilique majestueuse.
Mes parents travaillent beaucoup mais arrivent à concilier parfaitement vie privée et vie professionnelle. Ils sont complémentaires et se partagent les tâches, sans jamais empiéter sur le domaine l’un de l’autre. Lui, est en cuisine ; elle, en salle. Ils élaborent la carte ensemble. Au niveau de la gestion, c’est un travail d’équipe parfaitement rôdé. C’est aussi un couple très uni. Travailler ensemble et ouvrir leur propre restaurant était leur vœu le plus cher. Depuis trois ans, c’est chose faite.
Je crois que j’aurais bien aimé vivre avec eux. L’harmonie règne au sein de cette famille. Cette maison respire le bonheur. Je vois bien cependant que le regard de Maman est triste, qu’une petite flamme s’est éteinte depuis que je l’ai quittée. Souvent, elle pleure le soir quand Papa est endormi. Ses larmes coulent sur ses joues, tout doucement, sans faire de bruit. Parfois, elle sanglote quand sa peine est trop forte. Ça réveille Papa et il l’attire tendrement contre lui.
Quand Lucas et moi arrivons chez eux, Jérémy et Célia sont déjà endormis. Mon ami ouvre délicatement deux de ses fioles. Les rêves s’en échappent et entament une jolie danse jusqu’aux oreilles de Jérémy et Célia. Très rapidement, je les vois se détendre et un sourire illumine leurs visages. Leurs yeux papillonnent doucement. Je me sens bien tout à coup. Je pourrais les admirer pendant des heures je crois. Lucas me sort de ma rêverie.
- Allons voir tes parents !
- Ils ne dorment pas encore. J’ai vu Maman pleurer et Papa la serrer contre lui.
- On va leur laisser un peu d’intimité et on reviendra un peu plus tard. Nous avons d’autres rêves à distribuer.
A chaque nouvelle éclosion, je suis ébahi. Quel magnifique spectacle pour les yeux ! Il est cool aussi le superpouvoir des bambins. D’ailleurs, nous en avons croisé beaucoup ce soir sur notre parcours. Notre tournée est presque terminée, il est temps de retourner auprès de mes parents. Ils sont désormais endormis. Papa a l’air apaisé mais Maman semble très agitée.
- Elle fait un cauchemar, me dit Lucas, qui surprend ma stupéfaction. Cela se produit quand tu accumules trop d’émotions négatives.
- Oui, je sais bien. Il n’y a pas si longtemps, j’en faisais car j’étais inquiet pour la petite Sophie. Ses cris et ses pleurs me terrorisaient. Je ressentais son angoisse et je cauchemardais la nuit. Depuis qu’une dame a apaisé mes craintes, je n’en fais plus.
- Tu voudrais ouvrir le flacon du rêve de ta maman ? me demande Lucas.
- Oh oui, j’en meurs d’envie mais je n’osais pas te le demander.
Je suis aussi émotif qu’hyperactif. Les larmes me montent aux yeux instantanément à l’idée de transformer son cauchemar en rêve tout doux. Mais alors que je me saisis du flacon, je le laisse tomber. Le rêve s’en échappe. J’essaie de le récupérer mais il joue avec mes nerfs. Il se dandine, me nargue, m’esquive. A chaque tentative, il m’échappe. L’agacement me gagne alors que Lucas, lui, ne peut s’empêcher de rire ! Plus je rate ma cible et plus il rigole. Je bous intérieurement. La colère emplit mes veines. Elle décuple ma force. Je me jette de toutes mes forces sur ma cible qui disparaît dans l’oreille de ma Maman. Dans mon élan, je ne peux plus m’arrêter. Je me cogne dans le lit de mes parents et j’atterris la tête dans le ventre de ma mère, les mains appuyées dessus. Je sens une chaleur l’envahir. Je comprends instantanément ce que cela signifie.
- Oh la la ! oh la la ! dis-je en couvrant ma bouche de ma main. Je crois que j’ai fait une bêtise.
Lucas qui a été témoin de toute la scène ne comprend pas. Ses éclats de rire se sont instantanément arrêtés au moment où j’ai heurté le corps de ma mère.
- Qu’est-ce qui se passe Timéo ? Tu t’es blessé ?
- Non, mais je crois que je viens de créer la vie dans le ventre de ma maman.
Mon compagnon du jour en reste bouche bée. Moi, je suis choqué par ce qui vient de se passer. Tout est allé tellement vite ! J’ai du mal de réaliser. Ce n’est pas vraiment ce que j’avais imaginé. Ce n’est pas comme cela que j’avais envisagé d’offrir le cadeau à ma famille. J’observe Maman avant de la quitter. Son cauchemar a pris fin. Après m’avoir fait tournicoter dans tous les sens, le rêve s’est propagé dans ses pensées. Je la vois se détendre. Comme elle est belle quand elle sourit ! A mon tour, je décompresse. Quel bonheur de la voir ainsi. Je me sens un peu plus serein pour rentrer. Qui sait ? Elle est peut-être en train de rêver d’un petit enfant. Nous pouvons désormais rentrer au royaume puisque notre mission du soir est terminée.
- Merci Lucas pour cette belle soirée pleine de rebondissements !
- Que d’émotions, Timéo ! Tu m’as fait une belle frayeur quand je t’ai vu t’écraser contre ta maman.
- Pourtant, tu t’es bien moqué de moi quand j’essayais de récupérer le rêve !
A cette pensée, Lucas glousse déclenchant chez moi l’envie de lui faire faire des roulades dans les airs, mais déjà il me lance un défi. Je n’ai pas le temps de le saisir par le pied.
- Le dernier au royaume est une poule mouillée.
Aussitôt, ses mots ont l’effet d’une bombe. Je retrouve mon sourire et je file vers notre nuage préféré. Lucas est bien plus rapide que moi. Malgré mes efforts, je ne peux le rattraper. Beau joueur, il s’arrête à quelques mètres de l’entrée et m’invite à passer devant lui. Je lui tends la main et nous franchissons la porte ensemble. Je suis lessivé. Les émotions et la course ont eu raison de ma vitalité. Je n’ai qu’une hâte : m’endormir dans les bras d’une mamie. Comme ma maman, moi aussi, j’ai envie de faire de beaux rêves ce soir.
...la suite au chapitre 7...
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