Chapitre 14 : le royaume de Séraphin (roman)
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Chapitre 14 : le royaume de Séraphin (roman)
Sur Terre, le printemps est bel et bien de retour. Thibaut a beaucoup de travail pour faire renaître la nature. Tout excité à l’idée d’utiliser son superpouvoir pour ses proches, il n’arrête pas de claquer des doigts. Partout, des massifs de fleurs font leur apparition. Depuis le début de la saison, il a déjà bien travaillé. Le jardin de ses parents est sublime. Après les perce-neige, place désormais aux pivoines, aux tulipes et au magnolia. Jusqu’à l’été, toutes ces fleurs vont éclore à tour de rôle, émerveillant sa famille durant des mois. Il peut être fier de son œuvre car c’est un véritable artiste. Il a aussi réussi à implanter dans leur jardin le rosier qu’il souhaitait ardemment leur offrir. Il a remarqué que sa famille apprécie ce cadeau venu du ciel et en est heureux. Cette nouvelle vie qui a pris naissance au bord de leur terrasse annonce l’arrivée de jours meilleurs pour eux alors que cela fait désormais dix-huit mois que Thibaut les a quittés. Avec le temps, leur moral remonte, d’autant plus que la campagne de vaccination contre la Covid 19 a démarré dans tout le pays. Avec elle, l’espoir renaît d’une fin de confinement et de pandémie. La liberté et l’allégresse devraient bientôt faire leur grand retour. Ses parents retrouvent peu à peu le sourire même s’ils n’ont pas d’autre enfant à chérir. Mais qui sait ? Peut-être qu’un jour leur vœu le plus cher sera exaucé par Timéo ou un autre chérubin.
Aujourd’hui, il a plu sur Terre et le soleil refait son apparition. C’est donc le moment idéal pour dessiner des arcs-en-ciel. Les enfants sont hyper-excités par cette sortie, surtout Dimitri qui rêve depuis plusieurs mois de créer un bel arc-en-ciel grâce à sa montre et Amitia qui annihilent ses mouvements saccadés.
De nombreux chérubins et bambins sont de la partie car aucun ne veut manquer cette féérie du ciel. Titouan, quant à lui, a emmené sa baguette magique.
Après l’engourdissement de l’hiver, nous sommes heureux de revoir ce franc soleil. Nous tournoyons sur nous-mêmes, faisons des loopings et nous en donnons à cœur joie dans le ciel. Je suis taquin. J’attrape Thibaut par le pied, lui fait faire une pirouette dans les airs puis j’éclate de rire. Pendant ce temps, Titouan a sorti de sa poche une poignée de cailloux. Il les touche l’un après l’autre avec sa baguette magique. Des dizaines de papillons multicolores apparaissent. Trop occupés à nous chamailler, nous n’avons rien remarqué. Un papillon passe alors devant le visage de Thibaut qui en reste bouche bée.
– Waouh ! Comme c’est beau les papillons !
Je n’en avais jamais vu hormis dans les livres. Je suis subjugué par leur élégance. A côté d’eux et de leur légèreté, nous avons l’air patauds et maladroits. Leur vol est majestueux.
Avec toutes mes galipettes, j’en ai oublié Dimitri. Où peut-il bien se trouver ? Je ne mets pas bien longtemps à l’apercevoir. Au départ d’un magnifique arc-en-ciel, il est en train de sourire, ravi d’avoir réussi. Sophie le félicite, heureuse pour son meilleur ami. Main dans la main, ils nous rejoignent au beau milieu des papillons de Titouan.
Nous profitons de cette sortie pour prendre des nouvelles de Cyril car nous savons qu’il a obtenu une autorisation de sortie de l’hôpital psychiatrique pour quelques heures. Pour rappel, le 6 décembre dernier, le procureur du roi suisse avait ordonné un placement provisoire de sa fille Cindy chez ses grands-parents maternels car il était hors de question de laisser cette petite dans la famille du meurtrier de sa maman. Cyril, de son côté, avait été incarcéré à la maison d’arrêt du département voisin, mais en raison de ses troubles psychiatriques, il a ensuite été déplacé dans une UMD (unité de soins pour malades difficiles) en échappant ainsi à l’univers carcéral. Comme tous les schizophrènes, il est fort peu probable qu’il soit un jour jugé en France.
Pour la première fois, aujourd’hui, il est autorisé à sortir quelques heures en compagnie de ses parents. Il ne se rappelle toujours pas ce qui s’est passé le jour de la tragédie. Il sait qu’il a ôté la vie à Murielle mais il n’en a pas de souvenirs personnels. Sa fille lui manque terriblement et il n’a guère d’espoir de la revoir un jour après ce qui s’est passé. Néanmoins, en cet instant, il est heureux puisqu’il va goûter pour quelques heures à la liberté retrouvée. Il va revoir sa maison et ses nièces qu’il n’a pas revues depuis cinq mois.
Ses parents le récupèrent à l’hôpital. Sarah a prévu un repas chez elle. Pour cette première sortie, il devra être rentré pour seize heures. Qu’importe ! Ces quelques heures de répit vont lui faire du bien. Dans la voiture, il est plutôt silencieux, en redécouvrant au travers de la vitre, ces paysages qu’il n’avait pas vus depuis l’hiver dernier. De nouvelles constructions ont fait leur apparition dans les villages traversés.
Arrivé à Annemasse, il embrasse sa nièce Estelle qui lui saute dans les bras, heureuse de le revoir.
- Parrain ! Comme tu m’as manqué. Aujourd’hui, c’est l’anniversaire d’Amélie. Maman a préparé un gâteau.
Comme elle a grandi ! Cinq mois dans la vie d’un enfant, c’est énorme. S’adressant alors à Amélie qui se tient en retrait derrière sa maman :
- Regarde : j’ai un cadeau pour toi.
La gamine n’est pas très rassurée par cet inconnu. Elle tend les bras à sa maman pour qu’elle la porte. C’est donc Sarah qui prend le cadeau et l’offre à sa fille. Cyril se rend bien compte qu’il est devenu un étranger. Sa nièce ne le reconnaît pas. Il est évident que sa fille qui est un peu plus jeune n’a aucun souvenir de lui non plus. Un voile de tristesse couvre son regard. Le retour à la réalité n’est pas aussi facile que ça.
- C’est l’heure de l’apéro, annonce David.
Estelle est ravie car aujourd’hui, comme c’est jour de fête, elle a le droit de manger des chips et de boire du coca. Après le repas, Cyril demande à faire un tour de quad en plaine. Il a besoin de sentir cette sensation de vitesse, de se sentir vivant. Son frère l’accompagne car David sait combien il est important de respecter l’horaire défini par l’hôpital. Pas question de le ramener, ne fût-ce qu’avec quelques secondes de retard. Si tout se passe bien, ils pourront sans doute renouveler cette opération à d’autres occasions. Il est donc essentiel que tout se passe bien.
Alors qu’il prend beaucoup de plaisir à rouler les cheveux au vent, Cyril commence à redouter cet instant où il va falloir retourner à l’hôpital. Il en a assez de tourner en rond dans le carré de pelouse d’à peine deux ares dont il dispose pour prendre l’air. A force d’en faire le tour, comme les vaches dans les prairies, il a dessiné un chemin sur lequel l’herbe ne pousse plus.
Par tous les temps, il sort de sa chambre pour ce rendez-vous biquotidien qu’il ne manquerait sous aucun prétexte, mais il s’y sent à l’étroit, lui qui avait toujours été en contact étroit avec la nature.
Cette sortie en quad lui fait l’effet d’une bombe. C’est décidé : il ne retournera pas à l’hôpital psychiatrique. De toute façon, il a perdu l’espoir de revoir sa fille. Il est devenu un étranger pour elle, c’est évident. Il l’a privée de sa maman et sera toujours son assassin. Jamais il ne pourra la regarder dans les yeux. Sa vie à lui s’est arrêtée le 6 décembre 2020. Il sait exactement ce qu’il lui reste à faire.
- J’arrive dans deux minutes, lance-t-il à l’encontre de son frère alors qu’ils garent le véhicule dans la grange. Je fais le plein de gasoil puis tu pourras me ramener à l’hôpital.
- Ok, pas de soucis. J’ai bien besoin de me laver après cette virée dans la boue. Tu veux prendre une douche aussi ?
- Oui, j’irai juste après toi.
- Ok, à tout de suite.
Mais au lieu de faire le plein, il s’asperge d’essence. Son père en a toujours quelques bidons d’avance pour les tronçonneuses. Puis il sort avec un briquet et le reste du bidon à la main. Il ne veut se laisser aucune chance, sans pour autant détruire la grange de son père. Il faut faire vite car quelqu’un pourrait le surprendre et l’empêcher de mettre son plan à exécution. A proximité, il y a le pont du chemin de fer. En se plaçant dessous, il ne risque pas de faire brûler de l’herbe et propager le feu. A part noircir les pierres du pont, il n’y aura pas de dommage collatéral. C’est sûr. Pas de temps à perdre, il allume le briquet et instantanément se transforme en torche vivante. La douleur est horrible. Il ne peut s’empêcher de hurler. Les voisins sortent de chez eux alertés par les cris. et découvrent avec horreur une silhouette humaine embrasée. David sort à son tour. Dans la grange, il y a des extincteurs. Il éteint rapidement les flammes mais au sol, impossible de déterminer quelle est l’identité de ce corps calciné. Il ne reste rien de son visage ni de ses vêtements. Ses chaussures ne sont plus qu’une rondelle de caoutchouc. Une seule chose n’a pas brûlé : sa montre. Aucun doute pour David : il s’agit bien de celle de son frère. Il s’effondre à genoux et fond en larmes. La journée avait pourtant bien commencé. Elle se termine tragiquement. Les pompiers arrivés sur place ne peuvent que constater le décès.
Au royaume, Cyril rejoint la geôle en raison de son passé de meurtrier. Aussitôt, un filtre d’invisibilité recouvre Murielle. Tous les habitants du royaume continueront à la voir mais pas son assassin, afin de la protéger d’une éventuelle rencontre. Elle non plus ne pourra jamais le voir, le filtre d’invisibilité les protégeant l’un de l’autre.
...la suite au chapitre 15...
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