Après le repas, ils reprennent leur chemin et la dernière vedette vers dix-neuf heures. Ils ont profité jusqu'à la fin de la journée. Valérie invite Didier à la rejoindre pour dormir chez ses parents. Cette action n'est pas anodine, elle permettra de renaître dans leur amour. Didier ne se fait pas prier, la nuit réconcilie le couple, sous la chaleur écrasante dans la chambre. Ils se lèvent aux aurores en toute discrétion et à pas de loup. Jean sarcle le jardin, avec son chapeau sur la tête, avec les seize degrés. La canicule sévissait depuis quelques jours, Jean profite du matin avant de rester dans la fraîcheur de l'intérieur de son logement. Valérie et Didier se préparent à regagner leur maison. Sur la route, ils récupéreront leurs enfants. Valérie promit à ses parents de revenir pour les prochaines vacances, leurs adieux sont chaleureux avec une petite pointe d'émotion. Valérie quitte Vannes, sous les larmes. Chacun a sa voiture, Didier part devant.
Valérie retourne sur le lieu où elle avait connu un bonheur avec Pierre. Cela ne lui appartenait plus. Une autre page s'écrira dans cette maison. Son décès encore récent dans sa mémoire, la famille avait dû jaser sur leurs sujets. Elle préférait avoir des œillères et ne pas apprêter l’attention. Les mots sont souvent blessants. Aude est sur son transat avec ses lunettes de soleil.
Le mois d'août est particulièrement illuminé, l'air est plus respirable que les derniers jours. Valérie s'avance d'un pas décidé vers elle, elle pose les mains sur ses hanches.
— Tu peux m'expliquer pourquoi tu n'es pas venue me voir avec les lettres de Pierre au lieu de t'adresser à mon mari ? Cela concernait moi et Matthieu et pas lui.
Guillerette, Aude s'éclate de rire.
— On dirait un pitbull prêt à mordre.
Pas un bonjour, Valérie l'attaque et va droit au but. Vexée, ses traits se plient et elle la désigne du doigt.
— Ne te mêle pas de ma vie.
— Pardon ? Tu t'es incrustée avec mon père, une allumeuse, oui ! Tu as vécu avec lui d'une manière impénitente. Je ne regrette pas d'avoir mis le feu aux poudres à ton mariage.
—C'est solide entre nous.
—Pas le testament, c'est révocable.
Valérie se retient de l'insulter, mais elle pense très fortement.
—Il ne le savait pas, tu ne le lui aurais jamais dit de toute façon.
Le succès de son action l'éperonne. Valérie grimace et peste.
Aude se lève d'un bond, elle devine la grossièreté de Valérie. Elle se rapproche d'elle, elles ont peu de distance entre elles. Menaçante, elle s'agrippe au tee-shirt de Valérie.
—Et toi, tu ne l'as pas été peut-être ? Tu as piqué la place à sa mère ? Elle aurait voulu revenir, tu étais là. Tu n'as jamais su, lui non plus. Je te conseille de déguerpir d'ici ! Je suis toujours chez moi ! Tu n'es pas la bienvenue ! Je ne te laisserai pas saisir cette maison ! Tu as pris mon père ! Tu nous as anéantis.
L'effroi. Valérie n'a plus de mots.
—Je m'en vais, c'est bon. Tu n'entendras plus d'écho sur moi.
Un accroc au grillage déchire le bas du tee-shirt. Valérie proteste devant Alexandre qui fait le poireau. Il suit à l'aveuglette dans les démarches et les revendications d'Aude. Valérie tremble dans sa voiture. C'était la loi des séries, tout le monde lui reprochait avec peu de délicatesse.
Elle va demander à Matthieu de renoncer à son héritage. Elle ne veut plus être imputée et condamnée par autrui.
La goutte d'eau qui déborde le vase. Il fallait éliminer ce négatif en elle. Elle griffe le volant avec ses ongles. Immobilisée, dans sa voiture, la quantité de fois dont on l'accuse. Jusqu'à quand va-t-on lui payer cela ?
Un cri sortit de sa profondeur de la gorge.
Si Aude s'avise de venir vers elle, elle ne répondra de rien.
Elle la souillait couverte de suie et profanait sa mémoire.
— Valérie, tu as bien quelque chose de positif dans ta vie ? Tes enfants ? Ton mari ?
Aude sort de son jardin, elle se rapproche de la voiture. Valérie tourne le bouton de sa radio à fond. Peu importe, ses paroles ne peuvent plus l'atteindre. Elle a un atout qu'elle n'a pas. Elle s'est construit une maison et c'est un délice de vivre avec Didier. Les mimiques d'Aude montrent sa haine et son impatience. Elle éraille la carrosserie avec une pièce d'argent.
— Pourquoi suis-je en vie et pas morte ?
Valérie téléphone à Didier, il va la délivrer de son chagrin. Sa musique est trop forte. À la radio, Valérie écoute la chanson d'Herbert Léonard : Pour le plaisir. Elle s'égosille. Le seul mot audible est Aude. Il la croit en danger avec elle. C'est surtout avec elle-même. Une envie de s'encastrer, renverser Aude et l'assassiner. Un coup mortel, résoudra-t-il son mal-être ? Didier se déplace rapidement. Tous les noms d'oiseaux sont écrits sur la voiture. Recroquevillée sur son volant, Valérie est en pleurs. Aude ne se gêne pas pour lui divulguer son combat pour la demeure de son paternel. Elle ne comptait pas rendre les clés et ils ne devaient pas remettre les pieds chez elle. Vu l'état de Valérie, ce n'était pas une bonne chose de revenir.
Comment remédier à tout cela ?
— Valérie, partons, je te suis, elle ne s'attaquera pas à toi. Il est grand temps d'avoir cette conversation avec Matthieu.