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12.La Légende de Nil - Jean-Marc Ferry - Livre I - Les Diamants de Sarel-Jad - Chapitre VI - L'embarquement pour Sarel-Jad

12.La Légende de Nil - Jean-Marc Ferry - Livre I - Les Diamants de Sarel-Jad - Chapitre VI - L'embarquement pour Sarel-Jad

Published Mar 8, 2023 Updated Mar 8, 2023 Culture
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12.La Légende de Nil - Jean-Marc Ferry - Livre I - Les Diamants de Sarel-Jad - Chapitre VI - L'embarquement pour Sarel-Jad

 

Après sa conversation avec Yvi, la belle jeune femme de l’île d’Is, Oramûn nourrissait le soupçon d’une trahison. Plus il y réfléchissait et plus il lui semblait improbable que les Aspalans aient pu sans aide gagner l’île de Sarmande pour y prendre possession des épouses, sœurs et filles des « résistants » réfugiés dans l’île des Collines escarpées. Ce soupçon lui avait d’ailleurs été soufflé par Yvi qui avait cependant attiré son attention sur les raisons qu’ont les habitants d’Is de ne pas en faire publiquement état : cela risque d’empoisonner leur existence commune en déchaînant la suspicion générale. Quant à Santem, il n’avait eu aucune réticence à envi­sager qu’une trahison avait bien eu lieu. Reste la question : qui ?

Oramûn s’appliqua à bien se remémorer le récit d’Yvi en tous ses détails, et la première piste à suivre lui sembla tout à coup évidente : il faut se rendre sur les Terres volcaniques et y trouver le jeune Aspalan qui n’avait pas craint d’aller libérer les femmes attachées pour être offertes à la convoitise des occupants. C’est là, en effet, que doit se trouver encore le garçon dont Yvi lui avait suggéré qu’il pourrait être le fils d’un des chefs Aspalans. Or, tous les envahisseurs de Mérode ont été envoyés sur les Terres volcaniques pour y travailler aux mines sous la direction des forgerons.

C’est à ces derniers qu’Oramûn s’adressa lorsqu’il parvint sur l’île des Terres volcaniques. Ils le conduisirent eux-mêmes auprès du tout jeune homme qu’ils semblaient bien connaître. Rus Ferghan est son nom complet, mais on l’appelle Ferghan pour éviter la confusion avec son père, Rus Nasrul. Oramûn sentit aussitôt un homme face à lui, et il s’abstint naturellement de le traiter comme un enfant. Il le salua, puis le remercia pour ce qu’il avait fait. Son ton plutôt solennel, son attitude retenue, la gravité de son visage, cela n’incitait pas le jeune homme à répondre : il n’attendit guère longtemps qu’Oramûn vînt au fait :

— Je te sais de haute lignée, mais serais-tu un pauvre conducteur de troupeaux, que je garderais de toi la même estime, car il n’est de noblesse que celle qui se montre dans les actes. Ton geste a heureusement parlé pour ta race et les gens de l’Archipel comme ceux des Terres bleues ne tarderont pas à reconnaître la gran­deur chez les Aspalans. Je ne te demande pas de dénoncer ceux qui ont offensé nos femmes. Il n’appartient pas aux gens de Mérode de condamner des Aspalans. Mais il nous appartient de juger les nôtres. Or on nous a trahis. Il ne peut s’agir que d’un ressortissant de l’Archipel. Il aura guidé vos navires à travers les eaux dangereuses jusqu’à Sarmande où les hommes d’Is avaient caché leurs femmes. Peux-tu me dire le nom de cet homme et ce qu’il voulait en échange de sa trahison ?

Ferghan écoute impassible, sans hostilité. Il paraît comprendre Oramûn, lui fait signe d’attendre et revient en compagnie de son père, Rus Nasrul. Oramûn n’avait de sa vie jamais rencontré homme aussi impressionnant. Non en raison de sa stature qui, à l’instar de beaucoup d’Aspalans, est haute et vigoureuse, mais du fait de son visage. « Dur » ne serait pas le terme exact, car il n’y transparaissait pas de méchanceté. Il s’en dégagerait plutôt une aura d’énergie et de résistance à toute épreuve. Ses yeux très clairs, immobiles comme des pierres et paraissant fixer un objet lointain, lui confèrent un regard si froid qu’il faut du courage pour le soutenir. Cependant, Rus Nasrul ne forçait pas son apparence avec quoi sa voix chaude faisait même contraste, lorsqu’il s’adressa directement à Oramûn, sans attendre que ce dernier réitère sa rhétorique d’entrée en matière :

— Il s’agit de Zaref. Il se dit de la Grande Île de Mérode. Il nous attendait, lorsque nous y avons débarqué. Il était accompagné de huit hommes et d’une femme. C’est lui qui prit la parole dès notre arrivée. Il nous expliqua que la plupart des gens de Mérode s’étaient allés réfugier sur les Terres volcaniques. Il nous avait attendus, dit-il, pour nous aider à les y débusquer, afin de mettre fin à « la tyrannie de Santem et sa famille ». Nous ne serions pas à même, selon lui, d’atteindre sans son aide les Terres volcaniques, car cette île est cernée de courants puissants, de fosses sous-marines profondes et de tourbillons capables d’aspirer un navire. Cela, nous le savions déjà. Zaref nous a proposé de nous piloter, si nous le souhaitions, jusqu’à l’endroit où, probablement, vous aviez mis vos navires au mouillage. Il nous serait alors aisé de nous en emparer, ou encore, de les détruire, puis de vous encercler… Nous ne lui faisions pas confiance. S’il avait trahi les siens, comment se fier à sa parole ? Et s’il ne vous trahissait pas, c’est qu’il était mandaté pour nous tromper et nous faire tomber dans un piège. En gage de sa bonne foi, il nous proposa de nous livrer les femmes que les insulaires d’Is auraient cantonnées sur l’île de Sarmande. Cette proposition fut saluée avec enthousiasme par nos soldats, mais les chefs Aspalans étaient partagés. Nous ne voulions pas en user avec vous comme avec les Nassugs. En Terres bleues, nous n’avions pu empêcher les massacres et les violences inutiles, car nos hommes rêvaient depuis longtemps d’en découdre avec leurs ennemis héréditaires qui les avaient repoussés par trois fois. En revanche, les Aspalans n’avaient jamais auparavant eu de conflit ouvert avec les gens de l’Archipel. Il nous importait de préserver un minimum de relations pour la suite. Et puis, c’est chez nous de tradition que de traiter les femmes avec déférence. Nous les considérons comme des devineresses, parfois même, comme des déesses. Il ne nous plaît pas de les voir maltraitées, humiliées. C’est pourquoi je fis promettre aux soldats de respecter leurs prisonnières et de se comporter dignement sur l’île de Sarmande. Je n’ai cependant pas pu empêcher qu’ils s’y rendent, car les chefs des autres tribus ne voulaient pas frustrer les hommes. Les Aspalans ne sont pas soumis, par nature. Ils aiment trop leur liberté et la discipline n’est pas leur fort. Ils ont vite fait de s’emporter quand on les contrarie. Je ne pouvais moi-même les accompagner sur l’île de Sarmande, afin de veiller au respect de leur engagement. C’est pourquoi j’ai envoyé mon fils.

Comme Nasrul s’était tu, Oramûn le remercia pour sa confiance. Mais un point lui demeurait obscur : pourquoi Zaref avait-il fait cette proposition ? Que voulait-il exactement en échange ?

— Il livrait les femmes d’Is en gage de sa bonne foi. Quant à la proposition de nous guider jusqu’aux Terres volcaniques, elle avait pour but d’assurer votre défaite. À l’en croire, c’est l’anéantissement de ton père, de toi-même et de ta famille, qui lui tenait à cœur. Pourquoi, exactement ? J’ignore s’il voulait se venger. Mais il est clair qu’il souhaitait éliminer celui qu’en ton père il considère comme son ennemi. Nous l’avons convié à s’entretenir plus avant avec les principaux d’entre nous, et c’est là qu’il nous fit part de son ambition : devenir le partenaire commercial exclusif des Aspalans, et que lui soit confié par eux le mandat de gouverneur de la Grande Île de Mérode. Mais il y a plus : lorsqu’après le départ des autres chefs Aspalans, je restai seul avec lui, il me tendit de sa main droite une pierre verte. C’était une émeraude brute. Et sa main gauche s’ouvrit sur une poignée de pépites d’or. « Je possède plus qu’une île », me déclara-t-il. « Elle se trouve au Sud-Est de l’Archipel. Sarel-Jad est une terre immense et sauvage. Elle est plus de trois fois grande comme la Grande Île, mais ne compte aucun habitant. Elle est impénétrable : une cordillère de hautes montagnes, à l’Ouest, borde la côte sur près de la moitié de sa périphérie. Ces montagnes sont à peu près infranchissables. Entre elles et la mer, c’est la mangrove constamment survolée par des frégates. Elle est peuplée de reptiles et criblée d’insectes malfaisants. De l’autre côté, à l’Est, c’est le désert. De rudes voyageurs à dos de mule en auraient pour cinquante jours à le traverser d’Est en Ouest, en l’abordant par la côte orientale. J’ai pu cependant gagner le cœur de Sarel-Jad, là où j’ai trouvé l’or et l’émeraude. Bien taillée, sa valeur, crois-moi, représente douze fois douze fois douze mesures de blé. Entends-moi bien : non pas douze fois douze mesures, mais douze fois douze fois ces douze mesures ! Eh bien, de ces pierres, tu en trouveras beaucoup. Nul homme n’est passé par les endroits où je les ai trouvées. Ton influence est grande sur les chefs Aspalans. Sans toi je ne pourrai pas les convaincre. Mais avec ton aide il en ira différemment. Tu deviendras plus que riche… ». Je ne souhaitais pas donner satisfaction à Zaref et le lui ai dit dans les yeux. Il a cependant insisté pour que je garde l’émeraude et les pépites en souvenir de notre conversation. Je lui expliquai que, si nous avions emporté une sorte de victoire contre les gens de Mérode, nous ne tenions pas à les anéantir. C’est ce que je pense, le jour viendra bientôt où je pourrai t’en donner la raison. Zaref m’a précisé qu’il voulait juste l’élimination de Santem et de sa famille, mais que, lui aussi, tenait à préserver l’économie de l’Archipel et la vie de ses habitants. Nous nous sommes quittés là-dessus. Il n’y eut pas de suite, car, peu après, vous repreniez possession de vos îles et nous étions vos prisonniers. Quant à Zaref, il partit sans demander son reste. Je sais qu’il a été vu en compagnie d’Aspalans, mettant les voiles depuis Mérov avec des barques de pêcheur. Il a dû ensuite embarquer sur un navire marchand pour gagner les étendues de Sarel-Jad. À moins qu’il n’ait viré en direction des Terres bleues, pour aller se fondre dans la population de Syr-Massoug.

Oramûn se dit en lui-même que cette conjecture est assez plausible. Il lui faut maintenant retrouver Zaref et il serait logique de commencer par Sarel-Jad. C’est en tout cas ce dont il cherchait à se convaincre. Mais derrière le devoir d’enquête couve une im­mense curiosité : découvrir Sarel-Jad, cette terre en effet inexplorée. La perspective de l’or et des pierres précieuses ne constitue qu’un attrait supplémentaire. Cependant, le motif profond est la découverte d’une terre vierge qui, en elle-même, peut représenter un trésor. Comme son père, Oramûn écoute ses intuitions et les suit, si l’on peut dire, sans poser de question.

 

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