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01.00 - Prologue : la méthode qui venait du froid

01.00 - Prologue : la méthode qui venait du froid

Published Dec 23, 2024 Updated Dec 23, 2024 Arts
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01.00 - Prologue : la méthode qui venait du froid

La méthode « du flocon » (the snowflake method) est un concept de structuration et d’organisation qui nous vient de Randy Ingermanson (site en anglais). La série d’articles que je vous propose sur ce sujet n’est pas une simple traduction. Il s’agit d’un travail d’adaptation à notre microcosme francophone, illustré, démontré, et commenté.

En 2000, je développais une méthode similaire de structuration pour l’écriture scénaristique (en anglais, que j’ai depuis réactualisée et francisée, et qui fera l’objet d’une prochaine série d’articles). À mon retour en France en 2008, je me suis retrouvé dans une situation qui m’interdisait tout bonnement d’écrire convenablement. J’arrivais au bout de mes capacités ; les projets prenaient trop de temps, je perdais le fil, tournais en rond et n’avais pas terminé un manuscrit complet depuis longtemps. Il me fallait structurer mon travail, mais pour l’écriture romanesque cette fois-ci…

C’est dans ce contexte que j’ai découvert le site de Randy et retrouvé une philosophie très proche de la mienne.


C’est donc cela que je me propose de partager avec vous au cours d’une série de 12 articles :

  1. Ce prologue qui va permettre de cadrer les choses ;
  2. Les 10 étapes de la méthode dont chaque article donnera les détails ;
  3. Un épilogue pour conclure le tout, mettre les annexes, références et documents de travail pour vous rendre autonome.


Un investissement plus qu’une méthode


Le terme « méthode » peut faire peur. Prenez-le comme un exercice de style organisationnel, un prélude avant l’écriture elle-même.

L’estimation totale du temps à investir est de 125-175 h (je donnerai une estimation du temps pour chaque étape) en fonction du type d’ouvrage, au bout desquelles vous aurez un document de conception complet et un plan. Le gain de temps dans la phase d’écriture est lui inestimable, surtout si cet investissement fait la différence entre un projet abouti ou laissé à l’abandon. De plus, vous aurez tous les éléments pour la postproduction (prospection des éditeurs) sous la main.



Une « méthode » pour « structurer » la créativité ! Pour ou contre ?


Comme je vous l’ai dit dans l’article précédent, j’ai fait partie des deux écoles. À mes débuts, seules la créativité et l’inspiration pouvaient être mes guides. J’écrivais à l’envolée, à l’instinct, avec mes tripes et mon cœur, et surtout pas avec ma tête. J’y arrivais, je me sentais libre et, si un type m’avait abordé pour me parler d’une « méthode » structurée de segmentation prenant des heures AVANT même d’écrire une ligne, je lui aurais ri au nez.

Aujourd’hui, je suis ce type… J’ai utilisé cette méthode pour mes quatre derniers ouvrages, et, en toute honnêteté, ils n’auraient pas vu le jour sans elle ! Pourquoi ?


  1. Avant, j’avais le temps, et c’est là l’élément primordial ! Étudiant, sans-emploi, militaire, petits boulots… Bref, quand l’inspiration était là, le temps pour l’exploiter y était aussi, et hop tout était en phase : merveilleux ! Si c’est votre cas, profitez-en ! Cependant, continuez à suivre cette série, croyez-moi, il y a bien une étape ou deux qui vous seront utiles et feront la différence entre un récit quelconque et un manuscrit abouti ;-) .
  2. Maintenant, j’ai un boulot à plein temps — et pas à 35h par semaine —, des responsabilités, et, comme tout le monde, la maintenance vitale (ravitailler, manger, se laver — accessoirement se souvenir qu’on a une famille — ) bref, ça nous laisse un créneau 21h00-23h00 pour « créer » ! Vous commencez à voir pourquoi je voulais optimiser ce temps « libre », être sûr de faire avancer les choses au lieu de sempiternellement perdre une heure à revenir en arrière raccorder les morceaux, trente minutes à trouver l’inspiration et les dernières trente minutes à écrire dix lignes…
  3. Le bilan des premiers romans, avec le recul, n’est pas fameux : vite écrit certes, mais médiocres. Si on les découpe en trois segments : le fond (l’histoire), la forme (le style écrit) et la structure (cohérence et dynamique du récit), il apparait que le fond est bon (on garde), la forme est trop jeune (on persévère, rien à voir avec la conception, il faut pratiquer), la structure est bancale (et là… ça a tout à voir avec la conception !) => une bonne partie de la médiocrité qui peut être traitée en amont.
  4. La segmentation et l’approche pas à pas m’ont aidé à identifier, appréhender et avoir des marqueurs d’avancement précis. C’est très important pour ne pas perdre le fil quand on est justement perpétuellement soumis à des facteurs perturbant l’esprit créatif (boulot, transport, stress, intendance…) qui font perdre les idées ou nous sortent de cette zone d’inspiration indispensable pour assurer une cohérence à un texte dont l’écriture va s’étendre sur des semaines ou des mois.


Je ne force personne, je ne prêche pas la bonne parole et je comprends parfaitement que chacun puisse avoir sa propre façon de faire. Tout ce que je peux vous dire, c’est que je suis resté huit ans sans parvenir à achever un projet, noyé dans la stagnation, perdu dans les idées qui fusaient plus vite que ma capacité à les coucher sur papier et, il faut le dire, au final, un peu dégoûté par le manque de résultats. A contrario, en quatre ans j’ai fini trois romans alors que j’étais dans une période tendue (retour en France, nouveau boulot, déménagements successifs…) La différence entre les deux ? J’ai commencé à utiliser ma tête ;-).



Les limites de cette méthode


  1. Tout d’abord, ce travail de conception détaillé ne s’applique qu’aux romans. Il ne serait d’aucun bénéfice temporel pour la création de nouvelles (ce qui ne veut pas dire que vous ne devez pas structurer vos nouvelles pour autant, mais sans doute pas à ce point).
  2.  Seules les œuvres de fiction sont concernées. Parce que nous allons voyager aux confins du storytelling (l’art de raconter des histoires), avec des mécanismes empruntés aux contes, à la dramaturgie et à la scénarisation. Je ne suis pas convaincu du tout de l’utilité de cette façon de faire pour autre chose que de la fiction. Préparer une biographie, un reportage, un guide pratique ou autre demande des structures particulières qui ne sont pas couvertes ici.
  3. On ne parle ici que des étapes de la conception (au sens scénaristique), et non de celles de la création (l’écriture elle-même). À la fin de ce laborieux travail, vous n’aurez pas encore écrit une seule ligne de votre roman. Étrangement, c’est l’un de ses intérêts : aucun impact sur votre style, votre « art », mais juste un outil pour structurer votre effort et faciliter la fluidité de votre création avec le temps – toujours trop court – qui nous est alloué lorsque l’on est simple auteur, et non pas écrivain professionnel...


La philosophie de cette méthode


Segmenter, affiner et mettre à jour. C’est tout ce que vous devez retenir du principe de base (pensez roue de Deming et amélioration continue si ça peut vous aider). On découpe la grosse portion qu’il y a dans notre assiette en petits bouts plus facilement ingérables. On affine petit à petit l’image floue qui hante notre esprit. On revient en arrière modifier les étapes précédentes des documents de travail en fonction de ce que notre créativité nous dicte (autrement dit : non, on ne continue pas à écrire en mode bourrin en fonction du plan, on modifie le plan en fonction des idées, pistes et améliorations qui viennent inévitablement lors de la phase de création, le plan est une béquille pour ne pas se vautrer, pas un mur porteur inébranlable). Si vous êtes plus familier avec les arts graphiques, c’est exactement comme pour créer un tableau. On dégrossit d’abord les zones, puis on revient pour ajouter des couleurs, des traits, on détaille, on affine, jusqu’à l’image finale.

Cela permet, une fois lancé dans l’écriture, d’être en progression constante et de minimiser les fastidieux retours en arrière (mais j’en étais où ? Il faisait quoi le héros dans le chapitre d’avant ? Comment je voulais amener cette partie de l’intrigue déjà ?) en gardant des repères fiables.



Avertissement


La série d’articles sera longue, mais détaillée. Le document de soutien final (que je placerai dans le dernier article) et ses dix étapes seront quant à eux condensés au plus haut point, ce qui donnera des allures de méthodologie pointue, rigide et contraignante. Ne vous laissez pas avoir. Le but est d’aider à la conception, jamais de brimer la créativité. Je le répéterais souvent dans les articles, mais n’aurais pas la place de le faire dans le document récapitulatif : ne brimez jamais votre désir d’écrire ! Canalisez juste le montant d’énergie nécessaire pour vous aider à le faire mieux.

À vouloir être trop pointilleux, on tombe bien vite dans la facilité de reculer le moment de se lancer à l’eau. Surtout quand ce n’est plus un premier roman et que l’on connaît l’horreur, l’angoisse, la fatigue et les doutes qui nous attendent pour écrire (c’est alors tentant de se complaire dans la phase de conception et de repousser inconsciemment la phase de création…). Ne succombez pas, ne vous cachez pas derrière cette méthode pour ne pas commencer à écrire. Tout est une question d’équilibre :


  1. Primo romanciers = Ne vous précipitez pas. Chaque minute investie ici vous reviendra au quadruple, que ce soit en phase d’écriture, de réécriture ou de démarchage d’éditeur. Mais surtout, il y a fort à parier que cela fera la différence entre un projet inachevé ou d'une piètre qualité, et un manuscrit éditable.
  2. Auteurs avec un nouveau projet = Ne vous enlisez pas. C’est une sirène qui vous chante sa mélopée. Il est plus facile de se complaire à imaginer ce qui pourrait être, repousser le dur labeur que vous connaissez bien, vous cacher derrière une fausse productivité… Soyons réalistes ; personne d’autre que vous ne va écrire votre histoire… Alors au boulot !


Dans notre prochain article, nous attaquerons le vif du sujet et l’étape n°1 : le "ruminage".







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