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00.01 - ALERTE ROUGE ! ALERTE ROUGE !

00.01 - ALERTE ROUGE ! ALERTE ROUGE !

Published Dec 23, 2024 Updated Dec 24, 2024 Arts
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00.01 - ALERTE ROUGE ! ALERTE ROUGE !

Merci de rentrer les mains et les bras à l’intérieur du véhicule, parce que ça va secouer… Nous allons parler... de jardinage...

Copyright Adobe Stock

Il est, en philosophie, un thème des plus connus, que même les technologues – pour qui cette matière est tellement anecdotique qu’elle pourrait aussi bien avoir un coefficient négatif aux examens – ont entendu parler : « L’Inné et l’Acquis » (Nature vs. Nurture). Nous autres, auteurs, avons un thème et une dualité ancestrale tout aussi primordiale : « l’Instinct vs la Structure ».

Et je ne peux pas lancer cette Creative Room sans remuer le couteau dans la plaie d’abord. — oui, vous découvrez désormais mon côté sadique…— 


Choisissez le nom qui vous convient :


Source AutoCrit


L’Instinct, c’est le groupe des auteurs « scripturaux », ceux qui écrivent avec leurs tripes, au feeling, sans plan, guidés par leur seule inspiration.

La Structure, c’est le groupe des auteurs « structuraux », qui planifient leur histoire, préparent leur intrigue et leurs personnages en amont.

Dans les lignes qui suivent, je vais volontairement grossir le trait, user et abuser de la caricature, me faire l’avocat du diable pour les deux camps – le premier qui me traite de schizo gagne une boîte de Zyprexa. Pourquoi ? Parce que c’est la vérité vraie ! Il y a des avis très tranchés sur le sujet, et il est temps de percer l’abcès.

Buvez une gorgée, relaxez bien vos muscles, parce que dans cinq minutes, vous serez crispés.

Source Healthline



 



L’auteur « scriptural » vu par le « structural »

  1. C’est un gros fainéant qui pisse de la ligne presque aussi vite qu’il ingurgite sa dose d’alcool quotidienne. Aucune notion du laborieux travail d’un écrivain.
  2. Il est incapable de voir où va son histoire et se laisse complètement emporter par le moment, l’action, ses personnages… bref, zéro vision.
  3. Il se prend pour un génie sous prétexte qu’il écrit « avec ses tripes ». Pour preuve : personne ne comprend rien à ce qu’il écrit, et c’est connu : les génies sont toujours des incompris, pas vrai ?
  4. Le plus triste, c’est qu’il est aveuglé par le sentiment de liberté qu’engendre sa façon d’écrire : “No limit”. Sauf que la création, c’est justement repousser les limites, gravir les obstacles et briser les barrières. S’il n’y a rien à surmonter, on stagne !
  5. Il est persuadé que son œuvre est unique et radicalement différente de tout ce qui a été fait auparavant, voire même... qu’il a inventé un nouveau registre ! Non, mais le melon, quoi !


L’auteur « structural » vu par le « scriptural »

  1. C’est un psychorigide incapable d’écrire une ligne sans avoir analysé la moindre facette de son récit. Inspiration, pour lui, ça veut dire respirer par le nez et expirer par la bouche façon Lamaze.
  2. Il est incapable d’écouter ses personnages ou de faire évoluer son histoire au-delà de son carcan préétabli. Aucune imagination.
  3. Il se prend pour un professionnel sous prétexte de passer des heures à théoriser et articuler ses intrigues. Pourtant, à la voirie, c’est bien celui qui creuse qui fait le taf, pas les dix chefs de chantier qui tapent le bout de gras autour.
  4. Le pire c’est qu’il croit dur comme fer que sa structure est un tremplin, une sorte de support qui va l’aider à transcender son texte, alors qu’il s’est bâti une cage qui limite sa créativité à quelques mètres cubes.
  5. Ses textes sont uniformisés et conformistes. Tous les structuraux crachent les mêmes types de textes édulcorés.


Mes deux centimes de réflexion sur le sujet

Il se trouve que j’ai fait partie des deux camps. J’ai écrit pendant des années en mode scriptural pur, et puis, un jour, j’ai décidé de structurer. Évidemment, ce n’est pas comme un interrupteur. Du coup, je suis un scriptural qui se range, ou un structural qui se laisse aller, faut voir… En tout cas ce n’est pas blanc ou noir, c’est beaucoup plus subtil que ça, et si vous arrivez à sortir de l’affect sur le sujet, le point d’équilibre est sans doute entre les deux.

Ce que je vais dire ici n’engage donc que moi et reflète mon expérience personnelle et les partages que j’ai pu avoir avec d’autres auteurs.


  1. Si vous écrivez « pour vous ». Que ce soit pour le plaisir, dans un but thérapeutique et/ou cathartique, vous n’êtes pas vraiment concerné par le débat. C’est comme pour le mois mai : faites ce qu’il vous plaît. De toute façon votre recherche vous est propre et votre seul public est vous-même. Extériorisez vos démons. Si vous êtes le seul à comprendre, non seulement ce n’est pas grave, mais ce serait même plutôt normal.
  2. Si vous êtes dans un autre registre que le roman (essai, bibliographie, poésie, écriture expérimentale…), vos préoccupations sont autres, parce que chacun de ces registres possède ses propres « règles » (au sens large du terme).
  3. Par contre, si vous êtes romancier, et plus particulièrement orienté dans un genre grand public (SFFF, polar, thriller…) alors là, là… vous ne pouvez pas faire l’impasse sur une certaine structuration ! Vous vous adressez aux autres et ils ont besoin de comprendre par eux-mêmes. Vous ne serez pas à leur côté pour leur expliquer votre schéma de pensée quand ils vous liront. Votre récit doit donc se suffire à lui-même et comporter suffisamment de repères pour éviter le décrochage du lecteur.
  4. Le temps passé à structurer est inversement proportionnel à votre temps libre pour l’écriture. Il est même des auteurs à plein temps qui peuvent se permettre de tout faire de tête sans notes ou presque (ce qui donne l’illusion qu’ils sont scripturaux, mais ne vous y trompez pas, ils savent parfaitement où ils vont).


Aux détracteurs de la structure (dans le cadre des romans selon les critères sus mentionnés), je ne peux que relater ma propre expérience :

J’ai écrit six romans SFFF en mode scriptural. J’étais le roi, ça coulait à flots, mon record avoisinait les 300 ksec de premier jet en une dizaine de jours. J’aurai ri au nez du premier à me parler de structure. Si je pouvais boucler un bouquin en un mois, pourquoi en aurais-je passé deux en amont à le préparer ? Pire : j’étais persuadé que structurer reviendrait à tuer mon inspiration, déjà que ma vitesse d’écriture était un frein à mes yeux – j’aurais bien branché mon cerveau en direct sur ma plume –, alors m’arrêter pour prendre du recul n’était pas une option.

Et puis un jour, j’ai commencé mon septième roman. Je me suis réveillé six ans plus tard avec un torchon inachevé sans queue ni tête. Un petit bilan s’imposait : j’ai relu les six premiers et j’ai vite compris pourquoi aucun n’avait trouvé d’éditeur… Avec le recul nécessaire des années, je les lisais pour la première fois en tant que lecteur et plus comme leur créateur. Si je les avais achetés en librairie, j’aurais crié au remboursement !

Alors j’ai cherché, je me suis renseigné, j’ai lu et j’ai appris. Pour mon huitième projet, j’ai d’abord planifié la structure, puis j’ai enchaîné le neuvième et le dixième. En cinq ans j’ai terminé trois romans (contre six en dix-neuf ans). Ils sont plus riches, plus denses, et surtout bien plus singuliers que n’importe quel autre de mes projets antérieurs. J’ai appris que la structure n’était pas un carcan, mais un outil. Vous savez ce qu’on dit : « un bon ouvrier a de bons outils ». Les romanciers aussi ;-)

Source MECHDaily







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