Comme un seul homme, la troupe sortit de la chapelle et se mit en route. Nul besoin de demander où ils allaient, ils suivaient instinctivement la jolie colombe qui volait dans le ciel, en cercle au-dessus d’eux. En passant devant l’étang du Moulin de Kergoff, la colombe se posa au bord de l’eau et commença à faire ses ablutions. La troupe s’arrêta alors et chacun se lava ou se baigna dans l’eau glacée mais tellement revigorante ! Lorsque la colombe s’envola de nouveau, tous se levèrent et continuèrent leur route, toujours vers le nord. Les femmes commencèrent à comprendre où la colombe les dirigeait : vers les bords de l’Elorn, au Kordennad de Saint-Jean. En effet, ils n’étaient plus les seuls à arpenter ce chemin car c’était le jour du Pardon des Oiseaux.

Au bord de l’Elorn, le placître de la chapelle de Saint-Jean, protégé par ses chênes séculaires, était noir de monde. La foule traversait nombreuse, en barques à voiles et à rames, de la rive d’en face des Kerhorres et il y avait même des gens de Brest et de Landerneau qui venaient pour y acheter des volatiles.

Dans des cages en osier, des centaines d’oiseaux étaient enfermés en vue d’élevage ou de commerce. La troupe des La Gell - Kervalle passa inaperçue car les enfants, curieux de voir les oiseaux, s’étaient éparpillés dans la foule. Les femmes, fortes de leur foi, se rendirent directement dans la chapelle pour porter assistance aux malades. En effet, depuis l’épidémie, la chapelle Saint-Jean avait été transformée en maladerie. A l’intérieur, murs, statues et mobiliers avaient été blanchi à la chaux afin d’éviter que la peste noire s’y propage.

A l’extérieur, Augustine fendait la foule, la tête tournée vers le ciel, pour tenter d’apercevoir sa colombe qui avait disparu depuis leur arrivée. Malheureusement, elle ne voyait qu’en cages, merles et grives, chardonnerets et bouvreuils, qui sifflaient étrangement à son passage. Elle termina son expédition jusqu’aux rives de l’Elorn où une passerelle de plus de soixante mètres avait été installée pour accueillir tous les bateaux qui venaient en masse pour le Pardon. Sur un rocher, non loin de la Fontaine de mer sacrée, une vieille femme en guenilles, semblait en proie aux plus grands tourments. Elle s’approcha d’elle et lui demanda ce qu’elle avait :

- Je n’ai pas un sou pour traverser l’Elorn et je dois à tout prix me rendre en face pour porter secours aux miens. Mais nul passeur ne veut de moi, je ne pourrai jamais arriver à temps, dit-elle en sanglotant.

Comme à son habitude, Augustine suivit ce que son cœur lui dictait et vit de loin un habitant de son kordennad qui venait de débarquer près d’elles. Ni une, ni deux, l’affaire fut conclue et la vielle embarqua avec lui. Avant de partir, la vieille lui donna pour la remercier, une pierre blanche et lisse, ronde comme une grosse bille et lui dit:

- La bonté apporte la paix. Continue de donner comme tu le fais et la lumière se fera !